09-08-2025 22:30 - Crise sécuritaire et institutionnelle en Mauritanie : L’urgence d’une réponse d’État

Crise sécuritaire et institutionnelle en Mauritanie : L’urgence d’une réponse d’État

Le Calame -- La Mauritanie traverse aujourd’hui une double crise – sécuritaire et institutionnelle – d’une gravité inquiétante. D’un côté, la société est confrontée à des plans criminels d’une rare violence, ciblant délibérément ses franges les plus vulnérables ; de l’autre, les institutions, et en particulier le Parlement, sont minées par des pratiques qui sapent leur légitimité et aggravent les fractures sociales.

Une affaire glaçante révélatrice d’un malaise profond

Les récentes révélations de Mohamed Mboud, dont les aveux ont sidéré l’opinion publique, ont mis au jour un système criminel organisé.

Se présentant comme un simple exécutant agissant sous la menace et la pression d’ordres supérieurs, il aurait participé à des actes d’une brutalité inouïe : il se faisait passer pour chauffeur de taxi, piégeait des victimes – en majorité issues de la communauté beïdane, tout en rappelant que certains Haratines "blancs" partagent les mêmes traits visibles – puis les livrait à un réseau complice pour séquestration, tortures et imputations mensongères.

Ces actes barbares, s’ils étaient avérés, constitueraient non seulement des crimes d’une exceptionnelle gravité, mais aussi un symptôme alarmant d’une société où certaines lignes rouges morales et humaines sont désormais franchies avec une inquiétante facilité.

Reste à savoir si les autorités judiciaires auront le courage et l’indépendance nécessaires pour traiter ce dossier avec le sérieux qu’il mérite. L’histoire récente nous a malheureusement habitués à voir des affaires étouffées, les victimes abandonnées, et l’impunité triompher. Le pays ne peut se permettre un tel scénario à nouveau.

Parlement discrédité : entre compromission morale et dérive ethnique

En parallèle, une crise institutionnelle majeure mine la crédibilité du Parlement. Des accusations récurrentes font état de trafic d’influence, d’enrichissement personnel et d’un usage frauduleux de l’humanitaire à des fins personnelles : détournement de fonds internationaux, exploitation de causes nobles pour obtenir des visas vers l’Europe ou les États-Unis au bénéfice de proches.

Plus grave encore, certains élus se livreraient à des discours ouvertement racistes, ciblant systématiquement des personnalités politiques beïdanes par des propos haineux, injurieux et vulgaires.

Cette rhétorique délétère agit comme un catalyseur de violences intercommunautaires : agressions au couteau, viols, campagnes de harcèlement. Des jeunes, parfois sans maturité ni recul, sont embrigadés dans cette spirale de haine, manipulés dans un projet qui vise à fracturer la société mauritanienne de manière durable.

Le silence de l’État : une abdication inquiétante

Face à ces dérives, l’inaction de l’État devient problématique. Tolérer de telles pratiques revient non seulement à trahir les valeurs de justice et de cohésion nationale, mais aussi à détourner l’attention des véritables défis structurels : éducation, emploi, réforme de la justice, gouvernance.

Pire encore, ce silence officiel pourrait être interprété comme un feu vert donné à l’extrémisme, à la manipulation ethnique et à la criminalité organisée, ouvrant la voie à une déstabilisation progressive de l’État-nation.

Un tournant géopolitique qui exige lucidité et courage

Ce qui rend la situation encore plus préoccupante, c’est que la conjoncture régionale et internationale est en pleine mutation. Certains pays arabes ont désormais noué des alliances stratégiques avec Israël qui vont bien au-delà de la coopération traditionnelle, transformant les équilibres diplomatiques. La sous-région sahélo-saharienne, perçue comme un enjeu géopolitique majeur, est soumise à de fortes pressions extérieures.

Dans ce contexte, nos dirigeants ont la responsabilité historique de sortir du confort du silence, d’affronter les défis internes avec lucidité et courage, et d’assumer un leadership fondé sur l’unité nationale, la justice et la vérité. La confiance des citoyens ne se restaurera que par des actes forts et sincères.

En conclusion

La Mauritanie est à la croisée des chemins. Les crises sécuritaire et institutionnelle qui s’entrecroisent aujourd’hui appellent une réponse étatique globale, rapide et déterminée. Il s’agit de démanteler sans complaisance les réseaux criminels, de protéger les victimes, mais aussi de moraliser la vie publique et de refonder les institutions sur des bases éthiques et républicaines.

La crédibilité de l’État se mesure à sa capacité à se montrer à la hauteur de ce double défi. L’histoire ne pardonnera pas à ceux qui, par calcul ou par lâcheté, auront laissé les divisions, la corruption et la violence menacer le vivre-ensemble mauritanien.

