03-06-2025 15:31 - Nouakchott : la ville de mon enfance change de visage.

Le Quotidien de Nouakchott -- Il est des villes qui naissent du fleuve, d’autres des forêts ou des montagnes. Nouakchott, elle, est fille du vent et du sable. Mais voilà qu’en ce début de siècle, la cité que l’on disait transitoire, provisoire, posée sur la dune comme un campement présidentiel des premières années, prend des airs de capitale durable, moderne, presque téméraire.
Depuis les hauteurs abstraites du pouvoir, les lignes de la ville se tracent avec une nouvelle main. Ce n’est plus seulement la nature qui sculpte, mais l’État, la stratégie, la vision. À la manière de Balzac décrivant Paris — cette fourmilière de l’ambition, des fortunes et des ruines — Nouakchott devient une œuvre vivante, où chaque carrefour élargi, chaque dalle posée, chaque mât d’éclairage installé raconte l’effort d’une nation qui s’ébroue hors du provisoire.
Sous le regard silencieux du Président Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani, la ville change d’allure sans faire grand bruit. L’homme n’est pas de ceux qui parlent fort, mais les rues, elles, parlent pour lui.
Le bitume gagne sur la poussière. Les échangeurs surgissent comme des promesses tenues. Les écoles s’alignent en modules géométriques dans les quartiers périphériques, jadis laissés en marge du développement.
L’éclairage public, que l’on croyait réservé au centre-ville et à TevraghZeina, éclaire désormais les trottoirs d’El Mina, de Dar Naïm, de Toujounine. La périphérie cesse d’être invisible.
Les marchés autrefois désorganisés s’alignent désormais sous forme de structures modernes. Les avenues principales s’élargissent et de nouveaux pôles économiques apparaissent ça et là , comme des ilots d’espoir dans cet océan urbain. Le Nouakchott d’hier moqué par ses visiteurs cherche à devenir une ville connectée tout en gardant son âme de ville du désert.
Dans l’ombre de cette métamorphose, le Premier ministre Moctar Ould Djaye, technocrate précis et pragmatique, tient les rênes de l’exécution. Là où la vision présidentielle esquisse, lui détaille, supervise, pousse les lenteurs à se hâter. C’est un tandem que certains qualifient de silencieux, mais dont l’efficacité s’inscrit déjà dans le béton des ponts et dans les plans d’urbanisation.
Nouakchott reste une ville de tradition et d’espoir et ce malgré les plans d’urbanisme et les gros engins. A travers chaque immeuble s’élève encore les rires des enfants jouant dans les ruelles sablonneuses et les murmures des sages qui prédisaient déjà le changement. Le changement est là , palpable et plus que visible. Il avance à pas sûr et au rythme des descendants des érudits de chinguitti qui ont repris le flambeau à la gloire des aïeux.
Balzac disait que Paris était une mer : « qui boit le courage, les talents, les ambitions. » Nouakchott, elle, semble vouloir être un socle : solide, structuré, capable d’absorber la croissance démographique, d’abriter l’innovation, et de donner une image digne d’un État moderne à ses citoyens et au monde.
Le nouveau visage de la capitale ne se limite pas à l’urbanisme. Des changements bourgeonnent dans des champs nouveaux, avec l’essor technologique en expansion, les initiatives vertes, la volonté d’encadrer, de réguler, d’ancrer que ce soit les transports, le foncier, ou une politique de la ville, pour un futur viable. Mais le décor seul ne suffit pas.
Et comme dans tout roman Balzacien, derrière les façades brillantes se cachent encore les luttes sociales, les espoirs d’un peuple qui interpelle les évolutions, qui aspire à les vivre pleinement. Car Nouakchott, ce n’est pas seulement un projet urbain : c’est un miroir politique. Un reflet où le citoyen peut lire l’intention de ses dirigeants. Et aujourd’hui, ce reflet s’éclaire d’une lueur nouvelle.
Par Amar Ould Yacoub dit Isselmou