10-11-2020 20:16 - Mauritanie : Ghazouani, fin de la période de grâce ?

Mauritanie : Ghazouani, fin de la période de grâce ?

Afrimag - La situation politique actuelle est des plus étranges. Calme. Oui. Puisque l’opposition ne manifeste plus, comme elle le faisait quasi quotidiennement aux pires moments de la décennie Aziz.

Mais aussi, inquiétante, quand on sait que la démocratie vit, réellement, de ses propres contradictions, de cette bipolarité majorité-opposition qui permet aux citoyens d’avoir des regards différents sur la gestion du pays. La morosité est cependant rompue par intermittence par ce qui est devenu «L’affaire de la décennie Aziz». Les biens mal acquis.

Le dossier transmis par la Commission d’enquête parlementaire (CEP) à la justice plonge le pays dans l’attente d’une vraie lutte contre la corruption qui, à rebours, devrait démêler les fils des montages qui ont permis l’émergence, en un temps record, de fortunes colossales.

L’issue de ce dossier aux ramifications multiples servira surtout de baromètre politique pour donner raison – ou non – à ceux qui cherchent à persuader que l’ère Ghazouani, malgré ses atermoiements répétitifs, n’est pas une continuation du «nehj», vu au début du quinquennat en cours comme la poursuite de la politique que les Mauritaniens ont dû subir durant la décennie 2009-2019.

Car, à ce sujet, le doute est permis. Les mêmes personnages. Les mêmes pratiques (ou presque). Les mêmes problèmes de vie chère, de coupures d’eau et d’électricité, d’insécurité, de clientélisme, d’anarchie, d’irresponsabilité, etc. Certes, la première année du quinquennat peut être considérée comme un «temps mort» consacré au réglage du dispositif Ghazouani mais il faut très rapidement donner des signes de rupture pour que l’on comprenne la nature de la nouvelle gouvernance.

En ce sens, l’un des points de repère est, incontestablement, le changement de paradigme au niveau du Discours présidentiel et, par ricochet, des discours officiels (ministres) ou officieux (l’UPR, la majorité). Le pays ne vit plus «sous tension» politique et sociale comme au temps d’Aziz. D’ailleurs, le ton avait été donné, dès la campagne électorale de 2019, par un Ghazouani dont le soft power apparaissait comme l’opposé du «ça passe ou ça casse» de son prédécesseur. Mais, il faut savoir aussi que même si les Mauritaniens ont tendance à dire «la paix seulement», ils ont tendance à réclamer autre chose que les promesses.

«Taahoudati» (littéralement : mes engagements) doit se traduire, rapidement, en actes. L’on comprend difficilement que les travaux d’une route (Boutilimit-Aleg) dont la réhabilitation a été annoncée il y a plus d’un an n’aient commencé que la semaine dernière ! On comprend moins que la Délégation Générale à la Solidarité Nationale et à la Lutte Contre l’Exclusion (Taazour), dotée d’un budget conséquent de 4 milliards de MRU/an, peine encore à lancer ses programmes déclinés en cinq volets.

Certes, le prétexte pour justifier tout dysfonctionnement est la persistance de cette pandémie de coronavirus dont la deuxième vague envahit l’Europe et pousse des pays comme la France, le Royaume-Uni, l’Espagne et l’Italie à prendre des mesures drastiques pour ne pas se laisser submerger, à nouveau, par le nombre de malades retenus dans les hôpitaux, mais il y a certainement mieux à faire que de subir la routine.

Le nouveau Premier ministre, Mohamed Ould Bilal, voudrait bien impulser une nouvelle dynamique aux hommes et femmes en charge de mener les programmes de la relance post-Covid mais il faudrait aussi, qu’à ce niveau de la coordination de l’action gouvernementale, que les choses soient claires. La partition doit montrer que, comme on le dit souvent, la responsabilité ne se partage pas. Chaque ministre doit assumer et s’assumer. On devrait avoir fini avec l’époque où le justificatif tout trouvé est «l’ordre vient d’en-haut» et être capable de présenter sa démission, quand les décisions prises se heurtent aux convictions du responsable. N’est-il pas temps, en effet, que la Mauritanie devienne un pays «normal» où le principe de la sanction et de la récompense est appliqué comme norme de bonne gouvernance ?

Si les choix politiques répondent prioritairement à un rapport de forces découlant des élections municipales, législatives et régionales, la nomination à des postes administratifs (techniques) ne doit pas être discriminée. La compétence doit jouer pleinement quand il s’agit de nommer de bons magistrats, un coordinateur de projet, un directeur technique ou un chef d’établissement d’enseignement secondaire. En somme, il s’agit d’une question d’équité qui moralise la politique. Et cela doit être l’une des priorités d’un président de la République auquel l’opposition sortie d’une longue et harassante «guerre des tranchées» avec Aziz semble décidée à donner du répit. Mais jusqu’à quand ?

