24-01-2023 12:37 - L'ex-président mauritanien va devoir expliquer sa fortune aux juges

L'ex-président mauritanien va devoir expliquer sa fortune aux juges

VOA Afrique - C'est l'histoire d'une disgrâce et d'une amitié ruinée entre un ancien président et son successeur: l'ex-leader mauritanien Mohamed Ould Abdel Aziz est jugé à partir de mercredi sous l'accusation d'avoir abusé du pouvoir pour amasser une fortune immense.

M. Aziz devient l'un des rares ex-chefs d'Etat à répondre d'enrichissement illicite pendant les années, de 2008 à 2019, où il a dirigé ce pays charnière entre le Maghreb et l'Afrique subsaharienne, secoué naguère par les coups d'Etat et les agissements jihadistes mais revenu à la stabilité quand le trouble gagnait dans la région.

Ses pairs jugés par les justices nationale ou internationale le sont surtout pour des crimes de sang, tel, ailleurs en Afrique de l'Ouest, l'ancien dictateur guinéen Moussa Dadis Camara, à la barre depuis septembre.



Loin de la fascination guinéenne pour le procès d'un massacre perpétré 20 ans auparavant, des Mauritaniens interrogés par l'AFP manifestent un intérêt modéré, davantage préoccupés par l'inflation, résignés à la corruption des élites ou adhérant à la théorie du complot contre celui qui les gouvernait naguère.

"C'est un règlement de compte entre deux hommes qui ont fait beaucoup de choses ensemble", estime Issa Ahmed Ahmed Mouloud, étudiant de 23 ans qui attend qu'un pompiste remplisse le réservoir de sa voiture et qui fait référence à la proximité pas si ancienne entre M. Aziz et son successeur, Mohamed Ould Ghazouani.

Les uns et les autres s'attendent à ce que M. Aziz, visage rude à la fine moustache et au crâne dégarni, confirme sa réputation: batailleur, imprévisible et calculateur. Il a d'ailleurs brandi la menace de révélations. "Si j'y suis contraint, je parlerai", disait-il en octobre 2022 au magazine Jeune Afrique.

M. Aziz, 66 ans, doit répondre, avec une dizaine d'autres personnalités – d'anciens Premiers ministres et ministres et des hommes d'affaires – d'accusations d'"enrichissement illicite", d'"abus de fonctions", de "trafic d'influence" ou encore de "blanchiment".

Un "frère"

M. Aziz, fils de commerçant, se serait constitué un patrimoine et un capital estimés à 67 millions d'euros au moment de son inculpation en mars 2021. Il est accusé de détournement de fonds de marchés publics ou d'avoir dépecé à son profit le domaine immobilier et foncier national. Sans nier être riche, M. Aziz a refusé de s'expliquer sur l'origine de son patrimoine et crie à la machination.

Sous M. Aziz, général impliqué dans un coup d'Etat en 2005 et qui a pris la tête d'un second putsch en 2008 avant d'être élu président l'année suivante et réélu en 2014, la Mauritanie a endigué la poussée jihadiste présente dans le reste du Sahel, à commencer par le voisin malien.

Son bilan contre la pauvreté ou la discrimination envers certains groupes humains de ce pays de 4,5 millions d'habitants grand comme deux fois la France est plus sombre.

Sa chute a commencé fin 2019, quelques mois après avoir passé la main à son dauphin désigné, son ancien chef d'état-major Ghazouani, général comme lui et considéré comme le cerveau de l'exception mauritanienne face aux jihadistes.

En décembre 2019, M. Ghazouani décrivait encore M. Aziz comme "mon frère, mon ami". Depuis, M. Aziz a connu l'inculpation, le gel ou la saisie de ses biens et la détention.

Toi aussi, mon beau-fils

"Il nie en bloc les faits qui lui sont reprochés", souligne l'un de ses avocats, Me Taleb Khayar Ould Med Mouloud, invoquant aussi son immunité constitutionnelle.

"Le procès est politisé depuis le départ", non parce que M. Ghazouani voudrait éliminer politiquement un rival potentiel, mais plutôt en raison d'un "parlementarisme dévoyé", hérité selon lui des Printemps arabes.

