11-10-2024 11:11 - Rentrée scolaire 2024-2025 : Quoi de neuf ?
Le Calame - Les élèves mauritaniens, toutes catégories confondues, ont repris le chemin des études le 7 Octobre. Une entrée marquée par un certain flottement et une incompréhension. En effet, des rumeurs avaient couru, il y a quelques jours, annonçant le report de la rentrée jusqu’au mois de Novembre prochain.
Des propos rapidement démentis par un communiqué du Département qui avait confirmé la date susdite. L’incompréhension réside, quant à elle, dans le fait que les écoles privées à programme français ont été obligées d’attendre le démarrage effectif des écoles mauritaniennes, alors qu’elles avaient ouvert leurs portes début Septembre, comme dans l’Hexagone.
Suite à cette décision des autorités mauritaniennes, elles ont donc dû suspendre leurs cours. Du jamais vu dans le pays ! Passées ces petites tempêtes, les parents d’élèves et leurs enfants ont mis cap sur le 7 Octobre qui correspond curieusement au 1er anniversaire de l’attaque du Hamas contre [la Sionie].
Manière de célébrer l’évènement et donc de soutenir le mouvement islamiste dont les responsables sont en train d’être éliminés par l’entité sioniste ? Ou simple coïncidence ?
L’école républicaine du président Ghazouani entame sa troisième année. Mais la rentrée scolaire n’en reste pas moins compliquée pour les parents et pour le ministère de l’Éducation englué dans des réformes à la hâte et un déficit chronique de personnel enseignant et d’encadrement. Depuis le début des années 2000, il recrute à tour de bras des contractuels pour boucher les trous. L’année scolaire qui débute ne dérogera pas à cette règle.
Un avis a été lancé dans ce cadre : les retraités du corps enseignant pourront, s’ils le veulent, reprendre la craie pour renforcer les sortants des ENI et de l’ENS.
En dépit de ce qu’on en dit, le Département n’a toujours pas résolu le problème de ce déficit et les contractuels – prestataires de service, comme on les appelle – n’arrêtent pas de se plaindre de leurs salaires et des conditions dans lesquelles ils sont amenés à travailler.
Comme d’habitude, le ministère a indiqué, dans sa communication, que tout était fin prêt pour démarrer les cours au jour J, sur toute l’étendue du territoire. Un leitmotiv hélas démenti à l’heure H chaque année précédente : seules les écoles ciblées pour recevoir la visite du président de la République ou le ministre de l’Éducation sont à peu près prêtes, contraints que sont les DREN concernés de se démener pour préparer l’accueil sur le terrain.
On y assiste comme à un carnaval relayé par les media publics, des heures, voire des semaines, durant. Mais, après les cours-modèles du jour dispensés devant les autorités, la réalité revient au galop.
Les enfants retournent à la maison ou dans les classes sans plus voir leurs enseignants. Cela peut durer des semaines ; voire plus d’un mois à l’intérieur du pays ; certains enseignants prétextant la saison des pluies pour prolonger leurs vacances...
Redéployer le personnel
Pour combler le déficit d’enseignants au Primaire et au Secondaire, le Département affiche sa volonté ferme de redéployer le surplus d’enseignants qui se baladent en divers autres ministères, établissements publics et projets. Mais la concrétisation de cette bonne volonté paraît bel et bien une quadrature du cercle, dans la mesure où la majorité de tout ce beau monde est « protégée ».
Au ministère de l’Éducation lui-même, ils sont plusieurs occupés… à ne rien faire ; certains n’ont pas exercé leur art plus de deux ans, affectés qu’ils sont en différents services, tandis qu’à l’intérieur, des classes sont regroupées, faute de maîtres.
Pour contrecarrer cette situation qui perdure, le ministère a convoqué, il y a quelques jours, l’ensemble des enseignants du Primaire et du Secondaire détachés en ses différents services : directions régionales, inspections départementales et administration centrale ; et dont l’ancienneté n’excède pas quinze ans d’activité ; pour leur annoncer la décision de les envoyer où le besoin se fera ressentir.
