10-07-2025 19:30 - M. Ahmed khattri, président de l’Ong El Afiah Mownka : ‘’Le dialogue politique, lorsqu’il est sincère et bien préparé, est un outil puissant pour consolider la démocratie’’

Le Calame -- Vous venez de créer une ONG dénommée El Afiah Mownka. Dites d’abord ce que recouvre cette appellation et ensuite quels sont ses objectifs ?
Ahmed Khattri : L’appellation "El Afiah Mownka" est une expression populaire mauritanienne qui peut se traduire par "la paix soit sur vous tous", ou plus profondément "que le bien-être, la sécurité et la stabilité vous accompagnent collectivement". Ce n’est pas une simple salutation, c’est une philosophie : celle de promouvoir un vivre-ensemble apaisé, juste et équilibré.
Notre ONG a pour objectif principal de préserver et renforcer la paix sociale, en luttant contre les discours de haine, les discriminations, les exclusions et toutes les formes d’extrémisme. Elle œuvre également à réconcilier les citoyens avec les valeurs du droit, de la justice et du respect mutuel. Nous voulons bâtir un cadre d’éveil, d’alerte et de dialogue permanent autour de la stabilité nationale.
-La Mauritanie compte des centaines pour ne pas dire des milliers d’ONG. Que peut apporter de différent votre ONG ?
-C’est une question légitime. Ce qui distingue El Afiah Mownka, c’est son approche transversale, inclusive et proactive.
Nous ne sommes ni une ONG communautaire, ni une structure de plaidoyer ponctuel. Nous nous positionnons comme une conscience civile nationale. Nos actions sont dirigées vers tous les segments de la société : gouvernants, chefs traditionnels, jeunes, femmes, religieux, citoyens ordinaires…
Notre spécificité, c’est d’assumer un rôle d’alerte, de pédagogie et de proposition dans des domaines souvent délaissés comme la prévention des crises, la lutte contre l’injustice silencieuse, ou encore la réhabilitation du discours civique et unificateur.
-Votre organisation est née au moment où les acteurs politiques sont focalisés sur les préparatifs d’un dialogue convoqué par le président de la République. Que pensez-vous de cette initiative ?
-Nous saluons cette initiative. Le dialogue politique, lorsqu’il est sincère et bien préparé, est un outil puissant pour consolider la démocratie, apaiser les tensions et construire des compromis durables.
En tant qu’acteurs de la société civile, nous sommes convaincus que ce dialogue ne doit pas seulement concerner les partis politiques, mais s’ouvrir aux forces vives : ONG, intellectuels, chefferies traditionnelles, syndicats, etc. Notre souhait est qu’il débouche sur des réformes concrètes et partagées.
-Dans le cadre des préparatifs de ce dialogue, le coordonnateur national Moussa Fall a rendu publique une feuille de route. En avez-vous pris connaissance ? Que pensez-vous du contenu et de la démarche ?
-Oui, nous avons pris connaissance de cette feuille de route. Nous apprécions la clarté méthodologique et le souci d’inclusivité qu’elle reflète. C’est une démarche structurée qui cherche à fédérer au-delà des clivages classiques.
Cependant, notre position est que l’efficacité de cette feuille de route dépendra de la qualité de l’écoute des différentes sensibilités nationales, et de la volonté d’aboutir à des engagements concrets et applicables. Ce n’est pas seulement une question de méthode, c’est aussi une question de confiance.
-Parmi les thématiques proposées par les acteurs politiques et les personnes ressources, quelles sont celles qui vous paraissent plus pertinentes et urgentes à régler ?
-Plusieurs thématiques nous semblent cruciales, mais cinq axes nous paraissent prioritaires :
-La consolidation de l’unité nationale et la lutte contre les discours clivants ;
-La réforme de la justice pour qu’elle devienne un vrai levier d’équité et de confiance sociale ;
-L’accès équitable aux opportunités économiques, notamment pour les jeunes et les femmes ;
-La refonte du système éducatif, garant d’un avenir partagé ;
-Le renforcement du rôle des médias pour qu’ils deviennent des acteurs de paix et de cohésion, et non de polarisation.
-Que pourrait apporter votre ONG comme contribution pour la réussite du prochain dialogue ?
-Notre ONG est prête à mettre en place des plateformes d’écoute citoyenne dans les quartiers, les villages, et auprès des groupes souvent invisibilisés. Nous pouvons également produire des rapports de terrain, organiser des débats locaux, et fournir des propositions concrètes issues de la base.
Par ailleurs, nous sommes disposés à offrir nos services de médiation sociale, à travers nos réseaux communautaires et nos outils de sensibilisation. Enfin, nous souhaitons veiller à ce que les recommandations issues du dialogue soient suivies d’effets, et ne restent pas lettres mortes.
Propos recueillis par Dalay Lam