Par Mohamed Sneïba, Correspondant permanent - Nouakchott





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Commentaires (7)

  • Destroyer (H) 12/11/2020 12:44 X

    Ghazwani miskine....je pense qu'il ne s'est pas encore réveillé..Il est pris en tenaille par une Mafia et il n'a aucune énergie pour s'en débarrasser. Certains sont encore autour de lui et d'autres ont été limogés pour avoir été cités dans des dossiers de corruption. Sachez qu'ils n'ont pas été vraiment limogés. Ils sont tout juste conservés dans un congélateurs en attendant leur réinsertion prochaine. Gardés dans un congélateur ils ne risquent pas de pourrir avant revenir. La Mafia: Jibril Niang, Nani ould Chrougha, Ould Abdel Vetah, Mouhamed Salem ould Bechir....Ils sont tout juste gardés en congélation dans un des frigos de Ghazwani....bientôt ils seront remis sur les railles

  • Marrakech (F) 11/11/2020 12:54 X

    Bravo Salem Vall, vous avez parfaitement résumé la situation !

  • Salem Vall (H) 11/11/2020 08:25 X

    Chut, silence. Laissez-le dormir et se promener après. Le pays est entre de bonnes mains. Celles de Aziz et Cie

  • bala (H) 11/11/2020 01:51 X

    Le président Ghazouani a reçu le pouvoir sur un plateau d'argent par la seule volonté du president Aziz.Il ne s'adosse que sur les hommes de l'ex-président qui a verrouillé le système avant de partir.La première sortie de l'opposition contre le pouvoir de Ghazouani sera sa chute puisqu'il est incapable jusqu'à présent de "guerir" la Mauritanie de tous les maux dont elle souffre.Ce gouvernement est incompétent et le président de la république fait une navigation à vue.

  • Le Titan (H) 10/11/2020 21:39 X

    Mais Sneïba, jusqu’à ce que la glace se fonde sur nous et mouille toutes les structures étatiques, la fraicheur de l’homme du commandement qui ne nous presse sur rien et ne dit rien, n’a rien, ne fait rien que suivre le courant d’air de celui qui était là, de ceux qui restent et maintiennent le système qui était là. Jusqu’à quand, jusqu’à la fin de son premier mandat et il dira Alhamdoulillah, j’ai fais 5 ans sans mort ni blessé, ni emprisonnement ni rien, pourvu que je ne demande jamais rien et rien n’a changé depuis que rien que je suis n’a rien fait de rien en rien, alors durant cinq ans il a fui les hommes et les réalités.

  • Le Titan (H) 10/11/2020 21:38 X

    Mais Sneïba, jusqu’à ce que les marabouts et barbues s’habituent aux costumes et cravates politiques de ce pays, malheureusement nous sommes mal tomber et c’est le moment de le dire, il est temps pour Ghazouani et ses sbires de comprendre que la Mauritanie a besoin d’autres choses que ce qu’ils nous montrent et essaye de nous faire croire que le calme est le besoin des mauritaniens qui ont faim et soif, les mauritaniens n’ont pas besoin que le président de la république reçois les voleurs au palais pour anoblir les détournements de deniers publics, tout le monde est unanime que Ghazouani ne changera rien du tout que du vent, son programme Tahaoudat bat de l’aile depuis bientôt une année, il doit savoir que les mauritaniens ont besoin de justice et non de ce qu’il leur montre comme exemple de fraicheur, de timidité, de politesse et de gentillesse à la Deyboussat, ou bien il développe ce pays en commençant par la justice qu’il essaie de prôner sans avoir les bras et le courage de le faire ou il démissionne pour incapacité de gouverner un pays, il aura commis moins dégât en ce moment.

  • Le Titan (H) 10/11/2020 21:38 X

    Sneïba, les mauritaniens attendent quoi de ce président, ils attendent quoi de celui qui ne parle qu’a l’occasion des déplacements et pour ne dire que des conneries qui ne finissent pas, les mauritaniens attendent quoi de celui qui ne se réveille qu’en fin de matinée et demande c’est quel jour et il est quelle heure, il demande ce qui s’est passé hier nuit ou hier matin en conseil des ministres, les mauritaniens attendent quoi d’un président qui n’a jamais posé la question a aucun des anciens et nouveaux ministres sur la situation de leurs départements ministériels, ils attendent quoi de neuf de quelqu’un qui reçois les voleurs et nomme les bandits aux postes, alors que la justice avec des jambes d’argiles qui peines à se relever et ne se relevera jamais avec l’eau au genou.