14-07-2025 09:12 - Washington reprend pied au Sahel

APANEWS -
Dans un contexte d’insécurité persistante et de profondes recompositions diplomatiques, les États-Unis ont multiplié ces dernières semaines des visites de haut niveau pour relancer leur coopération sécuritaire avec les pays sahéliens, sur fond de détérioration continue des relations entre ces derniers et la France, accusée de tentatives de déstabilisation et d’ingérences.
Les États-Unis multiplient les démarches de rapprochement avec les pays sahéliens.
À Bamako, le directeur adjoint principal pour la lutte contre le terrorisme à la Maison Blanche, Rudolph Atallah, a effectué du 8 au 10 juillet une visite officielle. Il a rencontré le ministre malien des Affaires étrangères Abdoulaye Diop et le ministre de la Sécurité pour discuter d’une « coopération rénovée et constructive ».
Selon le ministère malien, les échanges ont porté sur la reprise en main de la sécurité par les autorités maliennes, le renforcement des capacités des forces nationales, l’intégration de la Confédération des États du Sahel (AES) dans la lutte antiterroriste et la dénonciation par Bamako de soutiens extérieurs aux groupes armés.
À Ouagadougou, le 27 mai, le Sous-Secrétaire d’État pour l’Afrique de l’Ouest, Will Stevens, a transmis un « message du président Donald Trump » au ministre burkinabè des Affaires étrangères, Karamoko Jean Marie Traoré. Les deux responsables ont évoqué une coopération « solide » et « respectueuse de la souveraineté », tout en reconnaissant les critiques burkinabè sur les restrictions occidentales à l’acquisition d’équipements militaires. Stevens s’est engagé à œuvrer pour lever ces obstacles.
À Nairobi le 30 mai, le commandant d’AFRICOM, le général Michael Langley, a nuancé ses critiques sur la gestion des ressources par le Burkina Faso et a reconnu la recrudescence des attaques dans le Sahel depuis le retrait américain du Niger en 2024. Il a réaffirmé le soutien des États-Unis à leurs partenaires sahéliens et nigérians, via renseignements, formations et appui matériel.
Au Niger, fin avril, le Premier ministre Ali Mahamane Lamine Zeine a rencontré à Washington l’ambassadeur Troy Fitrell pour discuter de la relance des relations, après que Niamey a dénoncé, à son arrivée au pouvoir, les accords de défense avec Washington, entraînant le départ progressif des troupes américaines de la base d’Agadez.
Ces gestes américains interviennent alors que les relations entre la France et les régimes sahéliens continuent de se dégrader. Les autorités malienne, burkinabè et nigérienne accusent Paris de tentatives de déstabilisation et justifient leur retrait de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) par ce qu’ils qualifient d’instrumentalisation de l’organisation par la France.
Dans le même temps, ces pays ont resserré leurs liens avec Moscou. Dans le domaine sécuritaire, notamment, des instructeurs russes ont été déployés dans les trois pays pour assurer la « formation » et appuyer leurs forces dans la lutte contre le terrorisme.
En mars, Washington avait déjà rouvert partiellement ses services consulaires à Niamey et réaffirmé sa volonté de renforcer les liens. Mais, selon le Washington Post, le Niger et le Burkina Faso figurent toujours parmi les 25 pays dont les ressortissants pourraient être privés de visas américains en raison de contentieux migratoires.
Dans ce climat où les régimes sahéliens revendiquent leur autonomie et diversifient leurs alliances, la stratégie américaine oscille entre volonté de réengagement sécuritaire, respect affiché de la souveraineté et pressions diplomatiques ciblées, tandis que la France, ancienne puissance coloniale, voit son influence contestée sur plusieurs fronts.
AC/Sf/APA