Eleya Mohamed



Les articles, commentaires et propos sont la propriété de leur(s) auteur(s) et n'engagent que leur avis, opinion et responsabilité


Commentaires : 4
Lus : 3330

Postez un commentaire

Charte des commentaires

A lire avant de commenter! Quelques dispositions pour rendre les débats passionnants sur Cridem :

Commentez pour enrichir : Le but des commentaires est d'instaurer des échanges enrichissants à partir des articles publiés sur Cridem.

Respectez vos interlocuteurs : Pour assurer des débats de qualité, un maître-mot: le respect des participants. Donnez à chacun le droit d'être en désaccord avec vous. Appuyez vos réponses sur des faits et des arguments, non sur des invectives.

Contenus illicites : Le contenu des commentaires ne doit pas contrevenir aux lois et réglementations en vigueur. Sont notamment illicites les propos racistes ou antisémites, diffamatoires ou injurieux, divulguant des informations relatives à la vie privée d'une personne, utilisant des oeuvres protégées par les droits d'auteur (textes, photos, vidéos...).

Cridem se réserve le droit de ne pas valider tout commentaire susceptible de contrevenir à la loi, ainsi que tout commentaire hors-sujet, promotionnel ou grossier. Merci pour votre participation à Cridem!

Les commentaires et propos sont la propriété de leur(s) auteur(s) et n'engagent que leur avis, opinion et responsabilité.

Identification

Pour poster un commentaire il faut être membre .

Si vous avez déjà un accès membre .
Veuillez vous identifier sur la page d'accueil en haut à droite dans la partie IDENTIFICATION ou bien Cliquez ICI .

Vous n'êtes pas membre . Vous pouvez vous enregistrer gratuitement en Cliquant ICI .

En étant membre vous accèderez à TOUS les espaces de CRIDEM sans aucune restriction .

Commentaires (4)

  • ahznar (H) 10/08/2025 14:47 X

    Tavarich Eleya !Nous sommes nombreux « à faire semblant d’être ce qu’on n’est pas, à vouloir ce qu’on ne devrait pas vouloir ». À chacun de s’assumer devant son miroir. Dissertant sur la mécanique du pouvoir je vous rappelle que l’écrivain et homme politique Edouard Balladur s’interroge : « Pourquoi souhaiter le pouvoir si sa conquête, son exercice requièrent des moyens que la morale réprouve ? Pourquoi baigner sa vie durant dans un univers où il est tant d’hommes avides, uniquement occupés d’eux-mêmes, prêts à toutes les compromissions ? Notre gouvernement et ses ministeres et autres en sont helas aujourd´hui les modèles les plus accomplis, même si nous savons combien les causes, les raisons, les secrets, les ruses, les calculs, la duperie, les suspicions, les susceptibilités culturelles et tribales, les motivations, l’orgueil, l’ambition, les malaises et les complexes de toute nature, les incompatibilités d’humeur, les manipulations, combien autant d’indicateurs et de variables complexes combinés, peuvent conduire à l’acte irréparable. Toutefois, rien de tout cela ne devrait justifier une aussi terrible atteinte au respect de la démocratie et du socle du vivre ensemble que notre pays a toujours garde en heritage ! Votre dernier paragraphe explique tout et en terme de patriotisme vous indiquer que le soleil se leve à l'est ! Spassiba bolchoya tavarich !

  • Opinionpublic (H) 10/08/2025 00:34 X

    Monsieur Eleya, l'État, en tant qu'entité et personne morale, semble fragilisé dans notre contexte actuel. Je constate que nous évoluons collectivement dans un environnement à risque où les individus évitent de s'affirmer comme simples citoyens, préférant s'identifier à leur tribu ou région d'origine. Ce laisser-aller généralisé compromet sérieusement le fonctionnement de l'administration publique et érode les valeurs morales fondamentales de l'État. La situation actuelle dans notre pays représente un danger réel qu'il convient de ne pas sous-estimer.

  • Opinionpublic (H) 10/08/2025 00:34 X

    Monsieur, vous pourriez penser que je m'écarte du sujet principal, mais je souhaite simplement exprimer que DIEU existe éternellement et qu'il rendra justice, même progressivement et dans tous les aspects de la vie, contre ceux qui ont perpétré cette malhonnêteté complète, cette infamie qui ne correspond à aucune doctrine. D'ailleurs, les familles de ces personnes subissent aujourd'hui de lourdes conséquences.

  • Opinionpublic (H) 10/08/2025 00:34 X

    Monsieur Eleya, je ne fais pas référence à l'Assemblée Nationale, qui est l'une des institutions les plus respectées mais elle ne défend pas le peuple contre les politiques dangereuses des gouvernants. Tous les problèmes de l'État proviennent de personnes qui ont pris en charge des postes importants sans avoir le niveau intellectuel nécessaire pour bien gérer la Mauritanie. Notre pays croule sous le poids des violations des lois et de l’état, du mensonge, du vol et des détournements de toutes sortes. Les lois protègent de façon alarmante les voleurs et les menteurs. Plus personne ne nous fait confiance et, à l'international, le Mauritanien est devenu un contre-exemple.