25-04-2020 20:15 - Les aventures de SABOUN et MAK GRESH : entretien avec Isabel Fiadeiro

Les aventures de SABOUN et MAK GRESH : entretien avec Isabel Fiadeiro

Le Reflet - La Mauritanie et ses talents sont à pied d’œuvre pour sensibiliser contre la propagation du covid19. Se rendre utile en cette période de confinement, c’est le challenge que la dessinatrice et peintre Isabel Fiadeiro tente de relever.

Dynamique et reconnue pour son travail, Isabel nous accorde la publication des aventures de SABOUN et MAK GRECH dans les colonnes de votre journal. Mais avant, nous proposons cet entretien qu’elle nous accordé.

Horizon : Bonjour Madame, merci d’avoir nous accorder un peu de votre temps. Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?

Isabel : Je suis Isabel Fiadeiro, je suis portugaise et j’habite en Mauritanie depuis 2004. Je suis artiste peintre et dessinatrice. J’ai une galerie d’art et d’artisanat à Nouakchott, depuis 2012. Je collabore avec des artisans et des artistes mauritaniens, mais aussi des artistes et créateurs de la région voire d’ailleurs.

Horizon : Quelle est la différence que vous faites, entre peintre et dessinateur ?

Isabel : Pour moi le dessin, de la façon dont je le pratique, c’est comme un journal que j’anime à travers un blog. Le contenu est tiré de mes croquis que je fais un peu partout, dans la rue. Je dessine donc d’observation directe. Avec la peinture c’est un travail parallèle qui demande plus d’imagination et de création. Je pense qu’il s’agit de deux choses différentes. Et là avec la série sur laquelle je travaille en ce moment, c’est encore un autre monde que j’explore.

Horizon : ZeinArt Concept a huit ans aujourd’hui, pouvez-vous nous décrire ce que vous faites concrètement ?

Isabel : ZeinArt Concept se trouve à l’Ilot C, constitué d’une galerie et un atelier l’atelier avec mon mari, qui lui, travaille le bois. Un designer. Nous sommes dans le milieu artistique, artisanal et créateur aussi. Notre méthode de travail est celle du dépôt. C’est-à-dire que l’on travaille directement avec les artisans et artistiques qui rapportent chaque semaine leurs produits. On travaille également avec eux sur certains aspects de leurs créations pour améliorer le travail formidable qu’ils font déjà.

Horizon : Vous avez décidé très tôt de fermer votre galerie, comment en êtes-vous arrivés là ?

Isabel : Depuis le 14 mars, au lendemain de l’annonce du premier cas de coronavirus au pays, on a décidé très tôt comme mesure de prévention, de fermer la galerie et nous mettre auto-confinement parce que nous avons beaucoup de contacts avec des mauritaniens, des étrangers. Nous avons vu ce qui se passe dans le monde et comprenons que chacun peut être un porteur du virus. Nous avons pensé que la prévention était le remède.

Nous sommes très préoccupés parce que la majorité des artisans locaux venaient chaque mardi, jour de dépôt, ils ramenaient leurs nouveaux produits faits à la main. Mardi c’est aussi le jour de paie, où on leur remet les gains issus de leurs produits vendus la semaine précédente. Je ne pensais comment on va faire pour la suite. Nous sommes en contact avec eux mais beaucoup sont partis en brousse.

Horizon : Deux semaines après la suspension de vos activités, le confinement a-t-il un impact positif sur votre productivité ?

Oui. On va dire qu’entre la galerie, le travail auquel je contribue à l’institut français de Mauritanie et Teranim pour les arts dont je suis membre, cela beaucoup d’activités. Je devais également faire des visites d’ateliers et m’occuper de pleins de choses, mais d’un jour à l’autre nous avons dû aller plusieurs expositions prévues avec l’institut. Il en est de même pour les concerts et le festival « leyali el medh » de Teranim est reporté. Donc tout d’un coup, on se retrouve à la maison avec peu de travail beaucoup de temps. Alors qu’est-ce qu’on fait ? Le message que j’ai envoyé aux artistes : ce qu’on peut faire c’est continuer à travailler, penser et créer.

Vous êtes l’auteure d’une nouvelle série qui sensibilise sur le covid19, d’où vous est venue l’idée de créer les aventures de SABOUN et MAK GRECH?

