16-12-2023 15:51 - Cérémonie de labélisation à Nouakchott de IKAM Mauritanie

Cérémonie de labélisation à Nouakchott de IKAM Mauritanie

L'Authentique - Nouakchott a abrité jeudi 14 décembre 2023 la cérémonie de lancement de la labélisation de l’Institut Kore des Arts et Métiers (IKAM) de Mauritanie sous la présidence de M. Kane Limame dit Monza.

L’occasion pour les participants, dont des formateurs venus du Mali, de suivre la conférence inaugurale animée par M. Aziz Dieng, Président du Conseil Permanent du droit d’auteur et des droits connexes de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI).

La Mauritanie est le troisième pays en Afrique de l’Ouest à bénéficier du Label IKAM, après le Togo et le Burkina Faso. Le lancement du Label IKAM Mauritanie a eu lieu le jeudi 14 décembre 2023 en présence du Coordinateur AWA-ACP-UE Culture, M. Mohamed Doumbia du Mali.

Le Programme AWA

« Le Programme Art in West Africa (AWA) fait partie des six programmes régionaux financés par la Commission de l’Union Européenne et le Secrétariat des Etats ACP (Afrique Caraïbes Pacifiques) pour soutenir la dynamisation de la compétitivité des industries culturelles et créatives dans les six grandes régions, les cinq régions d’Afrique, les Caraïbes et le Pacifique » a d’emblée introduit M. Mohamed Doumbia.

En ce qui concerne ce programme, il a ajouté que c’est le consortium Institut Kore de Ségou (Mali) et l’Institut Français de Paris qui a été retenu pour piloter le projet Afrique de l’Ouest. C’est pourquoi, dira-t-il en substance, le centre Kore de Ségou pilote la mise en œuvre du financement décentralisé. Il s’agit, selon lui, d’un nouveau mécanisme du programme ACP-UE Culture pour le soutien de la culture et de la créativité.

Il a précisé que le programme AWA a été lancé en 2020 pour 40 mois et devra s’achever en avril 2024. Le programme, a-t-il ajouté, est un ensemble de dispositifs organisé autour de trois grands axes.

Le premier axe est l’axe de soutien financier, le second, celui du renforcement des capacités pour la professionnalisation des acteurs culturels, et enfin, le troisième axe, celui du réseautage.

En termes de soutien financier, Mohamed Doumbia précise que le programme AWA accompagne 115 projets dans les 16 pays d’Afrique de l’Ouest, moins le Libéria qui n’a pas présenté, selon lui de proposition.

En Mauritanie, a-t-il détaillé, sur les différents Appels à Projet, seuls quatre ont été retenus et accompagnés.

En termes de renforcement de capacités, AWA a mis en place un certain nombre de dispositifs, a ajouté Doumbia, notamment les formations courtes et les universités d’été qui sont des accompagnements longs, spécifiques pour un type de financement appelé fonds de structuration, qui permet un accompagnement de 15 jours avec des formations de renforcement de capacités d’opérateurs dont Assalamalekum est lauréat.

Aujourd’hui, insiste Doumbia, c’est le troisième pilier qui est en cours. Il consiste, selon lui, à maintenir l’aide au secteur culturel ouest-africain, via le centre Kore, un groupe qui travaille sur la professionnalisation du secteur culturel à travers son Institut des Arts et Métiers. Dans ce programme, existe un certain nombre de labélisation d’organisations qui se déploient sur le continent. Ainsi, selon Doumbia, il est prévu dans ce programme d’accompagner la labélisation de quatre instituts.

« Aujourd’hui, nous sommes au troisième IKAM, après la mise en place du centre Kore du Togo et celui du Burkina, c’est celui de la Mauritanie et ce mois-ci encore, nous serons en Côte d’Ivoire la semaine prochaine pour la mise en place et la labélisation de IKAM Côte d’Ivoire » a expliqué Mohamed Doumbia.

La raison de la mise en place et la labélisation des IKAM s’explique, selon Doumbia, par le fait que ces instituts devront prendre le relais, à la fin du Programme AWA, pour poursuivre la professionnalisation du secteur culturel.