C'est avec une enquête parlementaire qu'ont commencé les ennuis de M. Aziz. "Beaucoup de gens ont des raisons de lui en vouloir, parmi lesquels les Frères musulmans qu'il a pourchassés", dit l'avocat.

M. Ghazouani s'est lui toujours défendu d'ingérence dans le dossier. L'un des nombreux avocats de l'Etat, Me Brahim Ebetty, assure que ses co-accusés accablent M. Aziz. "Même son gendre l'enfonce", dit-il.

"Comment ça, un procès politique ?", abonde Moussa Samba Sy, directeur du Quotidien de Nouakchott, qui a beaucoup écrit sur la prévarication sous M. Aziz. "C'était lui le président, donc le responsable", assène-t-il, écartant une onde de choc politique. "Les gens sont collés aux problèmes du quotidien. Ils pensent que c'est une histoire entre dirigeants. Mais beaucoup pensent que c'est l'occasion de tourner la page de la gabegie".

Les parties s'attendent à des semaines ou des mois de procès.

AFP



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Source : VOA Afrique
Commentaires : 4
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Commentaires (4)

  • Hartaniya Firilile (H) 24/01/2023 14:59 X

    Aziz ne doit pas être le seul a expliqué sa fortune, ils sont nombreux qui doivent expliquer leurs fortunes malhonnêtement acquissent depuis l’arriver d’Aziz au pouvoir, les prévaricateurs sont nombreux avec une liste de plus de 300 personnes, même si Aziz était le chef de bande des détourneurs de deniers publics, à commencer par les anciens premiers ministres, les ministres, les directeurs généraux, les directeurs centraux, les hommes d’affaires Made In Aziz, les bricoleurs et les voleurs de sourwals remplit de mensonges et d’usages de faux, tous doivent expliquer l’origine de leur fortune, à 95% est de l’argent impropre à la consommation.

  • Hartaniya Firilile (H) 24/01/2023 14:56 X

    Aziz a était trahit par les siens, trahit par ses hommes de confiances, trahit par ses proches, trahit par des hommes d’affaires, trahit par des directeurs centraux et généraux qui ont ouvert leurs commerces sur fond de détournement de deniers publics, Aziz a était trahit par sa propre famille de sang. Mais celui qui a sérieusement trahi Aziz et que les mauritaniens n’arrêtent de parler c’est monsieur Moctar Ould N’Diaye,.

  • Hartaniya Firilile (H) 24/01/2023 14:55 X

    Ce ministre Ould Diaye a était piégé et il est tombé dans le jeu de la justice et de l’Etat qui a finit par le demander de venir témoigné devant son ancien patron, comme quoi que ce dernier est un voleur, qu’Aziz ancien président de la république est un chef de bande qui faisait tout sans raison, Ould Diaye a livré tout les secrets d’Aziz, même les plus secrets et les plus intimes passant par lui, par exemple, des falsifications, des fraudes d’argent, des blanchiments d’argent avec la Banque centrale et autres affaires personnels concernant ces dames qui venaient demandés au ministre de rencontrer Aziz, il avait dit aussi qu’Aziz n’était pas ce fervent musulman qui respecter les prières et les chefs religieux, comme l’avait aussi dit le militaire à la retraite Krombelé, Aziz risque de finir ses jours en prison, mais est ce qu’Aziz doit aller seul en prison, est ce que Aziz est le seul dans le vol.

  • Hartaniya Firilile (H) 24/01/2023 14:54 X

    Nous demandons à la justice de sauvegarder les droits des accusés et de leurs donnés la présomption d’innocence jusqu’au verdict final, la justice doit appeler tous les mises en causes dans le dossier, qu’ils soient ministres, directeurs ou autres personnes en fonctions, il faut que la justice se prépare a être juste avec tous les mauritaniens, seul la justice pourra départagé les mauritaniens sur ce dossier. Les généraux doivent se retenir d’intervenir ou de participer à la conclusion des verdicts, ceux qui sont convoqué doivent aller en prison s’ils sont reconnu coupable.