23-05-2014 00:35 - Femmes : Entre clichés et fantasmes
Adrar-Info - En réponse à l’article paru dans notre édition de ce matin intitulé : «La femme source de malheur pour les maures et de bonheur pour les négro mauritaniens » signé de notre ami Mohamed Mohamed lemine, nous reprenons ce texte écrit il y’a quelques années auparavant par notre patriote Mariem derwich .
On parle toujours des Mauresques avec tant de superlatifs si peu flatteurs qu’il faudrait presque avoir honte de naître mauresque. Elles sont considérées comme paresseuses, indolentes, âpres au gain, frivoles, gloutonnes, peu maternelles, superficielles jusqu’à la caricature, menteuses, commères, dispendieuses… Ces paroles d’homme, nous les entendons tous les jours : d’hommes célibataires ou mariés.
Oh, il n’y a pas que les hommes maures pour dire cela ! Pour les Soninkés ou les Halpulaars, être une Mauresque c’est être objet de mépris et de blagues. Nos sociétés s’opposent jusque dans le féminin et l’image fantasmée que l’on se fait de l’autre.
Les Mauresques diront, en réaction, que chez ces mêmes Soninkés ou Halpulaars les femmes sont soumises, inférieures, acceptant la polygamie, travaillant jusqu’à l’excès, bavardes, etc… Et chacun de se renvoyer le miroir. Les reflets de soi deviennent les illusions des autres.
Et au milieu, nos hommes qui surfent sur les courants divers et qui prennent ce qui les arrange et rejettent ce qui leur demande par trop de réflexions. Mais tous ces poncifs sur un soi-disant « modèle féminin » font oublier les mille et une réalités des femmes de chez nous. Quand la Mauresque de la bourgeoisie se complait dans un avachissement qui la réduit au statut de femme-enfant gâtée, des milliers d’autres Mauresques errent dans la réalité de la dureté de la vie.
Il est vrai que la société maure a poussé la subtilité jusqu’à faire de ses femmes, dans un milieu naturel hostile, des objets de décors adorés, chantés, loués. Et plus la « noblesse » est grande plus l’indolence est un art de vivre, comme un pied de nez aux immensités terrifiantes du désert.
Mais pour fabriquer l’indolence ont été inventés les « outils de la paresse » : les esclaves, les petites bonnes qui élèvent les enfants à la place des mères, les servantes corvéables à merci à qui l’on demande tout et n’importe quoi. Nos femmes/ fleurs/bourgeoises se complaisent dans le rien futile de vies ennuyeuses à l’excès.
Dans l’ennui se construisent les indolences faciles. Mais les autres, les travailleuses, les bosseuses, les forçats de la survie ? Nos sociétés si masculines ont mis au point de multiples façons d’asservir un être jugé inférieur et immature : l’excision, la pseudo-noblesse qui sert à enfermer ses femmes dans un schèma castrateur, la polygamie, la servitude, la poésie… Plus une société chante ses femmes plus ces dernières sont prisonnières.
Irait-on chanter les travailleuses ? Non : il est plus « doux » de chanter la potiche. Qu’on la chante en hassaniya, en wolof, en pulaar, en soninké, en bambara, on sublime les barreaux de la prison. Chez les Maures l’ultime vengeance, inconsciente, des femmes est cette paresse présupposée :
Tu me veux minuscule, occupe toi donc de moi.
Tu me veux enfant, élève-moi.
Tu me veux fleur, arrose-moi.
Tu me veux, épouse-moi.
Et en terme de prison aucune société de chez nous ne peut se vanter d’avoir libéré ses femmes ; la polygamie, par exemple est l’enfermement ultime, la négation de toute forme de dignité. Nous sommes si peu considérées que nous ne méritons, semble-t-il, que ce mesquin partage d’un homme avec d’autres femmes.
Nous n’existons que le jour de notre « tour ». Nous sommes enfermées dans des combats de survie : tout faire pour être la préférée, pour que nos enfants soient en haut et non en bas, pour déjouer les jalousies des autres, pour s’assurer une vieillesse à l’abri du besoin… Et pendant ces combats la société peut dormir tranquille car, alors, les femmes s’usent dans le quotidien et perpétuent les traditions.
Les barreaux de nos cages sont si pervers que nous les entretenons tous les jours. Car si les diktats de nos sociétés sont érigés par les hommes, l’acceptation de la soumission est féminin. Seules les femmes peuvent briser les barreaux. Que ne l’apprend-t-on aux petites filles ? »
Mariem mint Derwich