Je me suis demandé ce que j’allais faire personnellement ? Je n’avais pas envie de dessiner mon jardin ou ma maison, petit à petit faire de la prévention à travers des dessins m’est venu en tête. J’ai vu beaucoup de gens se ruer sur les savons et produits chers alors qu’on en Mauritanie : SABOUN. C’est le savon jaune produit en Mauritanie qui est moins utilisé malheureusement mais pas cher du tout. C’est un savon qui est bon pour l’environnement parce qu’il ne pollue pas. Je me suis dit qu’il faut que je travaille sur ça et surtout sur l’idée qu’on doit se laver les mains plusieurs fois par jour. Comment le faire ? Et aussi comment aussi utiliser ce savon dans une petite bouteille avec de l’eau. Les boutiquiers et vendeurs au marché peuvent nettoyer leurs surfaces avec cela et se laver facilement les mains. J’ai vu dans les supermarchés qu’ils ont mis de l’eau avec du javel. Cela désinfecte mais ne tue pas le virus, le savon si.

Donc j’essaie de penser à ce qui peut aider les personnes, j’ai des amis qui font de la prévention dans les quartiers, et moi je fais SABOUN. C’est une façon pour moi de m’occuper et laisser libre court à mon imagination. Je fais donc de SABOUN un héros national, mauritanien. Il est accompagné par son amie MAK GRECH bouilloire à ablution que l’on retrouve dans toutes les maisons. Moi je l’appelle Madame MAK GRECH. Rires.

Horizon : Pouvez-vous nous décrire le processus de production d’une planche ?
Isabel : Je dessine et les monte sur les planches. Chaque planche véhicule un message. Je compte faire appel à ses amis et bonnes volontés pour traduire les aventures de SABOUN dans les langues nationales, car le public que je vise c’est celui de la rue, les personnes ordinaires. Je produis avec un rythme de trois à quatre par jour, parce que je dois les imaginer, les dessiner, les colorer après les photographier pour numériser avant diffusion.

Horizon : Ainsi chaque planche véhicule une idée, un message, qu’en est deux premiers épisodes ?

Isabel : le premier épisode montre que nous portons tous des virus, notre patrimoine génétique est composé de 10% de virus. Après on voit corona dans un avion et je dis « qu’on a cru qu’il n’aime que les pays d’Asie, on a cru qu’il n’aimait que les autres et pas nous ». Mais non, « il aime tout le monde ». Et donc c’est un virus cosmopolite et pas raciste. Ensuite j’explique qu’il peut rentrer par le nez, la bouche ou les yeux. Et je rajoute c’est « ma main, ta main, notre main, qui l’invite à entrer. Donc on propose un peu d’explications car on dit aux gens de se laver les mains, mais ils ne savent pas pourquoi exactement. On ne comprend pas que c’est la main qui est porteur du virus.

Ensuite on voit corona dans la planète et on parle de la globalisation avec corona qui va à la découverte du monde. Il saute de pays en pays et je dis « mais c’était sans compter sur l’allié de l’humanité le super SABOUN ». Comme ça SABOUN produit en Mauritanie par Somigem et disponible partout, avec son ami MAK GRECH. Ensuite on voit beaucoup de mains qui se lavent et on se demande pourquoi ? Qu’est-ce que le savon fait au virulent et invisible corona ? Les quatre derniers dessins on voit cornona entouré d’une couronne constituée de protéines et c’est elle qui le fait entrer dans le corps. On voit SABOUN qui est en train d’arracher la couronne et MAK GRECH qui verse l’eau et on dit qu’un virus sans couronne n’est plus infectieux. Ensuite on voit une image avec SABOUN sur le dos de MAK GRECH qui dit « on a plein de savon et c’est bon » et dans l’image qui suit on voit le virus qui court.

Horizon : Savez-vous déjà l’épilogue de la série, le nombre d’épisodes… ?

Isabel : Justement non, chaque jour me réinvente. L’histoire n’est pas finie dans ma tête. Je vous disais tout à l’heure que je vais travailler sur la peur pour les prochains dessins mais peut être finalement de mettrai l’accent sur les autres modes de transmission avant. Je ne sais pas de A à Z comment ça va se passer.

L’idée c’est de parler du virus en rigolant, de façon infantile et de faire comprendre que ce n’est pas une chose qui vient nous tuer tous. On peut faire des choses pour le combattre, notamment expliquer que si quelqu’un ne confine pas, qu’il sorte saluer des gens en donnant la main et être dans des foules, c’est tout le monde qu’il met en danger.

Horizon : Vous avez déjà diffusé quelques dessins sur la toile, les retours sont-ils positifs?

Isabel : Oui, les aventures de SABOUN ont eu échos positif ici, au Sénégal et ailleurs en comme suisse où cela suscite l’intérêt. On m’a demandé par exemple pourquoi est-ce que je soutiens que SABOUN c’est mieux. Alors je leur explique qu’avec certains produits, on sèche les mains puisqu’on est obligé de se laver les mains plus souvent. Je n’ai jamais autant lavé mes mains de toute ma vie, et pourtant c’est peut être le meilleur moyen que nous avons de nous prémunir. SABOUN et MAK GRECH vont chasser le corona.

Propos recueillis par Amadou SY

NB: article publié initialement dans le journal horizon.





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