11-02-2023 18:34 - Les derniers moments de Souvi
Med Yahya Abdel Wedoud -
Il semble que l'officier de police judiciaire du Commissariat de Zaatar n°2 est un samsar. Il a coutume de chercher les créanciers pour se charger du recouvrement de leurs créances. En contrepartie, bien sûr, d'une commission.
Il propose au créancier de porter plainte contre les débiteurs domiciliés à Dar Naim. Dès le dépôt de la plainte, deux ou trois policiers (brigade de recherche de police judiciaire) sont vite envoyés chez le débiteur, qui est conduit manu milirari au Commissariat.
Il oblige le débiteur à payer en utilisant la manière forte, la bastonnade en règle. Telle est sa méthode, digne du Far West, dont Dar Naim est le fief. D'aucuns qualifient Dar Naim de Far West, de zone de non droit.
Adepte de la violence, l'officier de police judiciaire de Zaatar 2 est un dur. Il sait comment s'y prendre avec "ses clients". Il fait passer un si mauvais quart d'heure aux débiteurs récalcitrants qu'ils seraient prêts à se saigner à sang (c'est le cas de le dire), à faire n'importe quoi pour payer leur créancier. A deux doigts de la mort, ils finissent par obtempérer et payer leur créancier.
Jusque-là , tout allait bien. Ce commerce juteux, l'officier de police en a fait son gagne-pain.
Souvi n'en croit pas ses yeux lorsque les policiers le traitent sans ménagement. Ils lui adressent des invectives auxquelles il répond. Des insultes fusent de part et d'autre. Excités, ils le menottent et le traînent dans une cellule.
Un policier lui assène une gifle cinglante. Souvi riposte en lui donnant un coup de tête. L'homme en tenue se précipite sur sa victime, la jette à terre et se déchaîne. Les coups se succèdent. Il frappe Souvi au visage, à la tête. Des policiers en font autant sur d'autres parties du corps, parcouru de soubresauts.
Comme un forcené, il déverse toute sa hargne contre le pauvre Souvi, décidément seul contre plusieurs policiers et ligoté. Sauf miracle, il n'a aucune chance de s'en sortir.
Plaqué au sol, un policier se met à l'étrangler. A la difficulté de respirer, succède l'impossibilité de respirer. Souvi perd connaissance.
Pendant tout ce temps, aucun des policiers présents, des plus jeunes nouvellement enrôlés jusqu'au doyen, qui à quelques années de la retraite, personne n'intervient pour empêcher le drame, pour sauver Souvii, qui crie.
En fait, il agonise sous leurs yeux. Un policier ferme la porte de la cellule. C'est la règle dans les commissariats. Comme d'habitude, ils laissent faire. Faire et laisser faire, tel est le mot d'ordre dans tous les commissariats de Mauritanie. La pratique, c'est la violence et la magouille, sous toutes leurs formes.
Une dizaine de minutes plus tard, l'un des agents informe l'officier de police judiciaire que le détenu ne bougeait pas, ne bougeait plus.
"Laissez-le. Et s'il ne bouge pas, et bien Dieu fasse qu'il ne bouge plus!"
Med Yahya Abdel Wedoud
Journaliste, Dakar