26-11-2020 09:47 - Aminatou Haidar: «Au Sahara occidental, la guerre est vue comme la seule issue»

Aminatou Haidar: «Au Sahara occidental, la guerre est vue comme la seule issue»

Le Temps - Le conflit au Sahara occidental s’est rallumé après des décennies de calme précaire. L’activiste Aminatou Haidar met en garde contre le désespoir des Sahraouis qui voient l’indépendance s’éloigner.

«Au moment où je vous parle, une voiture noire est stationnée devant chez moi. Voilà des semaines que la police marocaine me suit partout.» Au téléphone, Aminatou Haidar a la voix lasse d’une activiste qui a consacré les trente dernières années à défendre les siens.

Les Sahraouis désespèrent d’obtenir leur indépendance du Maroc, qui contrôle les trois quarts du Sahara occidental. Ces deux dernières années, une dizaine de pays ont ouvert des consulats dans le territoire contesté, reconnaissant ainsi la souveraineté du Maroc.

Ensablé depuis bientôt trois décennies, le conflit entre le Maroc et la branche armée sahraouie, le Front Polisario, vient de se rallumer. Le 13 novembre dernier, l’armée marocaine a investi la zone tampon de Guerguerat entre le Sahara occidental et la Mauritanie. Les soldats ont chassé des manifestants sahraouis qui bloquaient le passage frontalier de cette route permettant au Maroc d’accéder aux pays d’Afrique de l’Ouest.

Depuis, les troupes marocaines ont entrepris de sécuriser cet axe stratégique. Elles visent à prolonger jusqu’à la frontière mauritanienne le mur de sable long de 2700 kilomètres qu’elles ont construit dans les années 1980 pour empêcher les incursions du Polisario en direction de l’océan. Le Maroc a justifié son opération par la présence de véhicules militaires du Polisario parmi les militants à la frontière avec la Mauritanie.

«Atteinte à la souveraineté nationale»

De son côté, le Polisario a dénoncé une violation de l’accord de cessez-le-feu conclu en 1991 et annoncé la reprise de la guerre contre le Maroc. Vu l’immensité du théâtre d’opérations, il est impossible de vérifier si ces déclarations belliqueuses sont suivies d’effets. «Le Maroc a renforcé sa présence militaire et policière», témoigne Aminatou Haidar, depuis Laâyoune, principale ville du Sahara occidental.

L’activiste a vu une nouvelle fois l’étau se resserrer autour d’elle. Le déclencheur a été la création fin septembre d’une nouvelle ONG, «l’Instance sahraouie contre l’occupation marocaine». Le 29 septembre, le bureau du procureur marocain a annoncé l’ouverture d’une enquête pour «atteinte à la souveraineté nationale». «Mais aucun fondateur de l’ONG n’a été convoqué, ni entendu», s’étonne Aminatou Haidar. La semaine dernière, elle raconte avoir été empêchée de prendre l’avion pour s’évader un peu dans les îles Canaries. «J’étais la seule passagère à avoir dû subir un test covid et, comme par hasard, il était positif, alors que je n’ai eu aucun symptôme.» La presse marocaine, elle, vilipendait l’irresponsabilité de la Sahraouie, qui aurait pu contaminer tout un avion.

Le lien entre le traitement de l’activiste et les récents événements à la frontière avec la Mauritanie? «Le point commun, c’est le désespoir des Sahraouis», répond Aminatou Haidar. «Ils ne voient pas d’autre issue que la guerre. Je n’ai plus de mots pour dissuader les jeunes de prendre les armes», se désole l’activiste, surnommée la Gandhi sahraouie pour son inlassable lutte non-violente. En 2019, elle a obtenu le Prix de la Fondation Right Livelihood, considéré comme le Prix Nobel de la paix alternatif.

Quatre ans au secret

En 1987, Aminatou Haidar avait 20 ans quand elle a été emprisonnée dans le plus grand secret par le Maroc avec des dizaines d’autres militants sahraouis. «Ma famille ne savait pas si j’étais morte ou vivante. Personne n’osait poser la question, raconte-t-elle. Ces quatre ans d’enfer et de souffrance m’ont ouvert les yeux sur le sort du Sahara occidental. Jamais je ne renoncerai à réclamer nos droits, je le dois à mes compagnons qui sont morts en prison.»

