04-09-2024 18:45 - Cession de la Société Générale Mauritanie : un intérêt local, mais des négociations au point mort
Le Quotidien de Nouakchott - La cession de la Société Générale Mauritanie (SGM) est un dossier épineux qui illustre les tensions récurrentes entre les intérêts des États africains et ceux des multinationales.
L’année dernière, la possible reprise de SGM par un homme d’affaires burkinabé avait suscité de vives réactions au sein du gouvernement mauritanien, qui s’était fermement opposé à cette transaction. Cette opposition s’inscrit dans un contexte plus large, où la Société Générale, déterminée à se désengager du continent africain, cherche à céder progressivement ses filiales en Afrique.
Ce n’est pas un cas isolé. Dans plusieurs autres pays africains, les tentatives de cession des filiales de la Société Générale ont également rencontré des résistances gouvernementales. Au Congo, par exemple, l’État a rejeté la reprise par le Vista Group basé au Burkina Faso, préférant le groupe bancaire gabonais BGFI Holding.
De même, au Bénin, les autorités ont pris des mesures pour reprendre la filiale locale mise en vente. Ces interventions étatiques montrent la complexité des transactions bancaires en Afrique, où les gouvernements cherchent à préserver leur souveraineté économique tout en naviguant dans les eaux tumultueuses des marchés financiers internationaux.
En Mauritanie, un nouveau rebondissement dans cette affaire a vu le jour avec l’intérêt manifesté par une banque mauritanienne de renom pour l’acquisition de SGM. Ce développement pourrait marquer un tournant significatif dans ce processus complexe.
Toutefois, les négociations entre cette banque locale et la Société Générale n’ont pas été sans difficultés. Plusieurs points de désaccord auraient émergé, notamment en ce qui concerne l’évaluation des actifs de SGM et les conditions de reprise.
Ces obstacles viennent s’ajouter à un contexte déjà tendu, où la Société Générale, désireuse de se désengager du continent africain, doit composer avec les réalités économiques et politiques locales.
La situation au Cameroun montre une autre facette des défis auxquels la Société Générale est confrontée dans ses opérations africaines. La vente de sa filiale camerounaise, où elle détient 60% des parts, a été mise en pause.
Le gouvernement camerounais, conscient de l’importance stratégique de cette filiale, aurait demandé un délai supplémentaire pour se prononcer sur l’opération et chercher un partenaire adéquat pour la mener à bien.
Cette situation, révélée par des sources proches du dossier mais qui ont requis l’anonymat en raison de la sensibilité des discussions, démontre encore une fois la prudence avec laquelle les gouvernements africains abordent les cessions d’actifs stratégiques.
Il est important de noter que la Société Générale Mauritanie occupe une place prépondérante dans le paysage bancaire du pays. Avec une part de marché significative et une importante clientèle de salariés, SGM joue un rôle clé dans le secteur financier mauritanien.
Cette position dominante rend la question de sa cession d’autant plus cruciale, non seulement pour l’acheteur potentiel mais aussi pour l’ensemble de l’économie mauritanienne. L’implication d’une banque locale dans le processus de cession pourrait rassurer les acteurs économiques et les clients de SGM, en garantissant une continuité des services et une gestion qui reste entre des mains mauritaniennes.
La filiale camerounaise de la Société Générale joue également un rôle crucial dans le paysage financier de ce pays. En 2023, elle détenait 15,3% des dépôts bancaires du Cameroun, soit 1179 milliards FCFA (1,98 milliard de dollars), ce qui la plaçait en tête des institutions financières du pays. Cette importance économique explique l’intérêt marqué du gouvernement camerounais pour le processus de cession et la recherche d’un repreneur capable de maintenir, voire d’améliorer, la performance de la banque.
Il est également intéressant de noter que plusieurs repreneurs potentiels sont déjà en lice pour acquérir cette filiale. Parmi eux, des groupes basés au Nigeria se démarquent, comme Guaranty Trust Holding, qui mobilise actuellement des fonds significatifs pour financer sa croissance en Afrique, et Zenith Bank, la plus grande banque nigériane en termes de capitalisation boursière.
En fin de compte, le cas de la Société Générale en Mauritanie, comme dans d’autres pays africains, illustre les défis auxquels sont confrontées les grandes multinationales lorsqu’elles cherchent à se désengager de marchés stratégiques.
La résistance des gouvernements locaux, soucieux de protéger leurs intérêts économiques, complique souvent ces processus, mettant en lumière les dynamiques complexes qui régissent les relations entre les États africains et les acteurs économiques internationaux.