28-05-2024 21:00 - Guidimakha : préservons les noms de nos villages de la prédation culturelle

Guidimakha : préservons les noms de nos villages de la prédation culturelle

Onde Info - Danguéremou = Chiteybeu

Niéléba = Awoycheu

Bokedianby = Sambatougeux

Diaguily = Boyboo

Sedelmé = Tijiritt

Gorilakhé = Mɓeydiyasakha

Kininkoumou = Khooumkhoum

Woulounbony = Debaye

Diogountouro = Bichdoure

Cela semble anodin pour de nombreux Soninké du Guidimakha, qui ne semblent guère offusqués, irrités et outragés par la « rebaptisation » des noms de leurs villages. Ces quelques exemples triés sur le volet sont révélateurs de l’ampleur du phénomène.

Il se manifeste de deux manières : l’attribution d’un autre nom, autre que celui donné par les habitants eux-mêmes ou une déformation subtile et volontaire du nom du village, en lui intégrant un timbre étranger et arabisé.

Ce qui conduira demain à semer le doute, en ouvrant la voie à des interprétations conflictuelles liées à la fabrication d’identités et de personnalités doubles autour de l’histoire de la fondation de nos terroirs.

Ce mal rampant et sournois progresse, en gagnant du terrain sans que les populations autochtones ne s’en inquiètent. Ces dernières sont embourbées et empêtrées dans une guéguerre absurde pour servir un orgueil qui appartient à une époque révolue.

Pendant ce temps, leur histoire, leur patrimoine, et les preuves de leur antériorité au Guidimakha sont en train d’être falsifiées, et demain effacées.

Dans de nombreux villages Soninké, qui existent pour la plupart depuis plusieurs dizaines de décennies, on assiste indifféremment à ce drame qui rappelle, ce que d’aucuns appellent ailleurs, dans d’autres circonstances : « le grand remplacement ».

Personne ne dit rien. Les élus, les cadres ne s’en préoccupent même pas, leurs priorités sont ailleurs. Nos intellectuels, ils sont eux préoccupés dans une logique de justification de la noblesse d’une partie de la communauté par rapport à d’autres; en alimentant la haine et les rancœurs sur des questions surannées.

Voilà les genres de sujets croustillants pour notre intelligentsia, y compris nos marabouts : s’investir à expliquer et défendre une prétendue noblesse périmée tel un médicament dont la date de péremption est clairement indiquée dans la notice. Mais on s’entête fanatiquement. Coûte que coûte, on veut l’administrer au malade. Devinez la suite !

La défense de la culture Soninké en vue de sa pérennisation en Mauritanie (contexte particulier) passe d’abord par la préservation et la sauvegarde des aspects de nos us et coutumes consensuels. Notamment les éléments du patrimoine Soninké autour desquels tous les groupes communautaires se retrouvent et s’y identifient.

Les noms des villages Soninké font partie de ceux-là. En effet, quelle que soit la nature, et la tournure regrettable des conflits qui opposent les Soninké, ( progressistes et passéistes ) aucune partie n’a jusqu’ ici eu l’idée d’appeler jusqu’ au changement du nom donné à son village.

Les noms de chacun de nos villages ont une histoire et une signification liée à leur genèse. Ils ont un contenu phonétique, sémantique propre qui renvoie à quelque chose de singulier et symbolique, plus approprié à défendre qu’une noblesse évanescente.

Il y a eu certes des quartiers rebaptisés, parce que l’ancien nom était stigmatisant et dégradant du fait qu’il rappelle un passé déshonorant pour certains. Mais il n’en est jamais était question de rebaptiser le village. C’est peut être la preuve que les deux parties en brouille seraient toutes fondatrices et autochtones. Ce détail sans être insignifiant et superflu doit être l’élément de réconciliation entre les Soninké au Guidimakha.

Ceux qui aiment à la moindre occasion bomber le torse pour clamer leur supériorité sont curieusement atones et inaudibles ; alors que les temples, soit les dernières citadelles de l’identité Soninké dans cette contrée sont menacées.

Appeler autrement nos villages, les « renommer « , c’est comme changer l’emballage d’un produit dont vous n’êtes pas dépositaire du brevet. Après avoir changé le contenant, la deuxième étape consistera à y introduire un contenu nouveau, c’est la démarche de l’impérialiste.

Refuser des concessions, des reformes sociétales consistant à réviser le contrat communautaire pour le rendre plus juste et égalitaire, sous le fallacieux argument que celles-ci compromettent l’identité et la culture Soninké, et paradoxalement se taire devant un projet d’appropriation, de falsification des noms des villages, c’est en somme manquer de clairvoyance, d’esprit d’anticipation et de leadership. Le mal est là où il n’est pas.

Si rien n’est fait, nous ne lèguerons à la postérité que la somme de nos contradictions : des vallées des larmes, humiliation et souffrances etc. Elle sera condamnée à payer le prix de notre passivité, de notre lâcheté…

Alors, prenons y garde en nous investissant tous et ensemble pour la préservation de ce qui reste de nos villages contre la prédation culturelle.

J’invite vivement les étudiants et chercheurs du Guidimakha, les communes à s’intéresser à cette problématique liée à la toponymie de nos villages pour éviter la destruction ou d’usurpation de notre patrimoine.

Seyré SIDIBE





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Commentaires (4)

  • moukhabarat (F) 30/05/2024 11:49 X

    Tachott - Bou Anz - Oul yengé - Ajar etc ...