Selon lui, il ne s’agit pas seulement de doter les organisations culturelles de financement et de subventions, mais les aider à mieux gérer et à mieux se structurer pour devenir de réelles entreprises culturelles capables de créer des richesses et des emplois dans le secteur des industries culturelles et créatives (ICC).

En matière de réseautage, Doumbia a évoqué le noyau de réseau AWA Network qui est en train de se développer autour des 15 organisations du fonds de structuration. En termes de financement, il a précisé que le programme AWA est accompagné par un financement de l’Union européenne à hauteur de 6 millions 200 milles euros.

A la fin du programme prévu en avril 2024, c’est l’heure des évaluations, a ajouté Doumbia, mais aussi celle des innovations avec la préparation avec l’Université Gaston Berger du Sénégal d’un mécanisme d’auto-évaluation des projets culturels avec des indicateurs que chaque entrepreneur culturel devra élaborer pour mesurer l’impact de son travail.

Un moment historique

M. Limame Kane dit Monza, président de IKAM Mauritanie qui avait ouvert la cérémonie, a reconnu que l’instant est historique, notamment avec la présence de M. Aziz Dieng. « Aujourd’hui, nous sommes honorés, grâce entre autres, à son guidage et à sa protection » a lancé Monza, avant de souhaiter la bienvenue aux invités du Sénégal et du Mali, mais encore Pr. Abdoulaye Doro Sow. Il a aussi remercié la commune de Tevragh-Zeïna avec laquelle son organisation Assalamalekum développe le projet Nouakchott Ville Créative »

Il faut souligner que le Ministère de la Culture était représenté à la cérémonie par M. Bâ Mamadou, Directeur de la Jeunesse et des Sports, en présence de M. Ezzedine Daddah du ministère de l’Economie et l’Honorable député Balla Touré, entre autres.

Conférence inaugurale

La conférence inaugurale de M. Aziz Dieng, a été modérée par M. Abdoulaye Doro Sow, professeur d’Anthropologie à l’Université de Nouakchott. Il a survolé de manière exhaustive et éclairée le parcours du conférencier, un intellectuel engagé qui a consacré, selon lui, toute sa vie à la défense des intérêts des artistes et à la préservation des biens culturels africains. Il est né à Dakar où il a fait ses études primaires et secondaires avant d’aller en France vers les années 80 pour y suivre des études en sociologie et en musique.

Selon lui, M. Aziz Dieng a emprunté l’un des domaines les plus compliqués du droit, celui du droit d’auteur et de la propriété intellectuelle que peu de gens maîtrisent. M. Aziz Dieng a été aussi pendant 12 ans président du Comité des Arts et Métiers du Sénégal.

Première rencontre avec la Mauritanie

M. Aziz Dieng s’est d’abord mis en contexte, en expliquant que c’est la première fois qu’il vient en Mauritanie, mais qu’il a découvert le pays à travers la voix sensuelle de Dimi Mint Abba, un CD qui lui est venu d’Allemagne du temps où il produisait une émission portée sur les musiques du monde. Il dit avoir été soufflé en écoutant le premier CD international de Dimi « Allahou Allahou ». Plus tard, il rencontrera Maalouma qu’il invitera au Festival Mondial des Arts Nègres de Dakar.

Les spécificités du produit culturel

Cette introduction sur l’effet que la voix de Dimi a produit en lui, va lui permettre d’aborder la première caractéristique du produit culturel, le symbolisme et l’identité.

Economie culturelle, une idée nouvelle

Selon Aziz Dieng, la notion d’économie culturelle est de naissance récente. Ni sous Senghor, grand intellectuel, qui a fait beaucoup pour les arts et la culture au Sénégal, ni sous Abdou Diouf qui sous l’effet des ajustements structurels imposés par la FMI et la Banque Mondiale avait fait des coupes sur la culture (fermeture de la prestigieuse école de danse Moudra Afrique et des Archives du Sénégal), ni sous Abdoulaye Wade et ses grandes réalisations dans le domaine culturel (Grande théâtre de Dakar, Grand monument de la Renaissance, Grand festival des intellectuels d’Afrique), la notion d’économie culturelle n’était connue.

