18-02-2025 15:10 - Loi Karama en Mauritanie : Un pas vers la dignité des femmes, entre droits humains et traditions (ENTRETIEN)

Loi Karama en Mauritanie : Un pas vers la dignité des femmes, entre droits humains et traditions (ENTRETIEN)

La Mauritanie est en pleine réflexion sur l’adoption de la loi “Karama”, un projet législatif visant à lutter contre les violences faites aux femmes et aux filles. Ce texte, dont le nom signifie “dignité” en arabe, ambitionne de renforcer l’arsenal juridique pour protéger les femmes contre diverses formes de violence, notamment domestique et sexuelle.

Depuis sa proposition, la loi Karama a suscité des débats passionnés au sein de la société mauritanienne. De nombreuses organisations de la société civile, telles que les Femmes Leaders pour le Développement en Mauritanie (FLDM), ont manifesté en faveur de son adoption.

Le 27 novembre 2023, à la veille du 63ᵉ anniversaire de l’indépendance du pays, le FLDM a organisé une marche à Nouakchott pour exiger l’adoption de cette loi, soulignant l’urgence de protéger les femmes et les filles contre les violences et les discriminations persistantes.

Cependant, le projet de loi fait face à une opposition notable de la part de certains leaders religieux et conservateurs. Ces détracteurs estiment que certaines dispositions du texte pourraient être contraires aux principes de la charia islamique. Des manifestations ont eu lieu, notamment le 2 octobre 2023, où des citoyens, imams et prédicateurs se sont rassemblés devant le Parlement pour exprimer leur désaccord.

Pour éclairer davantage ce débat, nous avons rencontré le professeur Sow Abdoulaye anthropologue et accompagnateur du mouvement associative des femmes qui se battent pour la promotion des droits de la femme, de la dignité féminine , connu pour son engagement en faveur du dialogue inter culturel et de la cohésion sociale.

Interview du Professeur Sow Abdoulaye

Q : Professeur, quelle est votre position sur le projet de loi Karama ?

Prof. Sow Abdoulaye: La loi Karama est une initiative louable qui vise à protéger une partie vulnérable de notre société : les femmes et les filles. Il est essentiel de reconnaître que les violences basées sur le genre sont une réalité en Mauritanie, et il est de notre devoir, en tant que société, de mettre en place des mécanismes juridiques pour y faire face.

Q : Comment concilier les dispositions de cette loi avec les principes de la charia, compte tenu des oppositions exprimées ?

Prof. Sow Abdoulaye: Le dialogue est la clé. Il est crucial d’engager toutes les parties prenantes, y compris les leaders religieux, les juristes et les représentants de la société civile, dans des discussions constructives. L’objectif est de parvenir à un consensus qui respecte nos valeurs culturelles et religieuses tout en garantissant la protection des droits fondamentaux des femmes. La charia, correctement interprétée, prône la justice et la dignité pour tous.

Q : Quels seraient les impacts sociétaux de l’adoption de la loi Karama ?

Prof. Sow Samba : L’adoption de cette loi enverrait un message fort contre l’impunité des violences faites aux femmes. Elle contribuerait à sensibiliser la population sur la gravité de ces actes et encouragerait les victimes à dénoncer les abus. De plus, elle renforcerait la confiance des citoyens envers le système judiciaire et montrerait l’engagement de la Mauritanie à respecter les droits humains.

Q : Que répondez-vous à ceux qui craignent une influence occidentale contraire à nos traditions ?

Prof. Sow Samba : Il est naturel de préserver nos traditions et notre identité culturelle. Cependant, la protection des droits humains est une valeur universelle. Il ne s’agit pas d’adopter des concepts étrangers, mais de reconnaître les défis spécifiques auxquels nos concitoyennes sont confrontées et d’y apporter des solutions adaptées à notre contexte. Chaque société évolue, et il est de notre responsabilité d’assurer le bien-être et la dignité de tous ses membres.

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En conclusion, le débat autour de la loi Karama reflète les tensions entre tradition et modernité, entre protection des droits individuels et respect des valeurs culturelles. Le professeur Sow Abdoulaye souligne l’importance du dialogue inclusif pour parvenir à une législation qui protège les femmes tout en respectant les fondements religieux et culturels de la Mauritanie.





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Source : Hawa Dem
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