19-02-2015 18:45 - Trois Questions à Moussa Samba Sy, président du Regroupement de la Presse Mauritanienne (RPM) : ‘’Au RPM, nous ne sommes satisfaits ni du montant ni de la manière dont a été distribué le Fonds d’aide à la presse’’

Trois Questions à Moussa Samba Sy, président du Regroupement de la Presse Mauritanienne (RPM) : ‘’Au RPM, nous ne sommes satisfaits ni du montant ni de la manière dont a été distribué le Fonds d’aide à la presse’’

Le Calame - Le Calame : Les entreprises de presse viennent de recevoir la subvention que l’État leur accorde annuellement : 200 millions d’ouguiyas pour 168 postulants, en 2015. Au Regroupement de la Presse Mauritanienne (RPM) que vous présidez, êtes-vous satisfaits du montant et de la manière dont il est distribué ? Sinon, que préconisez-vous ?

Moussa Samba Sy : En tant que RPM, nous ne sommes satisfaits ni du montant ni de la manière dont il a été distribué. Je vous rappelle que cette hauteur de 200 millions fut fixée alors qu’il n'y avait que la presse écrite. Or, on a assisté, depuis, à l’éclosion de la presse électronique et à l’émergence de la presse audiovisuelle, sans que l'enveloppe ne soit révisée pour les prendre en compte.

Si l'on se compare à nos voisins immédiats, cette somme est dérisoire, par rapport à ce qui se fait au Sénégal, au Mali, au Maroc ou en Algérie. Quant à la manière dont elle a été distribuée, nous avons toujours préconisé une approche plus pragmatique, plus efficace que le spectacle auquel nous ne cessons d’assister, celui d'une distribution, tous azimuts, d'un pactole jeté en pâture à des protagonistes qui n'ont souvent rien à voir avec le secteur.

Une démarche qui nous pousse à dire que le fonds d'aide à la presse a été perverti et détourné de son objectif originel qui était de favoriser l'émergence d'entreprises de presse jouant pleinement leur rôle de contre-pouvoir indispensable à la démocratie.

Ça ne rime à rien de donner de l'argent à des journaux sans jamais leur demander de comptes sur la manière dont ces fonds publics sont utilisés. Nous appelons de nos vœux un contrôle continu, afin de séparer le bon grain de l'ivraie.

Cette année 2015, le ministère des Relations avec le Parlement, qui continue, semble-t-il, à assurer la tutelle du secteur, a tout fait pour que la distribution se fasse de la pire manière, sans doute par ignorance mais, plus sûrement, par incompétence.

Savez-vous, par exemple, que, depuis deux ans, des journaux comme Le Calame, L'Eveil-hebdo, El Emel Jedid, L’Authentique , Nouakchott-info, Le Rénovateur, Le Quotidien de Nouakchott, Chtary, Biladi, Sévir, El Vejr, Sirraj, Al Akhbar, Taqadoumy, Tahalil, Essahiva, La Tribune, Al Moustaqbal, Al Houriya ou Le Véridique – et j'en oublie – n'ont pas été représentés dans la commission ? Comment peut-on parler de sérieux, dans ces circonstances ?

- Notre pays occupe, depuis quelques années, le premier rang du classement pour la liberté de la presse dans le monde arabe. Que vous inspire cette situation, au moment où l’un de vos membres, en l’occurrence le directeur de l’agence Essirage de communication, connaît des problèmes avec la justice mauritanienne ?

- Ce classement devrait être un motif de satisfaction pour tous les Mauritaniens. Seulement, je préfèrerais que mon pays soit même dernier dans la classe des bons élèves, plutôt que premier parmi les bonnets d'âne. Parmi tous les pays arabes, je n’en vois aucun qui n’ait jamais mieux fait que la Mauritanie, même dans les pires moments que connut sa presse.

Je voudrais quand même souligner que, depuis quelques semaines, les signaux inquiétants se sont multipliés : agression, dans une impunité totale, du journaliste Hanevy Dahah ; arrestation d’Aziz ould Souvi et confiscation de son matériel ; convocations successives, enfin, du directeur d'Essiraj pour avoir publié des informations sur un scandale politico-financier qui défraie la chronique.

- En tant qu’observateur de la scène politique mauritanienne, pouvez-vous nous dire pourquoi le dialogue, entre la majorité et le FNDU, peine à se nouer, en dépit des intentions affichées de part et d’autre et les échange de courriers ?

- A mon avis le dialogue peine voir le jour, parce que les deux camps ne semblent pas dans les meilleures dispositions pour l'enclencher. Chacun a sa propre feuille de route et ses propres desseins, souvent inavouables. Je pense que les deux camps devraient commencer par accorder leurs violons, afin de jouer la même partition.

Il faut se mettre d'accord sur un certain nombre de préalables et, surtout, sur les objectifs attendus. On a l'impression d'assister à un jeu du chat et de la souris. Chacun essaie de prendre l'autre en défaut, afin de remporter une manche de cette partie de poker menteur. Je n'ai pas encore senti – mais j'espère me tromper – cette étincelle dont va jaillir le salut pour le pays.

Propos recueillis par AOC



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