  • venimeux (H) 29/05/2024 10:23 X

    @ Buwuelm si ce vous avancez exister, ils n'y aurait pas cette histoire de l'arabisation à outrance mais aussi la monopolisation de la radio nationale par une seule communaité. les faits sont clairs il y a une colonisation qui ne dit pas son nom. Arrêter la déformation des propos qui est une malhonnêteté intellectuelle. A Nouachott tous les noms donnés aux quartiers et aux rues sont à consonnance "monocommunautaire" si vous tenez vraiment à l'unité nationale pourquoi n'avez pas fait un article pour dénoncer ces faits.

  • Buwuelm (H) 29/05/2024 03:00 X

    A - Avant-hier, je suis tombé sur un article de « Les Traces de l'Info » et repris par CRIDEM, intitulé : « Boghé/ Sarandogou : la cérémonie d’intronisation d’Elimane Mbone Elhadji Mamadou Sada Kelly ». Je me suis attardé un peu, sur le mot « Elimane », puisque j’avais du mal à le cerner. J’ai pensé à « El imane » et à « El imam », surtout que dans certaines contrées africaines, des peuples prononcent « Elimane », pour désigner un imam. Je peux considérer dans ce cas, que « Elimane » est un titre et pas un prénom. D’ailleurs, j’ai relevé quelques remarques pour conforter ma pensée. En effet, des mots de l’article sont mal prononcés, à savoir : « Oulads Ahmed de CHEGUER (CHEGGAR) », et « Oulads DIEUDIOUBA (Idjedjba) ».

    J’ai lu et relu le texte une dizaine de fois pour essayer de trouver des réponses aux multiples questions que je m’étais posées.

    1/ Il s’agit ici d’une intronisation, mais sa raison n’a pas été spécifiée.

    2/ Les critères de sélection n’ont pas été définis.

    3/ Le rang occupé par l’intronisé par rapport à ses prédécesseurs, n’est pas mentionné.

    4/ Le domaine relatif à l’intronisation n’est pas connu. Est-ce en rapport avec la royauté, si oui, quelle est sa zone d’influence ?

    5/ Elhadji Mamadou Sada Kelly est-il un savant en théologie, avec des disciples et des écoles coraniques sous sa coupole ?

    6/ La cérémonie reprend-elle une tradition des Toucouleurs de Sarandogou, qui veulent prouver qu’il faut faire avec eux, au sein de la communauté mauritanienne ?

    7/ L’État mauritanien a-t-il envoyé une délégation officielle pour l’occasion ?

    À première vue, le seul signe apparent qui distingue l’heureux élu des autres, est la longueur de son turban. Le détail peut m’échapper. Je note, selon les organisateurs de cette cérémonie, que les « Oulads Ahmed » et les « Oulads Dieudiouba » étaient bien représentés. Les autres tribus, avaient-elles été conviées à cette manifestation ?

    J’ai appris que Gallé Lawbe : Dioum Djibril, Adama Koundoul, Yéro Lawel, Hamidou Mbow, Bachirou Mbow, Niang Oumar, Bedou Dioum et Demba Dioum est cette famille qui mettra sur la tête d’Elimane Mbone le turban symbolique ». Quel est le statut des hommes cités, dans la société en place ? Une attention particulière est accordée à toutes les familles Kelly, qui ont accompagné et contribué à la réussite de l’intronisation. Ce n’est que logique, ce sont des « Kelly » après tout.

    Il faut éviter en Mauritanie, la culture du régionalisme, du tribalisme et du clanisme qui est la porte d’entrée assurée d’un racisme dévastateur pour le peuple mauritanien.

    B - Hier, c’était au tour d’un Soninké, à travers l’article : « Guidimakha : préservons les noms de nos villages de la prédation culturelle », qui veut marquer lui aussi, sa différence, en exposant sa vision de ce que doit être une communauté. Heureusement, qu’il ne parle qu’en son nom personnel, n’étant pas mandataire des Soninke. Je veux citer Seyré SIDIBÉ. Ce monsieur est un adepte de la stratégie du repli sur soi, et il veut entrainer certains membres de son ethnie dans une aventure sans lendemain. Pour cela, il utilise des termes comme : « ALORS, PRENONS-Y GARDE EN NOUS INVESTISSANT TOUS ET ENSEMBLE POUR LA PRÉSERVATION DE CE QUI RESTE DE NOS VILLAGES CONTRE LA PRÉDATION CULTURELLE ». Ce paragraphe, donne l’impression que certains villages se sont déjà métamorphosés. Dans le dernier paragraphe : « J’INVITE VIVEMENT LES ÉTUDIANTS ET CHERCHEURS DU GUIDIMAKHA, LES COMMUNES À S’INTÉRESSER À CETTE PROBLÉMATIQUE LIÉE À LA TOPONYMIE DE NOS VILLAGES POUR ÉVITER LA DESTRUCTION OU D’USURPATION DE NOTRE PATRIMOINE », M. SIDIBÉ s’adresse aux étudiants et chercheurs du Guidimakha, et seulement à eux. C’est cela la vision du régionaliste qui ne se préoccupe que de sa région et des siens.

    J’espère que des idées tordues ne viendront pas encore, perturber la recherche d’une unité nationale et d’une cohésion sociale tant souhaitées par les véritables patriotes, pour l’unité et la paix en Mauritanie. Assez de tiraillements ! Non à la manipulation. Place aux bonnes idées !

  • Adiekodda (H) 29/05/2024 00:05 X

    Tu as parfaitement raison.