17-03-2015 11:54 - Rencontre : Jean-Marie Guichaoua, du culot dans le boulot.

Jean-Marie Guichaoua, c’est cet acteur social et objecteur de conscience qui respecte l’humain, il refuse une certaine forme d’assistanat et prône plutôt la dignité des autres en les faisant participer à leurs propres projets. Cridem a rencontré un ingénieur doublé d’un sociologue.
Jean Marie, n’a rien du baba cool qui veut changer le monde. Ni du philanthrope qui donne sans rien attendre en retour. Dans la bergerie des humains, il est un loup et non un agneau. Lui, c’est plutôt l’efficacité dans la méthode du travail avec des résultats jugés sur pièce.
Si l’on devrait ranger Jean-Marie dans une catégorie, ce serait certainement, un homme « réfléchi » qui sait, même, si par souci de précision, on ajouterait les mentions suivantes : volubile, sympathique et attachant. Espérons ne pas blesser l’intéressé, rappelons que le journaliste, fourbe tombe parfois dans le fichu piège de la caricature pour accrocher son lecteur.
Il a papillonné talentueusement à Science Po, de l’ingénierie à la sociologie avant de débarquer dans nos murs pour la première fois en 1977 comme consultant d’EUREQUIP à la SNIM. « C’est la période où le front Polisario voulait stopper la production du fer (et par là faire céder la Mauritanie), par des actes de sabotage sur le train ». Une tentative vaine, du fait de la capacité des équipes de la SNIM à réparer les locomotives plus vite que les vagues d’attaques ; ce qui avec le temps a fini par dissuader le Polisario de ne pas « consommer du fer », car indigeste pour l’estomac se rappelle-t-il.
Sa satisfaction d’« avoir vu la SNIM relever le défi de ne pas arrêter l’exploitation de sa production jusqu’à nos jours », et le désengagement militaire d’un Polisario. La SNIM, il en a parlé surtout dans le cadre d’un changement d’organisation, par une approche sociologique, « c’était la période des contrats programmes de mauritanisation des emplois ».
Jean-Marie dissèque différents aspects de la vie économique du pays. Sans détours, il indique la voie à suivre, celle des hommes de bonne volonté. Il cite des amis mauritaniens avec lesquels il partage leur vision des choses, Ismail Ould Amar, Sidi Mohamed Cheiguer entre autres et bien sûr son compatriote Jean Perchet « celui qui a fait connaitre le potentiel du poisson aux mauritaniens », dont les retombées positives de l’engagement à l’étranger sur notre industrie sont indéniables.
Le CIMDET est une trouvaille pour stimuler la création d’entreprises qui se heurtent au « manque d’information technique et économique pour leur décollage ». Pour illustrer son propos, il cite le cas de MipFrigo qui a utilisé à fond le CIMDET pour réaliser une œuvre unique.
Les nationaux sont invités à apprécier les saveurs d’un produit de poisson, des eaux mauritaniennes, servi à une chaine gastronomique en France : « La Criée ». S’il n’est pas facile aux produits alimentaires africains d’être consommés en Europe, « La Mauritanie a fait ce miracle dans l’industrie du luxe, avec une usine aux normes européennes, çà c’est une fierté pour la Mauritanie» lâche-t-il avec un sourire.
Nouakchott, construit avec de l’eau minérale
Mais, à entendre l’homme, tout n’est pas rose chez nous. « Gérer, c’est prévoir » a-t-on l’habitude de dire. Plus qu’une simple déclaration, cette assertion constitue le fondement de toute politique de gestion, pour notre pays où « non-gérer c’est non-prévoir ». Il nous faut parfois rattraper le temps perdu et remettre les points sur les « i », estime Jean-Marie, qui souligne que « la Mauritanie s’auto-saccage !
L’eau d’Idini est pure, naturelle et pourtant tout ce que vous voyez comme construction en béton autour de vous, provient de cette eau. Comment peut-on construire avec de l’eau minérale ?» S’est interrogé l’ingénieur, « alors qu’on pointe au club des pays les plus pauvres au monde. » A croire l’homme, le pays se met ridiculement, en marge de l’orthodoxie de préservation de certains acquis dont la nature l’a dotés.
Il fera observer d’autres phénomènes tous aussi renversants les uns que les autres et qui auront un impact sur le vécu du mauritanien si l’on n’y prend garde. « Le bois d’ébène est le troisième de par sa valeur au monde, on ne le trouve que dans le sahel, c’est avec lui que l’on fait le meilleur charbon de bois ici dans un pays qui a du gaz et si peu de forêts ». Mais le meilleur du luxe dérisoire mauritanien, selon notre homme se trouverait dans le Gorgol avec le barrage de Foumgleyta et dont la réserve d’eau est l’une des plus importantes d’Afrique de l’Ouest.
« Le projet s’est achevé avec une turbine à l’envers ; elle a grillé et on ne l’a pas remplacée sans que cela ne semble gêner personne de ne pas utiliser l’énergie et l’eau disponibles alors qu’on pointe au club des pays les plus secs au monde. ». Jean-Marie c’est ça : une grande gueule, le cœur tendre, le verbe ardent.
Derrière cet humanitaire « réfléchi », se cache un désillusionné. Jean-Marie, c’est plusieurs vies en une, une force de la nature, un marathonien impétueux des causes perdues. Il dit militer pour « un service national pour la jeunesse avec un mélange de culture et d’action pour associer tout le monde à une réelle fraternité entre maures et noirs ». Il est habité par la haine du mensonge, de la dissimulation, de la petitesse. Prodigalité dans la créativité et l’imaginaire, dans l’amour des autres en général des mauritaniens en particulier.
Son bonheur ! La femme de sa vie, une mauritanienne et une fratrie de trois enfants, deux filles et un garçon. Nous avons trouvé l’homme derrière son ordinateur, certainement sur un énième projet de société. Cette disponibilité, il semble l’entretenir aussi dans son rapport aux choses : il voyage léger, s’habille fonctionnel et traditionnel. Précis, il répondait à nos questions, bras croisés. On a l’impression qu’il est seul face à la demande des autres.
ADN
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