13-07-2018 13:12 - Adieu mon cher Boubout
Didier Niewiadowski - L'un des plus grands constitutionnalistes francophones vient de nous quitter. Je voudrais saluer l'immense culture juridique et la personnalité si estimable de mon ami, Ahmed Salem ould Boubout.
Professeur de droit à l'ENA et à la Faculté de droit de Nouakchott (1976-1993), j'avais été l'un des premiers à découvrir le talent exceptionnel de cet homme dont la modestie et l'intelligence lui allaient si bien. Le Doyen Alain Bockel, de la Faculté de Dakar, m'avait auparavant confié qu'Ahmed Salem ould Boubout avait toutes les qualités d'un futur éminent juriste.
Lors de ses séjours à Nouakchott, nous prenions souvent un thé qui se terminait tard dans la nuit. Je me faisais tout petit devant un maître aussi jeune et aussi talentueux en droit administratif. Ses yeux pétillaient d'intelligence. Évidemment, Ahmed ne pouvait s'arrêter au doctorat.
Avec le Professeur Jean du Bois de Gaudusson, président de l'université de Bordeaux, nous l'avions encouragé à préparer la très difficile agrégation de droit public. Le président du jury d'agrégation, le très célèbre Doyen Vedel, écrivit une lettre que j'avais pu consulter.
Lui qui avait eu des milliers d'étudiants à Paris, n'hésitait pas à écrire qu'Ahmed était l'un des plus brillants étudiants qu'il avait rencontré dans sa carrière. Dans mes fonctions ultérieures au Quai d'Orsay, il m'arrivait de rencontrer Ahmed au gré de Conférences internationales en Afrique ou lors de ses séjours parisiens de professeur associé à l'Université Paris I.
Ahmed Salem ould Boubout était aussi bien à l'aise dans un costume parisien de bon faiseur que dans son boubou traditionnel, tout en fumant une pipe en os allumée avec un silex. Il est toujours resté un homme du désert attaché aux valeurs du pays. Tout en étant un des meilleurs constitutionnalistes et administrativistes de la Francophonie et un habitué des débats juridiques français, Ahmed Salem ould Boubout est resté Beidane, de la lignée de ces grands érudits que compte le pays. Il n'est pas tombé dans le piège de l'acculturation.
Ahmed, mon ami, je ne t’oublierai pas. Que Dieu t'accueille dans son éternité.
Didier Niewiadowski
Professeur de Droit à Nouakchott (1976-1993).