21-03-2025 16:03 - "Ils nous ont tabassés et dépouillés": le calvaire des migrants expulsés de Mauritanie

TV5 Monde -- La scène continue de hanter le sommeil d'Ismaïla Bangoura : cette nuit-là, alors que le jeune Guinéen et ses compatriotes sont en train de dormir, des policiers mauritaniens font irruption dans leur logement à Nouakchott et les passent à tabac, avant de les conduire manu militari au poste de police.

Ismaïla, 25 ans, venu en Mauritanie en 2024 pour gagner sa vie, est ensuite expulsé avec ses camarades au Sénégal voisin après trois jours de détention sans pouvoir manger ni avoir accès à des toilettes, raconte ce menuisier de formation.

"Ils nous ont tabassés et amenés en prison sans rien nous dire" et "pris tout ce qu'on possédait : argent, montres, téléphones", accuse Ismaïla, vêtu d'un maillot de l'équipe nationale de foot de Guinée assorti à un short noir, les "seuls habits qui lui restent".

"Ils nous ont (ensuite) menottés et nous ont mis dans des bus surchargés pour nous expulser comme des vauriens", raconte-t-il.

Le groupe d'hommes erre depuis dans les rues de Rosso dans le nord sénégalais, sans destination précise et aucune connaissance dans cette localité reculée du pays.

Depuis plusieurs semaines, la Mauritanie mène une campagne d'expulsions de migrants notamment sénégalais, maliens, ivoiriens, guinéens, suscitant de vives critiques dans la région.

"Expulsions inhumaines"

La Mauritanie, pays majoritairement désertique d'Afrique de l'Ouest, situé sur la côte atlantique, sert de point de départ à de nombreux migrants venus de tout le continent pour tenter de rejoindre l'Europe en prenant la mer.

Les expulsions de migrants sont des opérations de "routine" qui visent les personnes en situation irrégulières selon les autorités mauritaniennes qui n'ont pas donné de chiffres sur l'ampleur de ces refoulements.

Parmi les migrants interrogés par l'AFP, aucun n'a affirmé vouloir prendre la mer.

Des ONG ont dénoncé des expulsions "inhumaines" et le gouvernement sénégalais s'est dit "indigné" des traitements subis par ses ressortissants.

Les expulsions sont "faites dans le respect des conventions internationales", a justifié mercredi devant la presse le ministre mauritanien de l'Intérieur, Mohamed Ahmed Ould Mohamed Lemine.

Selon le gouvernement les migrants sont refoulés vers les postes frontières par lesquels ils sont entrés dans le pays.

A quelques mètres du poste-frontière de Rosso, une trentaine de migrants, en majorité des Guinéens dont des femmes et des enfants, squattent un étroit bâtiment délabré et jonché d'ordures, chacun essayant de se constituer son petit espace.

"Pour avoir une place où dormir la nuit il faut vite s'installer", raconte Abibou. Pour le reste ? "Ils vont dormir dans la rue", assure-t-il.

Les plus chanceux atterrissent dans les locaux de la Croix-Rouge où ils sont pris en charge. Mais selon le président du comité local de l'organisation à Rosso, Mbaye Diop, l'affluence de migrants ces derniers jours est telle qu'ils n'ont plus de place pour tous les accueillir.

"Ceux qui viennent ici arrivent généralement très fatigués. Ils ont faim et ont besoin de prendre une douche, mais aussi d'une assistance psychologique pour certains", raconte M. Diop.

En cet après-midi, certains migrants, allongés sur de vieilles nattes, essaient de s'assoupir, malgré le bruit et le va-et-vient de leurs camarades de fortune. D'autres restent blottis dans leur coin, le regard perdu.

Au bord du fleuve Sénégal

"On a faim. On n'a rien mangé depuis ce matin", se plaignent quelques-uns, tandis que d'autres s'agitent, disant vouloir rentrer chez eux.

Au milieu de la cohue, Ramatoulaye Camara tente de bercer son enfant. Expulsée début mars, la jeune femme affirme avoir subi des violences des gardes mauritaniens, malgré sa grossesse avancée.

Comme beaucoup de migrants, elle raconte avoir été frappée, emprisonnée et s'être fait dépouiller de tous ses bagages. "On a beaucoup souffert", dit-elle, sous les pleurs de son enfant.

Dans une combinaison de travail gris-jaune et des chaussures de sécurité, Idrissa Camara, 33 ans, travaillait à Nouakchott depuis 2018 comme menuisier. Le 16 mars, il a été interpellé et refoulé, alors qu'il était en plein travail. Depuis, il traine avec la même tenue, la seule possession qui lui reste.

"Elle était tellement sale et puante ces derniers jours, j'ai été obligé d'aller la laver dans le fleuve. J'ai dû rester à côté en caleçon le temps que ça sèche", dit-il.

Marié et père de deux enfants, Idrissa dit cacher son expulsion à sa famille pour ne pas les "traumatiser".

"Tout ce que je veux, c'est travailler et subvenir aux besoins de ma famille. Je n'ai fait de mal à personne", dit-il, assurant qu'il veut retourner à ses activités à Nouakchott.

AFP











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