En 1991, le Maroc et le Polisario parviennent à un accord de cessez-le-feu et une force de l’ONU est établie, avec mission d’organiser un référendum d’autodétermination. Aminatou Haidar est libérée et l’heure est à l’optimisme. Presque trente ans plus tard, le référendum n’a toujours pas eu lieu. Sa tenue bute sur la question cruciale des électeurs qui pourraient y participer, étant donné que de nombreux Marocains se sont depuis installés au Sahara occidental. «C’est une question de volonté politique, objecte Aminatou Haidar. Le Conseil de sécurité de l’ONU est paralysé par la France qui soutient le Maroc.» La menace d’une reprise du conflit fera-t-elle bouger les lignes?

Par Simon Petite





Les articles, commentaires et propos sont la propriété de leur(s) auteur(s) et n'engagent que leur avis, opinion et responsabilité


Commentaires : 1
Lus : 3462

Postez un commentaire

Charte des commentaires

A lire avant de commenter! Quelques dispositions pour rendre les débats passionnants sur Cridem :

Commentez pour enrichir : Le but des commentaires est d'instaurer des échanges enrichissants à partir des articles publiés sur Cridem.

Respectez vos interlocuteurs : Pour assurer des débats de qualité, un maître-mot: le respect des participants. Donnez à chacun le droit d'être en désaccord avec vous. Appuyez vos réponses sur des faits et des arguments, non sur des invectives.

Contenus illicites : Le contenu des commentaires ne doit pas contrevenir aux lois et réglementations en vigueur. Sont notamment illicites les propos racistes ou antisémites, diffamatoires ou injurieux, divulguant des informations relatives à la vie privée d'une personne, utilisant des oeuvres protégées par les droits d'auteur (textes, photos, vidéos...).

Cridem se réserve le droit de ne pas valider tout commentaire susceptible de contrevenir à la loi, ainsi que tout commentaire hors-sujet, promotionnel ou grossier. Merci pour votre participation à Cridem!

Les commentaires et propos sont la propriété de leur(s) auteur(s) et n'engagent que leur avis, opinion et responsabilité.

Identification

Pour poster un commentaire il faut être membre .

Si vous avez déjà un accès membre .
Veuillez vous identifier sur la page d'accueil en haut à droite dans la partie IDENTIFICATION ou bien Cliquez ICI .

Vous n'êtes pas membre . Vous pouvez vous enregistrer gratuitement en Cliquant ICI .

En étant membre vous accèderez à TOUS les espaces de CRIDEM sans aucune restriction .

Commentaires (1)

  • mystere1 (F) 02/12/2020 13:34 X

    Chère brave et belle militante, une guerre civile pour accéder à l'indépendance au Sahara, est la seule issue, ça c'est la pensée de cette Jeanne d'Arc Sahraouie, mais ce n'est pas la solution, tant que cette hostilité ne sera pas finie, le sahara refuse d'être un pays sandwitch entre la mauritanie et le maroc, mais aussi surtout dépendre au crocher du Maroc, qui l'étouffe, et fait l'éclipser, et le sahara ne veut pas être un pays fantôme, ou pays vivant sous l'ombre du royaume chérifien, chaque nation aspire à la liberté indépendante ! je ne dirais pas qu'une indépendance sera de sitôt, mais cela sera difficile, il n'y a que soit Med 6 qui peut changer le cours de l'histoire de son père et grand père homonyme, en acceptant de donner à son pauvre voisin du désert, l'indépendance, sinon les futures générations saharaoui ne se laisseront pas faire, et une guerre civile se répétera comme celui du passé douloureux ! à moins que peut être le futur roi, et actuel prince hassan, une fois devenu roi, changera l'histoire de ses aîeuls et sera clément avec le sahara et on dira que Hassan 3 a fait ce que son père Med6, son grand père Hassan 2 et son arrière grand père Med 5, n'ont pas fait !.