13-01-2024 13:12 - Interview de Elkalile khayry, Secrétaire Général du Forum du consommateur mauritanien

Maroc Hebdo -
La décision des autorités mauritaniennes d’augmenter de manière conséquente le coût du dédouanement des légumes en provenance du Maroc (pas seulement) continue de susciter de nombreuses réactions et interprétations.
Pourtant, cette augmentation, qui a été considérée comme une décision politique à l’égard du Royaume, avait déjà été annoncée dans la loi de finances rectificative de la Mauritanie avant son entrée en vigueur le 1er janvier 2024.
Selon Elkalile khayry, Secrétaire Général du Forum du consommateur mauritanien, "la décision du gouvernement mauritanien est hâtive mais elle n'a aucune dimension politique". Entretien...
Les transporteurs marocains de marchandises ont été surpris par la décision des autorités mauritaniennes en date du 1er janvier 2024 d’augmenter sensiblement les taxes douanières au point frontalier de Guerguarat sur les légumes importés du Maroc. Que sait-on sur ces hausses et quels en sont, selon vous, les ressorts ?
Tout d’abord, cette augmentation des tarifs douaniers ne concerne que les légumes. Elle n’inclut pas les fruits et autres marchandises. Cette hausse s’inscrit dans le cadre de la politique gouvernementale visant à encourager la production nationale de légumes et à inciter les citoyens à cultiver leurs propres produits, dans l’objectif d’atteindre l’autosuffisance alimentaire en légumes.
Selon la nouvelle décision, le tarif douanier pour le dédouanement d’un conteneur 40 pieds est passée de 400 000 (11221 dirhams) à 1 100 000 anciens ouguiyas (30858 dirhams). Pour les petites cargaisons de légumes, le tarif est passé à 88 000 anciennes ouguiyas (2468 dirhams), contre 40 000 anciennes ouguiyas précédemment (1122 dirhams). Les camions en provenance du Maroc transportant des légumes et d’autres marchandises via le poste frontière de El Guerguarat et se dirigeant vers les pays du nord et de l’ouest de l’Afrique à travers la Mauritanie ne sont pas affectés par la hausse des tarifs douaniers. La conséquence de cette décision est que le marché des fruits et légumes de Nouakchott enregistre une poussée fiévreuse des prix.
Comment avez-vous réagi à cette décision ?
Nous avons publié le 6 janvier 2024 un communiqué dans lequel nous avons exprimé notre déception et notre indignation des politiques du gouvernement qui réduisent comme une peau de chagrin le pouvoir d’achat des ménages mauritaniens, en augmentant sensiblement les taxes de douane sur l’importation de nombre de denrées alimentaires et plus particulièrement les légumes. Nous avons demandé aux autorités de revenir sur cette décision tant que le pays ne dispose pas d’un stock de légumes. Cette décision, nous le considérons aussi comme la résultante d’une forte dépréciation de l’Ouguiya mauritanien face aux devises étrangères. Face à ce constat, nous demandons l’annulation de cette décision.
Faire pression poussera-t-il le gouvernement mauritanien à faire machine arrière ?
Une telle décision revient chaque année. Parfois, les autorités tentent d’interdire les importations sous prétexte de soutenir le produit local. Il faut prendre en compte que la campagne agricole actuelle est pénalisée par le retard des pluies. Par conséquent, nous nous attendions à ce que les autorités oeuvrent à baisser les prix des denrées alimentaires de première nécessité et non à les inscrire dans une tendance haussière. C’est dire que ce genre de décision n’est pas logique. Nous exerçons de la pression pour qu’elle soit abrogée. Je pense que le facteur concluant qui verse dans ce sens est sans doute la non-disponibilité des légumes sur le marché local, d’autant plus que nous ne pouvons pas conserver longtemps certains légumes.
Pensez-vous qu’il s’agit-là d’une décision politique qui a un quelconque rapport avec le projet d’établissement d’un accord de libre-échange entre l’Algérie et la Mauritanie ?
Je pense qu’il s’agit juste d’une décision hâtive et irréfléchie. Ils ont pris cette décision croyant qu’elle soutient la production locale. Les autorités ont déjà pris des décisions similaires mais chaque fois, elles revenaient sur leurs décisions, cédant à la pression du consommateur et à la nécessité de fournir les besoins en légumes. La décision n’a pas une dimension politique et n’est pas une réaction à la décision du Maroc d’augmenter les tarifs douaniers sur l’importation des pastèques, comme cela circule. Je pense que c’est plutôt une stratégie nationale annuelle qui vise à soutenir la production locale. Au sein du Forum du consommateur mauritanien, nous pensons que le pays n’est pas disposé ou n’est pas encore pour une grande stratégie de sécurité alimentaire vu que le marché local n’a pas un excédent ou au moins en état d’autosuffisance. On est loin encore du compte.
Par Marouane Kabbaj