29-12-2024 00:03 - Médicaments en Mauritanie : des conteneurs réfrigérés pour cacher l’ampleur d’un problème plus profond

Médicaments en Mauritanie : des conteneurs réfrigérés pour cacher l’ampleur d’un problème plus profond

LE QUOTIDIEN DE NOUAKCHOTT ///

Le port de Nouakchott a récemment accueilli la première cargaison de conteneurs réfrigérés destinés au transport des médicaments à l’intérieur du pays.

Cette initiative, annoncée avec fierté par le gouvernement, s’inscrit dans une stratégie visant à interdire, dès janvier 2025, l’importation de médicaments dans des conteneurs non réfrigérés. Une mesure qui, bien qu’ambitieuse en apparence, pourrait bien n’être qu’une façade dissimulant les véritables problèmes structurels du secteur pharmaceutique en Mauritanie.

Le gouvernement affirme que ces conteneurs réfrigérés permettront de garantir des conditions de conservation conformes aux normes internationales et de protéger la santé des citoyens. Toutefois, réduire la problématique des médicaments en Mauritanie aux seules conditions de transport relève d’une simplification trompeuse.

Les médicaments défectueux ou de qualité douteuse qui inondent le marché mauritanien ne sont pas uniquement le fruit de mauvaises conditions de transport. Le véritable problème réside dans l’absence de contrôle rigoureux, la prolifération des circuits informels de distribution, et le manque de régulation efficace du secteur pharmaceutique.

En effet, les médicaments falsifiés ou périmés sont vendus dans des marchés parallèles ou distribués dans des structures non autorisées, exposant des milliers de Mauritaniens à des risques sanitaires graves.

L’annonce des conteneurs réfrigérés semble davantage relever d’une campagne de communication que d’une réforme structurelle. En effet, comment expliquer que des médicaments puissent être transportés dans des conditions idéales, alors que leur origine et leur qualité restent souvent douteuses ? Le problème n’est pas seulement la température de stockage, mais aussi l’absence de transparence dans l’approvisionnement, les pratiques douteuses de certains importateurs et la faiblesse des mécanismes d’inspection.

De plus, cette mesure ne touche qu’une partie du problème : elle ne concerne que les médicaments importés par voie maritime. Qu’en est-il des médicaments transportés par d’autres moyens ou des produits pharmaceutiques déjà présents sur le marché mais qui échappent à tout contrôle ?

Pour véritablement améliorer la qualité des médicaments en Mauritanie, il est urgent d’aller au-delà des solutions superficielles. Cela implique :

Le renforcement des capacités de l’Agence nationale de régulation pharmaceutique, avec des inspections régulières et des sanctions strictes contre les contrevenants.

La lutte contre les circuits informels, qui alimentent une large partie du marché des médicaments.

La traçabilité des médicaments, depuis leur importation jusqu’à leur mise à disposition dans les pharmacies et établissements de santé.

La sensibilisation des citoyens, pour qu’ils évitent d’acheter des médicaments en dehors des circuits légaux.

Les conteneurs réfrigérés peuvent contribuer à une meilleure conservation des médicaments, mais ils ne résoudront pas le problème fondamental : une régulation défaillante du secteur pharmaceutique et une gouvernance insuffisante. Plutôt que de se concentrer sur des mesures visibles mais limitées, le gouvernement doit engager une réforme en profondeur pour garantir à tous les Mauritaniens l’accès à des médicaments sûrs, efficaces et de qualité. Sans cela, ces conteneurs ne seront qu’un écran de fumée masquant les véritables enjeux.





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Commentaires (1)

  • ouldsidialy (H) 29/12/2024 10:23 X

    Voici un article que j'écrirais si j'étais payé par un laboratoire qui a un projet d'emprise globale sur le marché régionale de la distribution du médicament. Mais je ne travaille pas gratuitement et surtout pas sans le savoir, contrairement à beaucoup de gens. Réfléchissez à ce poncif et vous vous rendrez compte qu'il est généralement vrai : Un " faux" médicament est fait de beaucoup de "farine" et un peu de substance active. Il n'est pas cher, soigne mal, mais ne nuit à la santé qu'exceptionnellement. Un "vrai" médicament laisse sans soins beaucoup de gens lorsqu'il est inaccessible et nuit fréquemment à la santé par son mauvais usage. Nous avons sommes facilement séduits par les solutions globales et définitives. Cela peut être utilisé contre nous pour ne pas profiter de solutions partielles en attendant mieux. Les médicaments, pour conserver leur stabilité, ont besoin de conditions de température et d'humidité qui se situent théoriquement entre 15 et 25°C, dans la plupart des cas. Avec une marge pouvant aller jusqu'à 35° pour certains médicaments secs. La durée admissible d'exposition aux températures élevées laisse aussi des marges de temps. La réfrigération à basse température (vers 4°C) n'est obligatoire que pour des médicaments particuliers ( cas des produits sanguins ). Le gouvernement a pris le problème par un bon bout : Tenir compte de la question du transport. Le journaliste parle de conteneurs réfrigérés qui " arrivent au port de Nouadhibou destinés au transport à l'intérieur du pays ". Cela suppose que l'aval de leur acheminement est déjà prévu jusqu'à des zones distantes. Ce point n'est pas clair, mais un bon début est bien là : le médicament arrive intact jusqu'au ports. Reste ensuite à le préserver jusqu'aux points de stockages en gros (s'ils sont prévus) puis aux points de distribution ( les officines de pharmacie). Et on en reste là !!! Pour ne pas noyer le sujet comme le ferait un bon commercial qui a d'autres choses à vendre . A ce stade, il faut réfléchir à la répartition des surcouts. Qui paye? L'Etat est naturellement désigné par le commercial qui n'a pas de temps à perdre avec les intérêts généraux du pays et le consommateur naïf. Ou alors les pharmaciens et distributeurs locaux privés, c'est-à-dire que le consommateur paye ? ou les 2 ? La question reste ouverte. En présence d'une initiative publique et comme consommateur, je dois m'attacher à regarder l'amélioration proposée telle qu'elle car j'ai à l'esprit que les solutions partielles ou globales ont des coûts que je dois payer en fin de chaine. L'article nous entraine loin de cela, sans qu' il y ait forcément de préméditation.