01-08-2025 15:10 - Nouadhibou face à une crise silencieuse : alerte sur une catastrophe écologique majeure

Shems Maarif -- La ville portuaire de Nouadhibou, longtemps considérée comme la locomotive économique du nord mauritanien, est aujourd’hui au cœur d’une crise environnementale et économique d’une ampleur inédite. C’est ce que révèle une enquête du journal français Le Monde, parue le 31 juillet 2025, qui alerte sur le risque d’un effondrement durable de l’un des secteurs clés de l’économie nationale : la pêche.
Dans ce reportage fouillé mené depuis les quais de la capitale économique, Le Monde décrit une activité toujours aussi intense, entre chalutiers industriels, pirogues artisanales et ateliers de transformation.
Mais derrière cette apparente vitalité se cache un déséquilibre profond : la surexploitation de la ressource halieutique, nourrie par une industrie florissante de production de farine et d’huile de poisson — localement appelée moKa — a vidé la mer de ses poissons.
Selon le journal, jusqu’à 95 % du poisson pêché en Mauritanie jusqu’en 2021 était destiné à l’industrie de la moKa, exportée massivement vers les marchés européens et asiatiques, où elle est utilisée pour l’alimentation du bétail et des poissons d’élevage.
Pourtant, les autorités mauritaniennes avaient instauré une règle imposant que 20 % du poisson soit réservé à la consommation humaine locale. Une mesure largement contournée, déplore le quotidien.
Produire une tonne de farine de poisson nécessite plus de quatre tonnes de petits poissons pélagiques (comme les sardines et les maquereaux), ce qui, à force de prélèvements intensifs, a provoqué un effondrement inquiétant des stocks.
Des usines ferment, les exportations chutent. Le Monde cite l’exemple d’un important producteur de Nouadhibou, dont les exportations sont passées de 13 000 tonnes en 2020 à moins de 6 000 tonnes en 2024.
L’impact de cette surexploitation ne se limite pas à la Mauritanie. Selon Le Monde, des organisations comme la FAO et Greenpeace redoutent des conséquences régionales sur la sécurité alimentaire, notamment en Afrique de l’Ouest, où des millions de personnes dépendent du poisson comme source principale de protéines.
Autre signe inquiétant : les navires qui fréquentaient autrefois les eaux de Nouadhibou se déplacent désormais vers les côtes voisines, notamment en Gambie et en Guinée-Bissau, dans une sorte de fuite en avant des opérateurs industriels.
Dans la ville elle-même, le constat est amer. “Nous avons perdu la mer de nos propres mains”, confient certains habitants à Le Monde. Pour Abbas Bougourbal, homme d’affaires cité dans l’enquête, « il faudra de longues années pour surmonter cette double crise – écologique et économique – si toutefois cela est encore possible ».
Nouadhibou, qui fut jadis le symbole d’une Mauritanie ouverte sur le monde et riche de son potentiel maritime, semble désormais glisser vers un modèle d’épuisement des ressources, conséquence d’un développement mal encadré et trop dépendant des marchés étrangers.