L’Homme est à la fois un être biologique, social et spirituel. Il naît dans un contexte qu’il ne choisit pas, mais il a le pouvoir d’agir sur son existence, à travers ses relations avec ses contemporains.

Ses actes sont l’empreinte qu’il laisse pour la postérité et la preuve de son passage sur terre. La grandeur d’un homme ne se mesure pas uniquement à son origine ou sa lignée mais aux choix et aux actions qu’il entreprend.

Dans notre société arabo-berbère et africaine, Il arrive que le nom d’un homme symbolise une vision, un slogan ou un label, au point que son évocation déclenche une litanie d’hommages, qui va au-delà d’un simple wekheyert.

Parmi ceux en qui Allah le Tout-puissant a placé cette marque d’estime figure Excellence satigui Bâ Bocar Soulé. L’hommage que la Mauritanie va rendre à satigui Bâ Bocar Soulé est largement justifié. Il est l’unique façon de lui demander de continuer les bonnes œuvres - yetu gurdo, beyda – rend hommage à un vivant il redouble d’effort.

Souleymane Ball (1720 - 1776) enseignait à ses contemporains d'éviter le culte de la personnalité et celui de la naissance, tout en les enjoignant de suivre les guides intègres. Quant à Elhadj Oumar Tall (1794 – 1864), il exhortait ses compagnons à s'appesantir sur les prouesses des hommes plutôt que sur leurs généalogies. Et, Baba Baidy Maal psalmodiait à ses fans que l’homme n’est rien qu’un ensemble d’œuvres. En somme dans le fouta-toro la dualité « Naissance vs Œuvres » constitue le fondement même de l'existence du foutanké. Maintenant la question est de savoir est-ce que par vicissitude ou par aubaine que cette dualité se retrouve dans l’emblématique figure de M. Bâ Bocar Soulé : un Satigui Dekklé de naissance aux innombrables actes de bienfaisance.

Satigui Bâ Bocar Soulé est originaire de Bagodine, capitale de la commune de même nom, situé dans la Moughataa de M'Bagne. Il a passé une partie de sa jeunesse à Aïoun dans le Hodh El Gharbi où son père y exerçait la fonction d’infirmier. C’était à l’époque où les interprètes, enseignants et infirmiers étaient logés à la première enseigne de l’exécutif. D’ailleurs une bonne partie de sa famille résident toujours à Aïoun.

Rendre hommage à Satigui Bâ Bocar Soulé revient non seulement à décrire le personnage mais également à définir sa vision pour laquelle il est aimé, adulé, imité et écouté.

De prime abord certains diront qu’il est aimé, d’autres diront qu’il est craint. Alors comme Nicolas Machiavel, dans Le Prince (1532), posons la question de savoir "Est-il préférable pour un prince d’être aimé ou craint ?" Et répondons avec Machiavel que l’idéal serait d’être à la fois aimé et craint. Mais pour le foutanké Satigui Bâ Bocar Soulé, les deux ne suffissent pas, un prince doit être aimé, craint et dégager un amour-propre (Yideede, huleede, herceede).

Maintenant, qu’est-ce qui fait que cet homme fait parler de lui ? En d’autres termes qu’est qui fait de lui un « Yidado, Kulade e kersaado » ? La réponse à cette question se trouve dans son parcours.

Très tôt, dans l’association villageoise de Bagodine, il se distingue. Les valeurs de leadership et de sagesse qu’il développe contrastent avec le dogme de l’époque qui veut que ces valeurs soient incarnées par le doyen d’âge de l’association. Certains affirment que c’est de là qu’est partie l’ambition de l’homme. Sentant ainsi peser sur ces épaules le poids de la responsabilité villageoise, Satigui Bâ Bocar Soulé s’est donné comme un vaillant combattant de la jiadd sociale à l'édification et à la protection de sa communauté. De meneur d’association villageoise de Bagodine il s’est progressivement métamorphosé en leader communal puis en porte étendard départemental. Ce dernier qualificatif lui sied toujours, même s’il prône pour le passage du flambeau.

Carrière bien riche

Ingénieur agronome de formation, il a occupé des fonctions prestigieuses - Directeur Administratif et Financier (DAF) au Ministère du Développement Rural, direction du Projet OASIS, Délégué Régional de l'Agriculture à Atar puis Kaédi, Directeur du Projet Pourié à Rosso. Partout où il est passé son nom y est resté avec les attributs de travailleur, généreux, ouvert et disponible. Il fût élu deux fois successives, maire de la commune de Bagodine, sur la liste de l’opposition UFD (Union des Forces Démocratique). Porté par une volonté inébranlable qu’est de graver son nom dans le département de M’Bagne, il a fait élire simultanément en 1999 le maire de la commune centrale (M’Bagne), celui de la commune de Debay Hijjaj et lui-même dans la commune de Bagodine et le député du département de M’Bagne.

A une époque où le PRDS faisait passer, sans état d’âme, au rouleau compresseur tous fonctionnaires qui se hasarde à faire les choux gras de l’opposition. Cette belle moisson pour le compte de l’UFD a obligé le PRDS à s’intéresser à l’homme. Ce fût le début de la mise des bâtons dans ses roues, d’affectation administrative abusive à limogeage, en passant par les vaines tentatives de mise en orbite politique de proches, parents ou amis pour contrecarrer l’ascension de l’homme dans le département de M’bagne. Bref !

Après moult changements du contexte politique dans le pays, suivie d’une entrée massive au PRDS des cadres de la vallée, Satigui Bâ Bocar Soulé s’est retrouvé de plus en plus isolé voir essoufflé. Dans ce contexte il sera le dernier à rejoindre ce qui était à l’époque l’unique barque de sauvetage : le PRDS. Là il montre le meilleur de lui-même, véritable bête politique. Il place ses lieutenants sur orbite et rafle tous les postes électifs du département de Mbagne et survole les campagnes d’implantation du parti. Cette consécration est récompensée par l’occupation simultanément des postes de maire Bagodine, Sénateur Mbagne, fédéral du Brakna PRDS et deux fois ministre de la République.

Au titre de Satigui vient s’ajouter celui de d’excellence Monsieur le Ministre. Cette consécration ne fera en réalité qu’attiser la flamme des concurrents. Comment expliquer être le dernier venu au PRDS et être le mieux servi ? Ceux qui se sont posé cette question oublient que DIEU donne à qui il veut et comme il veut. L’homme n’a jamais perdu une élection dans le département de M4bagne excepté les législatives et municipales de 2006. Oui, 2006 l’année de la débâcle mais aussi c’est surtout l’année de son opération à cœur ouvert en Tunisie, peu avant l’ouverture de la campagne législative et municipale. Mais reconnaissons que cet homme incarne des valeurs sociales qui collent aux désirs de notre société musulmane, arabo-berbère et africaine.

Il est l’incarnation du ubuntu. Ubuntu, ce concept philosophique d’origine bantoue est loin d’être synonyme de "Nedo ko bandum" des peuls. Ubuntu se traduit par "Je suis parce que nous sommes" ou par "l'individu n'existe qu'à travers sa relation avec les autres". Il exprime l'idée d'humanité, de solidarité et d'interconnexion entre les individus. Dans tous les cas cette philosophie d’ubuntu colle parfaitement bien à Excellence Satigui Bâ Bocar Soulé dont la Moughataa de Mbagne et toute la Mauritanie va rendre hommage, ce 22 et 23 février 2025, à Bagodine.

Hampâté Oumar Ba

Accra le 06 février 2025