19-03-2025 08:44 - Expulsion de guinéens en Mauritanie : « on se sent abandonnés, le Général Doumbouya doit agir… »

Africa Guinée - Nous le surnommons I.B. C’est un ressortissant guinéen établi depuis sept ans en Mauritanie où les autorités ont déclenché une vaste opération d’expulsion d’étrangers dit en situation irrégulière.
Au téléphone d’Africaguinee.com, il nous raconte « l’enfer » que les guinéens traversent actuellement dans ce pays. Dans cet entretien, il lance un appel particulier au Général Mamadi Doumbouya.
AFRICAGUINEE.COM : De nombreux guinéens accusés de séjour illégal sont expulsés de la Mauritanie. Parlez-nous-en en tant que ressortissant guinéen établi à Nouakchott depuis plusieurs années…
I B : Ici, pour obtenir la carte de séjour, il faut avoir trois visas dans son passeport. Or, le site qu’on a déployé pour la demande bloque toutes demandes des guinéens. Moi, je suis là depuis sept ans. Avant j’étais à Nouadibou, mais maintenant je suis à Nouakchott. Moi, j’ai lancé plusieurs fois des demandes pour qu’on puisse me donner le visa, le système ne marche pas, en tout cas pour les guinéens.
Quand je suis allé à l’immigration pour avoir des renseignements, lorsqu’ils ont introduit ma carte de séjour, ils ont constaté que j’ai des références régulières. Après, ils m’ont dit qu’il me faut avoir trois visas dans mon passeport pour qu’on me délivre la carte de séjour. Mais la plateforme de demande de visa ne donne pas le visa.
On ne donne même pas aux demandeurs un papier pour pouvoir trouver leur visa. Avant, le visa était un autocollant qu’on obtient à la frontière. On pose le visa dans ton passeport et tu continues. Mais maintenant, le système a été changé, il faut faire une demande sur un site dédié. Tout est électronique. Mais le gros souci, le site actuellement ne répond plus. Ce qui est curieux, les autres étrangers, qui font des demandes sur le site, ils sont satisfaits. C’est-à-dire qu’ils ont le visa. Nos compatriotes qui sont là à Nouakchott, ils souffrent. Même moi qui ai fait sept ans en Mauritanie, j’en souffre.
Dans quel cadre êtes-vous partis en Mauritanie ?
Je suis arrivé là dans le cadre du travail, j’avais un contrat. Mais depuis que le problème de terrorisme est arrivé, les difficultés ont commencé. Nos activités sont arrêtées pour l’instant, parce que sans carte de séjour, tu ne peux pas travailler. Donc, je ne travaille plus. C’est seulement des fois que je travaille dans l’hôtellerie ou dans la restauration pour pouvoir payer mes loyers. Mais ce n’est pas un travail régulier.
Est-ce que les autorités ont expliqué les raisons pour lesquelles c’est seulement les Guinéens qui sont victimes de ces restrictions ?
Non. Vous savez ici, la Guinée n’a même pas un consulat à plus forte raison une ambassade. Il n’y a qu’un simple président des ressortissants Guinéens. Notre ambassade se trouve au Sénégal, à Dakar. Nos compatriotes qui sont là souffrent. Je ne vous mens pas. J’en connais plein qui sont terrés dans les maisons actuellement. Ils sont obligés de se cacher parce qu’ils n’ont pas une suite favorable pour l’instant pour l’obtention de leur carte de séjour.
La fois dernière, l’ambassadeur de Guinée qui est basé à Dakar était venu ici, c’était le 15 du mois passé. Il s’était vu avec le ministre des Affaires étrangères. Mais après, on n’a rien vu comme amélioration. On ne l’a pas rencontré. Franchement, on n’est pas bien traités. Et maintenant, nous qui avons les visas qui ont expiré, il nous faut encore trois visas pour avoir notre titre de séjour. Or, on ne donne plus de visas aux Guinéens.
Quel sort réserve-t-on aux personnes arrêtées ?
