23-12-2021 08:29 - Thé contaminé : Attention danger !
Le Calame - La Mauritanie est un gros consommateur de « thé vert de Chine ». Différentes sortes en sont sirotés chaque jour, aussi bien à domicile qu’au bureau.
Parfois sans modération. Offrir un verre de thé à un visiteur est signe d’hospitalité, il est inimaginable de recevoir quiconque, fut-il inconnu, sans lui proposer d’en boire, on s’étonne même d’entendre quelqu’un en refuser un verre... Du coup, ce sont des milliers de tonnes qui inondent le pays chaque année.
Certains grossistes s’y sont spécialisés. Il suffit de se rendre dans les grands marchés pour s’en convaincre. On en voit tout un éventail de marques, déclinées en couleurs diverses, sous des noms typiquement locaux.
Et au constat de ces colossaux stocks constitués chez nous, on se demande si notre pays est vraiment en mesure de les absorber tous. Une partie pourrait donc seulement y transiter, comme les cigarettes et d’autres produits alimen-taire, avant de partir vers d’autres pays, voisins ou plus lointains.
En cette situation, on n’avait jamais vu ni entendu dire que du thé douteux ait été saisi et incinéré comme d’autres produits de consommation, ainsi que nous en informe régulièrement la télévision. C’est pourtant qui est arrivé en Juin dernier. S’appuyant sur une étude qu’il avait commanditée, le Collectif des cadres mauritaniens expatriés (CCME) saisissait en effet le département du Commerce sur les risques de plusieurs marques de thé consommé en Mauritanie. Des rumeurs non confirmées circulaient déjà sur d’éventuelles affections hépatiques et diabétiques que provoquerait l’abus de notre boisson préférée. On y ajoute aujourd’hui une toxicité prouvée : voilà de quoi s’inquiéter, dans un pays où l’on observe de fréquents trafics illicites de produits périmés ou carrément falsifiés, mettant en cause la porosité de nos frontières et toutes sortes de complicité.
Pesticides détectés
La stratégie mise en place par le CCME ne laisse, en effet, pas de place au doute. Les Mauritaniens sont en train de se tuer à petit feu en consommant le thé vert importé de Chine et actuellement en vente dans nos marchés. Le Collectif a procédé à un échantillonnage à deux étages qui a commencé avec la collecte de vingt et huit marques de thé, en avril 2021, dans des boutiques visitées dans chacune des quatre régions administratives de la capitale, Nouakchott.
Le choix d’un échantillon final de 10 marques s’est opéré suivant deux critères combinés : a) l’importance dans la consommation selon un panel de personnes-ressources et de boutiquiers (5 marques choisies) et b) un tirage aléatoire et aveugle sur les autres 23 marques par un panel (5 marques choisies). Pour des raisons éthiques, l’étude garantissait qu’aucune identité des marques sélectionnées ne soit divulguée à partir du choix fait de l’échantillon. Les analyses, pour la recherche de résidus de pesticides, ont été confiées à un laboratoire européen agréé par la COFRAC (Comité FRançais d’ACréditation) et spécialisé dans ce type d’analyse (www.phytocontrol.com).
Dans sa procédure d’analyse, le laboratoire détecte la présence de 350 molécules utilisées comme pesticides et quantifie cette présence par rapport à la norme Européenne et notamment par rapport à la Limite Maximale de Résidu autorisée (LMR). Si une seule de ces 350 molécules dépassait la LMR, une alerte rouge est émise en direction du client qui doit, pour se conformer à la réglementation, suspendre l’importation du produit incriminé. Les résultats sont éloquents :
"Tous les 10 échantillons analysés ont fait l’objet d’alerte rouge. Vingt-et-six pesticides ont été détectés au sein des 10 échantillons analysés. Parmi ces 26 molécules, 8 sont présentes à des taux qui dépassent la Limite Maximale de Résidu autorisée (LMR), ce qui devrait leur interdire l’accès au marché européen. Trois pesticides (Chlorpyrifos, Cyhalotrine et Tolfenpyrad) sont présents dans dix échantillons sur dix et ce, à des taux compris entre 200 et 11.000 % de la LMR. Les pesticides retrouvés sont essentiellement des insecticides de transport et de stockage.
Les pesticides détectés à des taux dépassant les 100% de la LMR sont dangereux pour la santé publique en termes de toxicité chronique. Ils sont soit cancérigènes ou susceptibles de l’être, soit modificateurs endocriniens, soit génotoxiques ou neurotoxiques."
« Pas de panique ! », dixit le ministère
Face à l’interpellation du CCME, le ministère du Commerce, de l’artisanat et du tourisme a publié un communiqué. Prenant au sérieux les informations fournies, il invite cependant les consommateurs à ne pas s’inquiéter. « Pas de panique ! », dit-il, après avoir voir procédé à un inventaire des marques consommés dans le pays, « cinquante ont été retenues pour être analysées dans un laboratoire européen hautement qualifié et faisant autorité dans le domaine de l’hygiène alimentaire. »
Et ajouter que « ces analyses examineront toutes les données pertinentes en la matière, comme l’éventuelle présence de métaux lourds, résidus de pesticides, colorants, l’origine végétale et l'analyse microbiologique (mycotoxine) ». L’objectif du ministère est de confirmer ou infirmer la contamination présumée des marques mis en cause par l’étude du CCME. C’est seulement après réception des résultats desdites analyses que le département pourrait prendre des mesures appropriées, interdire, si nécessaire, tel ou tel produit, engager éventuellement des poursuites contre tel ou tel responsable... Il s’est en tout cas déjà engagé à appliquer les recommandations des laboratoires et à informer les citoyens.
D’ici là et comme on ne peut pas interdire aux Mauritaniens la consommation de cette boisson très prisée, le ministère du Commerce rappelle qu’il appartient aux seuls pouvoirs publics de faire des déclarations en matière de santé et d’hygiène. Et d’inviter dans la foulée à la responsabilité des uns et des autres, notamment de ceux qui sèment le trouble dans l’esprit des citoyens. Pour conclure, on rappellera simplement qu’en sa déclaration de Juin dernier, le CCME avait recommandé aux consommateurs de respecter quelques règles élémentaires d’hygiène, comme le rinçage du thé avant décoction et la modération dans la consommation journalière…
Dalay Lam