03-08-2017 00:30 - Cheikhna Cheikh SaadBouh, cent ans déjà

Cheikhna Cheikh SaadBouh, cent ans déjà

NdarInfo - 12 juillet 1917, était rappelé à Dieu Cheikhna Cheikh SaadBouh, à l’âge de 69 ans. Cela fait donc cent (100) ans, que nous quittait « le bonheur de son père » Sahdou Abîhi. Le parcours de cet homme d’exception, très précoce, a marqué l’histoire de la sous-région ouest-africaine dans ses dimensions religieuses, politiques et socioculturelles.

Au bilan de son action qui ne peut être que sommaire, son influence étant dans une dynamique continue, il conviendra de noter qu’il a participé grandement à l’expansion de l’islam, à la préservation de la paix et à l’éducation des masses.

Très tôt, à l’âge de 16 ans, quittant son Hodh natal situé à l’est, il a été envoyé par son illustre père Cheikhna Cheikh Mouhamed Fadel (1796-1869), pour s'établir dans la zone du Trarza, au sud-ouest mauritanien à la frontière de la vallée du Fleuve Sénégal.

Auparavant, il reçut de lui une solide formation religieuse, juridique et ésotérique. A la nature aride et désertique des contrées, s’était ajoutée une insécurité quasi générale s’étendant jusqu’ à la rive ouest du Fleuve, caractérisée par les razzias des tribus guerrières, le commerce d’esclaves et la contrebande d’armes à feu.

C’est ainsi qu’il dut faire face à l’adversité des puissantes tribus autochtones et à l’émirat du Trarza. Jusqu’en 1904, les Français n’avaient que deux postes avancés en Mauritanie, à Saout El Mâ et à Mederdra mais disposaient depuis le siècle précédent, de positions fortes dans la colonie sénégalaise qui était en phase de pacification.

C’est dans ce contexte que Cheikh Saadbouh effectua son premier voyage à Saint-Louis, en 1872. Après avoir campé sur le site actuel de l’université Gaston Berger (Dakar Bango), situé à 10 Km de Saint-Louis, Il effectua sa première visite sur l’Ile en cette année.

Il revient dans l’histoire, l’incident de Guet Ndar avec le Gouverneur du Sénégal ; incident né du Zikr à haute voix, l’une des innovations de la faddilya à la voie khadrya. Les invocations à haute voix des disciples furent, en effet, considérées par la police coloniale de Saint-Louis comme attentatoires à l’ordre public.

Cheikh Saadbouh fut donc convoqué dans le bureau du Gouverneur et menacé d’emprisonnement. Ce dernier se ravisa des suites de la résistance opposée par le Cheikh.

Il effectua un deuxième séjour en 1881. L’extrait du rapport de compte rendu en date du 24 mai 1881 du Gouverneur DE LANNEAU indique, à cet égard, « Le grand marabout Cheikh Saadbouh est venu me voir le même jour 09 mai, suivi par la foule innombrable de fidèles chantant ses louanges. Saadbouh a eu Lat-Dior comme élève et passe pour avoir sur sa personne une influence décisive. Il revient d’une grande tournée religieuse qu’il a entreprise dans l’intérieur.

Je reçus le marabout avec distinction et je lui demandai s’il voulait s’employer à atténuer les difficultés du Cayor. Je lui expliquai que, loin de nuire aux populations, le chemin de fer les servirait, et que c’était faire un noble emploi de son prestige que de réduire à néant une opposition sans raison.

Il est parti escorté de tout Saint-Louis, les gens se jetant à genou sur son passage, baisant ses pieds et ses mains. Blancs et noirs eurent le meilleur augure de cette visite, Saadbouh étant partout vénéré à l’égal d’un saint. »


De même, Guy THILMANS, anthropologue, rapporte : « le campement de Cheikh Saadbouh était un important centre d’études dont les élèves, provenant pour la plupart soit de tribus maraboutiques, soit de wolof de Saint-Louis et du Cayor, étudiaient sous la tente.

En pays noir, l’influence du Cheikh était considérable s’étendant au Fouta, au Cayor, au Baol, au Djolof et même en Gambie et en Casamance. A Saint-Louis, il jouissait de la considération générale. Il était en relation suivie avec El Hadji Malick SY, ainsi qu’avec Ahmadou Bamba. »


Il profita de ses pérégrinations et de ce que le colonisateur garantissait, plus ou moins, la liberté de culte, à l’opposé des puissances tribales et des guerriers ceddos réfractaires à l’islamisation, pour étendre la religion musulmane dans les contrées les plus reculées de la Sénégambie et de la sous-région ouest-africaine.

Il a formé beaucoup de Cheikhs et de dignitaires, qui, à leurs tours, ont effectué un travail considérable. Selon l’auteur Talibouya NIANG, Cheikh Saadbouh a consacré 664 cheikhs dans la sous-région.

On peut citer, notamment, Cheikh Tourad Ould Abbas (inhumé à Dakar), Cheikh Mahfouz ould Abba (Binako et sud du Sénégal), Cheikh Aldiouma BA (Guet Ardo), Cheikh Moussa CAMARA (Ganguel), Cheikh Bakary DIARA (Mali), Cheikh Ahmadou DJIMBIRA (Kébémer), Cheikh Fanta-Madi (Kankan – Guinée Conakry), Cheikh Youssou Bamar GUEYE (pays lébou de Dakar), Cheikh Ahmadou NDIAYE (Loboudou), Cheikh Ibrahima SANE (Birkama – Gambie), Cheikh Moussa SARR (Niodior), Cheikh Yérim Ndoumbane SECK (Tivaouane), Cheikh Déthialaw SECK (Ngourane), entre autres.

