10-11-2015 15:10 - Mendicité des mères de jumeaux à Bamako, business lucratif
DuneVoices - Au cours de ces dernières années, la mendicité des mères des jumeaux a pris beaucoup d’ampleur à Bamako. Elle est devenue pour ces femmes un moyen facile d’avoir de l’argent.
Mariam Sacko a 28 ans. Elle quémande, avec ses jumeaux Bani et Kafouné dans les bras, à un carrefour au centre ville derrière l’Assemblée Nationale à Bamako.
Mariam pense qu’elle est obligée de mendier avec ses jumeaux. « Dans notre société, on dit que la maman doit prendre avec elle ses jumeaux pour mendier sinon l’un d’entre eux risque de mourir vite ou de tomber malade», dit-elle.
«C’est aussi la galère qui m’oblige à réclamer de l’argent dans la rue pour subvenir aux besoins de mes enfants », précise-t-elle.
Mariam passe sa journée dans la rue, un enfant sous chaque bras et dans chaque main un bol pour mendier.
« Je n’ai pas de qualification pour trouver du travail. Je n’ai personne pour garder les jumeaux ni d’argent pour ouvrir un commerce » déplore t-elle.
A quelques mètres de Mariam, s’assoit Oumou Napo, une ressortissante de Bandiagara (680 kilomètres à l’Est de Bamako). Elle est mère des jumelles Awa et Adam. Assise sur le trottoir, elle allaite l’une de ses jumelles et continue à mendier.
Oumou Napo a quitté son foyer pour venir s’installer à Bamako et mendier avec ses deux bébés. Elle quémande pendant 10 heures par jour pour des recettes journalières de 1500Fcfa (02 Euros).
« C’est la naissance de mes jumelles qui m’a mise dans cette situation », regrette-t-elle.
Badji Kéita une passante explique qu’elle leur donne de l’argent parce qu’elle estime que « ce n’est pas facile d’élever des jumeaux»
Selon un policier présent sur les lieux : « ces femmes ainsi que leurs enfants sont exposés à des dangers multiples puisqu’ils sont très proches du goudron ».
« Elles sont nombreuses sur ce trottoir ainsi que dans d’autres lieux publics à Bamako. On n’arrive pas à les dénombrer. De temps en temps elles se déplacent. On les chasse mais elles reviennent », explique-t-il.
De son côté, Alhassane Modibo Bâh Islamologue consultant chargé de la pédagogie au Centre Islamique de la Formation et de la Documentation (CIFOD) à Bamako précise que mendier avec les jumeaux n’est écrit sur aucun texte du coran. « Au contraire, les parents doivent travailler pour subvenir aux besoins de leurs enfants », insiste-t-il.
Il explique que l’islam souligne la nécessité de bien protéger et bien éduquer l’enfant mais étant dans la rue ces enfants vont rater beaucoup de choses dans leur vie.
D’après lui cette pratique de demande de l’aumône pour des jumeaux est un problème culturel dans la société malienne.
« Beaucoup de personnes disent que si les jumeaux ne sortent pas pour mendier, une malédiction va tomber sur la famille. Ils peuvent tomber malade ou même mourir. Mais rien n’est fondé dans ces propos .D’ailleurs, il y a des jumeaux qui ne sont jamais sortis pour aller mendier et ils sont en bonne santé », fait-il remarquer.
Adam Niamey Bah est présidente d’une association chargée des enfants mendiants. Elle indique que l’association organise souvent des causeries débats dans toutes les communes de Bamako pour sensibiliser les mères des jumeaux et leur donner des conseils.
« Nous leur donnons également du riz, de l’huile et du sucre pour les aider », ajoute-t-elle.
Pour sa part, Gaoussou Traoré secrétaire général adjoint de la coalition malienne de la défense des droits de l’enfant (COMADE), indique que la coalition travaille actuellement, en coordination avec le ministère de la solidarité, sur la prolifération de ce fléau.
« Nous avons enregistré 476 mères de jumeaux mendiantes dans trois communes de Bamako, les communes I, II, et V», a-t-il fait savoir.
Selon lui, des réunions ont été organisées à l’intention de ces femmes pour les sensibiliser à la nécessité de garantir une bonne éducation à leurs enfants.
« Cependant, elles ont toutes justifié leur recours à la mendicité par le manque de moyens leur permettant de subvenir aux besoins de leurs enfants », a-t-il signalé.
Gaoussou Traoré a indiqué qu’à partir du mois de novembre, ces femmes vont bénéficier de financements pour la réalisation de microprojets (friperie, fabrication du savon, commerce de condiments…) tandis que leurs enfants seront inscrits dans les jardins d’enfants.
Il a, en outre, précisé que cette expérience sera généralisée sur toutes les autres régions du Mali après la collecte de nouveaux fonds.