Quand on les attrape, on les met dans des centres fermés. Mais ce ne sont pas des prisons. On les regroupe là, quand ils atteignent un nombre important, on les expulse à la frontière de Gogui ou bien à la frontière de Rosso. C’est comme ça que ça se passe ici. C’est comme si nos autorités nous ont complètement oubliés. Or, il y a énormément de guinéens qui vivent ici à Nouakchott. Surtout dans les quartiers qu’on appelle Cinquième et Sixième. Et souvent, ils sont là dans le cadre des études coraniques. A part ça, ils sont dans la restauration, d’autres vendent de la viande.
Ceux qui ont des visas valides, on leur dit que c’est des migrants clandestins qui veulent rallier les côtes européennes. Alors qu’il y a d’autres qui sont là, ce n’est pas des clandestins. Ils ont duré ici, ils y travaillent. Comme moi, par exemple, j’ai fait sept ans. D’autres sont venus pour faire l’école coranique. Mais maintenant, ils ne font plus de différence.
Récemment j’ai vu la police débarquer dans le restaurant d’un guinéen. Arrivés, ils lui ont dit : où sont tes papiers ? Il a montré sa carte séjour. Mais ils l’ont embarqué sous prétexte que c’est clandestin. Mais quand on vous amène au niveau des lieux de rétention, on ne dit pas votre problème exact. On dit seulement que c’est des clandestins. On les refoule directement vers la frontière. Ils ne laissent même pas aux gens le temps de récupérer leurs affaires.
Par exemple le compatriote qu’on a attrapé dans son restaurant, il n’a même pas pris sa valise, ni ses affaires, ni rien du tout. Et ce genre de situation est fréquent. Et quand vous comprenez leur langue, je vous jure, quand vous les entendez comment ils insultent nos frères, nos compatriotes. Ils disent : « ici, ce n’est pas chez vous, c’est chez nous ici ».
Le ministre des Affaires étrangères de la Mauritanie a été reçu la semaine dernière à Conakry. Après cette visite, le ministère guinéen des Affaires étrangères a déclaré qu’une « solution diplomatique » a été trouvée pour ses citoyens qui ont des difficultés en Mauritanie. Est-ce que depuis, vous avez ressenti un changement ?
Moi, quand même, personnellement, je n’ai senti aucun changement. Parce que chaque jour, vous voyez déjà les véhicules, c’est-à-dire les véhicules de police, ils font les descentes. Même quand ils vous croisent en pleine rue on vous traque. L’opération continue de plus belle même pendant le ramadan. il n’y a pas de changement. C’est la routine matin, midi, soir. Avant, il y avait une seule unité spéciale qui contrôlait. Mais maintenant, ils ont intégré toutes les unités. La situation dépasse l’entendement.
Avez-vous un appel à lancer à l’endroit du général Mamadi Doumbouya ?
L’appel que j’ai à lui lancer en tant que le président de la République, c’est d’essayer de voir la situation des guinéens actuellement en Mauritanie. Depuis son indépendance, d’après les gens que j’ai trouvés ici, il n’y a jamais du tout eu une ambassade de Guinée ou bien un consulat de Guinée, ici, à Nouakchott. Au moins s’il y avait un consulat ou une ambassade ici, on aurait eu l’espoir que la situation s’arrange. Il connait mieux comment fonctionne la diplomatie. Nous lui demandons d’intervenir pour aider les guinéens en détresse en Mauritanie.
Beaucoup de guinéens ont envie de renouveler leurs documents, mais ils ont tout verrouillé. Nous lui demandons d’intervenir pour faciliter l’obtention du visa pour les ressortissants guinéens, à défaut de supprimer les visas entre nos deux pays. Ce serait une bonne solution pour nous permettre de vivre et travailler tranquillement sans problème. Le Président de la république, le Général Mamadi Doumbouya doit agir, comme il l’a toujours fait pour les guinéens en difficulté à l’étranger.
A suivre !
Propos recueillis par Boubacar DIALLO
Pour Africaguinee.com