Son action pacifique et la grande estime que lui portaient les populations sénégalaises, parce que descendant du noble prophète Mouhamed (PSL), firent de lui un porte-étendard et un médiateur. Il joua le rôle de régulateur social de son temps.

C’est ainsi qu’il effectua les bons offices auprès du Damel du Cayor, Lat Dior, en contradiction avec le colonisateur. De même, il entretenait des relations fraternelles, cordiales et fructueuses avec les guides religieux et monarques sénégalais, dont, Alboury NDIAYE, Bourba Djolof.

Son intelligence, sa grande compréhension des enjeux de l’heure et son érudition l’avaient poussé à adresser, en 1906, une lettre de haute facture - que l’histoire retiendra - à son grand frère l'illustre Cheikh Malaïnine (1831-1910) qui avait engagé, dans le Sahara occidental, la guerre sainte contre le colonisateur. Sa fameuse maxime, argumentée de la doctrine islamique, de l’histoire et du réalisme de la géopolitique, est toujours d’actualité cent (100) ans après.

Il lui avait dit : « Qui prend les armes s’éloigne de la vertu. » Le temps lui a donc donné raison car si le colonisateur a pu disposer, de gré ou de force, des diverses ressources de nos Etats, l’action de nos guides religieux a permis, avec intelligence, la conquête et le contrôle des cœurs.

C’est donc l’occasion de lui rendre un vibrant hommage ainsi qu’à ceux qui ont étendu le flambeau de la paix, de la justice et de la foi en combattant l’obscurantisme.

Sa production littéraire, juridique et gnostique continue à inspirer la oumah. Le fait le plus remarquable, c’est malgré son statut de descendant du prophète Mouhamed (PSL) et de pôle privilégié multidimensionnel, il disait dans ses khassaïdes que son plus grand bonheur aurait été de constituer le sable sur lequel notre vénéré prophète (PSL) marcha, signe de sa foi intense et de son humilité sans commune mesure.

La contribution de cet homme de très grande valeur à l’histoire de la sous-région et ses nombreux écrits devraient donc être mieux connus. Il est, véritablement, une référence religieuse, un panafricaniste et un éducateur hors pair car il avait, par sa pédagogie perspicace, la capacité de transformer, en un temps record, un profane en érudit incontestable.

C’est à partir de 1909, que Cheikh Saadbouh s’établit à Nimzatt, au nord de Rosso, près du chef-lieu de Mederdra. Il y avait fondé une université qui forma de nombreux sénégalais, maliens et guinéens, entre autres. Son œuvre est, aujourd’hui, perpétuée par sa descendance, les cheikhs et les nombreux disciples khadres.

Cheikh Sadibou DIOP
Administrateur civil



Les articles, commentaires et propos sont la propriété de leur(s) auteur(s) et n'engagent que leur avis, opinion et responsabilité


Commentaires : 2
Lus : 4700

Postez un commentaire

Charte des commentaires

A lire avant de commenter! Quelques dispositions pour rendre les débats passionnants sur Cridem :

Commentez pour enrichir : Le but des commentaires est d'instaurer des échanges enrichissants à partir des articles publiés sur Cridem.

Respectez vos interlocuteurs : Pour assurer des débats de qualité, un maître-mot: le respect des participants. Donnez à chacun le droit d'être en désaccord avec vous. Appuyez vos réponses sur des faits et des arguments, non sur des invectives.

Contenus illicites : Le contenu des commentaires ne doit pas contrevenir aux lois et réglementations en vigueur. Sont notamment illicites les propos racistes ou antisémites, diffamatoires ou injurieux, divulguant des informations relatives à la vie privée d'une personne, utilisant des oeuvres protégées par les droits d'auteur (textes, photos, vidéos...).

Cridem se réserve le droit de ne pas valider tout commentaire susceptible de contrevenir à la loi, ainsi que tout commentaire hors-sujet, promotionnel ou grossier. Merci pour votre participation à Cridem!

Les commentaires et propos sont la propriété de leur(s) auteur(s) et n'engagent que leur avis, opinion et responsabilité.

Identification

Pour poster un commentaire il faut être membre .

Si vous avez déjà un accès membre .
Veuillez vous identifier sur la page d'accueil en haut à droite dans la partie IDENTIFICATION ou bien Cliquez ICI .

Vous n'êtes pas membre . Vous pouvez vous enregistrer gratuitement en Cliquant ICI .

En étant membre vous accèderez à TOUS les espaces de CRIDEM sans aucune restriction .

Commentaires (2)

  • Bounana (H) 03/08/2017 17:25 X

    Samba, Bouh el Mogdad Seck est senegalo-Mauritanien et interprète du gouverneur de ST Louis. Aucun lien avec Cheikhna Cheikh Saadbouh .

  • samba el bakar (H) 03/08/2017 11:26 X

    Allah yarhamhou.Merci Monsieur Diop pour cet éclairage édifiant qui met en relief la valeur de cet érudit et également la solidité des liens entre les composantes commentaires de l' Ouest Africain Dans cette communion que guide le Spirituel,se trouve le remède contre tous les extrémismes importés du Moyen Orient où le culte de l' Arabité veut effacer la fraternité entre les musulmans. Question si vous êtes toujours connecté:Quelques étaient ses relations de sang et/ou de confrérie avec Bouh el Mogdad?