CNDH - J’ai eu comme président de la CNDH l’honneur d’assister à Genève le 11/09/2023 à la présentation par le gouvernement mauritanien de son premier rapport sur la protection des personnes contre les disparitions forcées dans lequel je suis également intervenu en session privée.

C’est dans le cadre du dialogue entre les trois acteurs que sont le Gouvernement, le système des Nations Unies et les ONG que j’ai pu me rendre compte d’une révolution en marche et qui me rend très optimiste.

En effet, malgré la sensibilité des sujets abordés, et même la dimension tragique de certaines violations des droits humains comme celles liées au passif humanitaire, le dialogue s’est fait de manière apaisée et constructive.

Le changement était spectaculaire par rapport au passé où certains gouvernements pouvaient s’enfermer dans des positions de mutisme et de déni face à des ONG de défense des droits de l’homme qui faisaient dans la surenchère et la diabolisation à outrance, et tout cela, sous le regard méfiant des experts des Nations unies.

Aujourd’hui le gouvernement, fort des solutions apportées au dossier jusqu’ici, accepte de regarder les choses en face, il fait la preuve de sa bonne volonté en y mettant les moyens humains, juridiques et institutionnels. En face on observe concomitamment une évolution des ONG de notre pays.

Pour le dire simplement, nous sommes passés d’ONG souvent enfermées dans des postures de diabolisation et défendant un discours caricatural à des ONG capables à la fois de faire le constat des avancées positives faites par le gouvernement, mais aussi de défendre dignement les victimes passées et présentes des violations des droits de l’homme.

Cette dignité des ONG était bien palpable à Genève empruntant à celle des victimes du passif humanitaire comme ces veuves ou ces personnes qui ont perdu des proches. Sous la tutelle enfin bienveillante des Nations Unies, les discussions ont été franches, objectives et respectables.

Le constat de tous c’est qu’il y a un grand mieux dans le traitement des droits de l’homme en Mauritanie mais qu’il reste encore un chemin à parcourir. Chemin que le gouvernement doit accepter de prendre sans sourciller. Par ailleurs, dans ce climat de sérénité, les experts des Nations unies ne sont plus dupes et plus personne ne prête l’oreille au discours caricatural d’une Mauritanie « esclavagiste » où se produisent des « violations massives des droits de l’homme ». Le temps des excès est bien révolu !

Nous devons donc rassurer les mauritaniens. Nous sommes bien capables de résoudre nos problèmes de droits humains entre nous. Les ONG internationales comme Amnesty International ou Human Right Watch n’auront peut-être plus besoin de faire ce travail de veille que nous pouvons faire en interne sans crainte de représailles. Et c’est cette révolution dans l’approche qui est en marche et dont les rencontres de Genève témoignent de manière spectaculaire.

A Genève, nous avons observé cet esprit pour lequel nous nous battons depuis 4 ans à la CNDH. Notre indépendance constitutionnelle nous a donné à la fois l’occasion d’interpeller le gouvernement avec sérénité et bienveillance, mais aussi de dialoguer avec les ONG en les responsabilisant sur l’importance de maintenir l’objectivité et de ne pas monter dans la surenchère qui bien que spectaculaire se révèle généralement inefficace sur le long terme et contre-productive !

Espérons donc que ce nouveau climat se maintienne au plus grand bénéfice de celles et ceux pour lesquels nous agissons ; celles et ceux dont les droits fondamentaux sont niés, menacés ou enfreints.

Maître Ahmed Salem Ould Bouhoubeyni