Le choix des lieux d’affectation est cependant limité dans les départements où ils exercent déjà , sauf pour ceux du ministère qui peuvent opter pour n’importe quelle wilaya. Le communiqué leur avait donné soixante-douze heures pour effectuer les démarches sur la plateforme bulletin.education.gov.mr.
La fermeté avec laquelle s’est exprimé le ministère laisse penser qu’il existe peut-être une volonté de faire évoluer les choses. Mais comme on le sait, il est très difficile de secouer ce mammouth qu’est le département de l’Éducation nanti d’un personnel très… volatile. Une fois la fiche budgétaire acquise, l’enseignant recruté peut facilement s’évaporer dans la nature, protégé le plus souvent par de « gros » bras.
Cette situation perdure depuis des décennies et les ministres qui sont passés dans ce département se sont tous aplatis. Seule madame Nebgouha Mint Mohamed Vall parvint à discipliner le corps enseignant avec des mesures fermes et motivantes. Mais cela n’a pas duré parce que les lobbies qui gangrènent ce département se sont ligués contre ses initiatives si propres, pourtant, à tirer vers le haut le ministère et ses réformes.
Question du jour : la nouvelle ministre et le nouveau secrétaire général disposent-ils de coudées assez franches pour réussir ce redéploiement ? Après la publication du communiqué, on imagine bien que le ministère sera envahi de certificats médicaux et autres interventions de généraux et collègues ministres. Il est donc à craindre que le naturel revienne au galop, quelques jours à peine après la rentrée.
On s’attend à une valse de notes de service renvoyant les enseignants à leur poste chéri. Les enfants des pauvres en pâtiront, comme toujours, et, avec eux, cette école républicaine et ses réformes dont la dernière a décidé, sans qu’on sache pourquoi, d’engager une phase expérimentale en vue d’introduire les langues nationales pulaar, soninké et wolof dans le système éducatif. Une manière de retarder l’officialisation de ces langues ?
La ministre de l’Éducation s’est beaucoup plus appesantie sur les objectifs de cette fameuse école républicaine dont l’ambition est de mettre tous les enfants mauritaniens dans un même système éducatif, afin de bénéficier d’une seule et unique formation. Un vœu pieux dans la mesure où beaucoup de parents nantis envoient leur progéniture dans les établissements privés.
Les ministres, les hauts responsables du pays et les hommes d’affaires scolarisent tous leurs enfants dans les filières françaises ; les démunis sont « jetés » dans les écoles publiques qui manquent d’enseignants, de personnel d’encadrement et de fournitures. Une situation récurrente que les comptes rendus de la première journée de la présente rentrée scolaire pourraient démentir ? On en reparlera la semaine prochaine…
Dalay Lam
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Encadré
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Chiffres en progression
Selon la ministre, la réforme en cours a déjà accompli des progrès significatifs : le nombre d’enseignants en classes est passé de 9 607 en 2019 à 17 222 en 2023 ; le nombre de salles de classe a augmenté de 3 698 entre Août 2019 et Août 2023 ; le département a acquis plus de 85 000 tables-bancs ; le nombre d’écoles bénéficiant de cantines scolaires a augmenté de 233 % entre 2019 et 2024 ; dans cette même période, le nombre d’élèves bénéficiant de celles-ci a augmenté de 284 %, passant de 63 025 à 242 548.
Les chiffres sont certes en progression mais le terrain raconte une tout autre réalité. Non seulement les enseignants, les tables-bancs et les manuels manquent mais plusieurs écoles de la capitale ne disposent ni clôtures, ni d’eau, ni d’électricité… L’absentéisme vient couronner le reste. Autre injustice, les écoles dites d’excellence ou pilotes ne profitent qu’aux enfants des nantis ou de ceux qui disposent de bras longs.