07-09-2025 16:11 - En Mauritanie, la pêche artisanale face au défi énergétique et au virage du renouvelable

AGENCE ECOFIN - La pêche emploie une part non-négligeable de la population active en Mauritanie, mais le poids stratégique du secteur contraste avec ses contraintes énergétiques. Sa dépendance aux carburants fossiles est aujourd’hui préoccupante d’un point de vue économique.
En Mauritanie, la pêche artisanale qui représente selon l’IRENA (Agence internationale pour les énergies renouvelables) 80% de la valeur ajoutée et de l’emploi du secteur halieutique, fait face au dilemme de l’énergie.
Alors qu’en 2023, le secteur dans sa globalité pourvoyait 66 000 emplois directs et 300 000 indirects tout en générant près de 20% des recettes d’exportation du pays, les marges des pêcheurs artisanaux et des acteurs de la transformation restent menacées par la dépendance aux énergies fossiles. Les coûts énergétiques atteignent en effet jusqu’à 40% des dépenses, ce qui fragilise leur compétitivité.
Selon l’Agence, 95% des grandes unités (usines de transformation, entrepôts, chambres froides, etc.) et 96% des petits acteurs (pêcheurs, mareyeurs) identifient l’énergie comme contrainte majeure. Les moteurs hors-bord de 15 chevaux consomment à eux seuls 30 litres d’essence par sortie, un poste représentant 34% du coût total d’une mission de pêche. À l’autre extrémité de la chaîne, l’absence de solutions de froid fiables engendre des pertes post-capture importantes.
Pour y faire face, le rapport « Decentralised renewable energy for artisanal fisheries in Mauritania » récemment publié par l’IRENA propose des solutions décentralisées : panneaux solaires raccordés au réseau pour les usines, chambres froides et glacières solaires pour la conservation, moteurs électriques alimentés par batteries pour les pirogues. Le rapport souligne la viabilité financière de ces options, avec des taux de rentabilité internes allant de 12% à 24% selon les segments, et un point d’équilibre moyen de huit ans pour les installations solaires dans les usines.
Les bénéfices environnementaux sont tout aussi significatifs : près de 96 200 tonnes de CO₂ évitées par an, dont plus de 80% grâce à l’électrification des moteurs. Mais la faisabilité de cette transition repose sur un maillon fragile : le financement.
Près de 90% des mareyeurs et 75% des pêcheurs peinent à accéder au crédit pour s’équiper, faute de mécanismes adaptés et de taux abordables. Si un fonds revolving de 12 millions d’euros soutenu par la KfW offre désormais des prêts à 6% sur sept ans, le besoin reste largement supérieur aux capacités actuelles de la microfinance.
Pour l’IRENA, la réponse doit combiner incitations fiscales, normalisation des matériels, et surtout intégration du renouvelable dans une stratégie nationale d’usages productifs. À défaut, le risque est de voir ce secteur clé pour l’économie et la sécurité alimentaire du pays continuer à subir le poids croissant des énergies fossiles.
Abdoullah Diop