Les loisirs plus que le développement

Aujourd’hui, selon Aziz Dieng, à partir de son expérience, le développement économique seul ne peut freiner l’exode vers les grands centres urbains, ni l’immigration vers l’Occident. Car, explique-t-il, par-delà, les aspects économiques, ce qui pousse les jeunes à partir de leur terroir ou de leur pays vers les grandes villes ou vers l’Europe, ce n’est pas souvent des raisons économiques, mais l’attrait qu’offre ces villes en termes de divertissement et d’épanouissement. D’où, selon lui, le rôle important que peut jouer la culture contre l’émigration des jeunes.

Les premières révolutions

Remontant au 16ème siècle en Europe, il parlera de la première naissance du réseau de la représentation, la période à partir de laquelle est apparue le premier concert payant. Puis, le passage à la reproduction, avec l’invention de la radio et la révolution qu’elle a entraîné dans la mesure où désormais il était possible de jouir de la musique sans aller au concert.

Ainsi, avec l’exemple de la musique, Aziz Dieng explique comment le produit culturel est tombé dans le champ de la marchandisation.

Le produit culturel est différent

La deuxième caractéristique du produit culturel tient, selon le conférencier, à la nature du processus de consommation du produit culturel. Il s’agit selon lui d’un bien non rival, un bien qui peut être donné sans rien perdre. Ainsi, la marchandise ou le produit culturel est différent des autres biens.

Le produit culturel est fragile

En même temps, c’est un produit fragile qui pose la question de survie des artistes avec la piraterie et le crime culturel organisé, où les pirates s’enrichissent alors que les acteurs culturels vivent dans la misère.

Le coût marginal du produit culturel

Troisième caractéristique, un coût marginal infime. Ainsi, de grandes productions culturelles, comme le film Cléopâtre qui a coûté des milliards de dollars alors que les bénéfices sont minimes.

L’imprévisibilité du marché

Quatrième caractéristique, l’imprévisibilité du marché. Il donne l’exemple du disque de Michael Jackson « Thriller » le disque le plus vendu dans l’histoire de la musique, 65 à 100 millions de dollars de rentrées, avec un budget de 750.000 dollars.

Quatre ou cinq ans après, il sort « Dangerous » avec un investissement de 10 millions de dollars, qui sera moins vendu, à peine 50 millions de dollars. Quelques années après, il investit dans « History » un double CD avec un budget de 30 millions de dollars. Il n’a pas vendu plus de 50 millions de dollars.

Aziz Dieng a livré sa propre expérience avec le premier studio numérique qu’il avait monté à Dakar et qui a enregistré la plupart des jeunes talents des années 90, Coumba Gawlo, Souleymane Faye, tous les rappeurs et quelques chanteurs traditionnels, etc. Il a tiré de cette expérience que les morceaux sur lesquels on passe plus de temps en studio sont ceux qui marchent le moins.

Le produit culturel est unique

Cinquième caractéristique, la remplaçabilité, donc l’aspect unique du produit culturel. Aziz Dieng explique qu’il est facile de remplacer un produit commercial par un autre modèle, mais qu’il est impossible de remplacer par exemple Dimi Mint Abba, ou Salif Keïta.

D’autres caractéristiques du produit culturel ont cités par Aziz Dieng, il s’agit de l’imprévisibilité et la supposée souveraineté du consommateur, souveraineté qui est en réalité canalisée, selon lui, par les intermédiaires, animateurs, publicitaires, libraire, etc. avec la puissance de l’argent, du streaming, du pitching, des recommandations, etc.

Les acteurs culturels sont spoliés

Il a aussi évoqué la présence de plusieurs plateformes comme Spotify et Applemusic, qui offrent toutes les musiques au monde, mais qui en profite, se demande Aziz, qui dit que beaucoup de musiciens en Afrique ne sont même pas au courant que leurs musiques sont dans ces plateformes à leur insu.

Cheikh Aïdara



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