06-02-2015 15:10 - Maurichronique : Le temps du désert…

RMI Biladi - Il y a longtemps, j’ai quitté. Je suis bien contente. Ravie et ne cesse de me délecter de chaque instant passé dans mon désert. J’ai assez de temps. Suffisamment de temps pour réfléchir. J’ai tout mon temps. Et aussi, et ça c’est une autre affaire que je ne dis pas à présent, j’ai le temps de tous mes voisins. Mes compatriotes. Des autres espèces, mais compatriotes, quand même.
Depuis combien de temps déjà je suis là ? Une journée, une partie d’une, un mois, deux, une année, un siècle ? Mes pièces de monnaie serait-elles encore valides ? Mes liasses de billets seraient-elles de cours ? Ne permettraient-elles toujours pas de prolonger mon passeport ? Je ne sais. Le serpent n’a plus parlé depuis hier. Serait-ce vraiment depuis hier. Hier, seulement hier.
C’est sans importance. L’essentiel c’est qu’il a cessé de vagir. Et ça m’inquiète. Je m’inquiète sur le serpent. Dans mon désert, je m’inquiète sur le serpent. Sur sa peau de l’instant. Sur toutes ses mues. Chaque jour, il rampe jusqu’à moi et déverse son venin sur le sable. Ici, il n’en a pas besoin. Il crache son venin sans le regretter, sans verser aucune larme, sans même pas le regarder une dernière fois.
Un jour lointain, j’avais fui la ville. J’ai essayé le village voisin, puis un autre, ensuite un autre. Et j’ai continué mes essais villageois. Et je me suis approchée chaque jour un peu plus du nulle part où je suis. Les villages imitent la ville. Ce n’est pas croyable.
Ils la copient et recopient chaque jour. Et la ville, elle-même, se copie. Se copie, je veux dire, ses habitants se copient, s’imitent, comme s’ils ont juré de se lever à la même et de se coucher pareillement. Ils marchaient, le font-ils encore aujourd’hui, de la même sorte. Le même pas répété un million de fois autant que les pas se font en ville.
C’est pour ça, je crois, je ne me souviens pas de grand-chose, plus de choses assez nettes. Un soupçon de ville, un spectre bruyant m’est restée quelque part. Ça me démange. M’irrite un peu avant de le faire dissiper. Un petit doigt. Juste le bout de mon petit doigt que je trempe dans le venin de mon serpent du désert, qui fait oublier tous souvenirs des irritations citadines.
Mouna Mint Ennas