28-05-2016 11:54 - A la Biennale 2016, des artistes du Maghreb tissent leurs toiles
Thiaski Blog - Nous avons rencontré quelques artistes maghrébines sélectionnées dans l’exposition IN de la 12ème édition de la Biennale de l’art contemporain africain de Dakar. Leurs œuvres rendent compte des réalités et des ambiances dans l’espace maghrébin de leurs pays d’origine.
La condition de la femme, les régimes politiques, les croyances populaires, les interdits, Les mauvaises habitudes… Elles traitent aussi de la question de l’identité et de la problématique de l’intégration des émigrés. Ces grandes dames ont presque toutes en commun d’être tiraillées entre l’occident et leurs pays d’origine.
L’algérienne Dalila Dalleas Bouzar vit en France. Elle ressent les pressions de l’exil jusque dans sa palette d’artiste. « Je me révolte contre une volonté qui sévit en occident d’imposer aux créateurs africains des formats de créations artistiques » avait – elle protesté dans un entretien qu’elle nous avait accordé lors de l’édition de la Biennale de 2010.
L’œuvre qu’elle présente cette année se situe dans le prolongement de son éternelle quête de la dignité. « Les princesses » est une séries de dix peintures représentant des femmes algériennes photographiées par Marc Garanger durant la guerre d’Algérie dans les camps de regroupement.
Ces femmes obligées de se dévoiler ont senti une profonde violation de leurs intégrités physiques. Dalila leur a rendu la dignité en les peignant comme de véritables princesses avec des couronnes en or. La tunisienne Mouna Jamal Siala conte sa propre histoire dans ses toiles.
Elle met en scène ses propres émotions, s’interroge sur son identité entant que femme, entant que mère. L’installation qu’elle présente est intitulée «Quand l’espace raconte le temps».
C’est un linge étalé dans la maison de ses grands parents aujourd’hui disparus. Une manière de raviver les souvenirs d’une vie antérieure. Car le linge exprime une certaine poésie. Des actes, des couleurs, des odeurs, bref la vie tout court.
Mouna est une artiste de renommée mondiale qui ne ferme pas la bouche par rapport à certaines déviances sociales. Dans sa performance «Café transparent» elle s’insurge contre la corruption en Afrique et dans le monde.
Il s’agit de rendre transparent le tête-à -tête entre deux personnages assis face à face. Tout dans leur dialogue doit être clair. De l’expression des yeux jusqu’aux mouvements de la monnaie et des objets qu’ils échangent en dessous de la table.
Les œuvres de la marocaine Safaa Mazirh ont crée une forte sensation. Elle présente une série de photos sans titres représentant un corps de femme dans différentes postures. Un corps qui se multiplie de manière asymétrique. Les images qui sont par endroit floutées montrent une certaine turbulence, un certain malaise et un profond questionnement. L’expression des visages, les gestes des mains, les mouvements des bustes, expriment des états d’âme.
La mélancolie, la souffrance des femmes face aux violences qu’elles subissent quotidiennement. Safaa Raconte l’histoire de la femme marocaine. Elle se bât contre les tabous qui minent sa société avec comme seule arme, son propre corps. Sa compatriote Fatima Mazmouz est plus sensible aux pulsions de son Cœur.
«Je questionne tout le temps mon cœur» a –t-elle reconnu. Elle présente une installation nommée «Super Oum». Une série de photos mettant en scène les différentes étapes d’une grossesse. Elle évoque les espoirs et les peines d’une femme dans un tel état.
Le cheminement dans le temps soulève des interrogations. Y’aura-t-il oui ou non un accouchement. Comment se fera –t-il ? Que deviendra le bébé mis au monde ? Le risque d’avortement est toujours à l’ordre du jour. Pire encore, il y a des grossesses qui n’arrivent jamais à termes.
En se servant du ventre d’une mère, Fatima Mazmouz peint une société en mal avec ses identités. Elle indexe les difficultés d’intégration des émigrés, les échecs des cohabitations entre différentes communautés, entre différentes cultures. Les politiques mal pensées qui freinent le développement de nos pays, les lendemains incertains…
A la Biennale 2016, Les maghrébines ont fini d’imprimer leurs marques. Leurs travaux ont attiré beaucoup de visiteurs.
Yero Ndiaye