09-09-2025 14:16 - Mawlid à Saarandoogou : Quand la spiritualité rime avec l’hospitalité légendaire du Fouta / Par Mohamed Fall Sidatt

Mohamed Sidatt -- Il est des voyages qui séduisent par les plaisirs matériels qu'ils offrent – beauté des paysages, richesses gastronomiques... D’autres, plus rares, qui marquent l'âme pour toujours.
C'est cette expérience, profondément humaine et spirituelle, que j'ai vécue à Saarandoogou, près de Boghé, à l'occasion de la célébration du Mawlid, la Naissance du Prophète (PSL). Un événement où la ferveur religieuse s'est entrelacée avec une hospitalité devenue légendaire.
Dès l’arrivée dans ce village du Fouta, le ton est donné : l’effacement des frontières sociales est total. Pendant plusieurs jours, Saarandoogou vit au rythme d’une fraternité sincère et palpable. Des visiteurs affluent de partout : de Zouerate, de Nouadhibou, de Kiffa, mais aussi d’Europe et d’Amérique.
Ici, riches ou modestes, hauts fonctionnaires ou simples villageois, tous se confondent dans une même ferveur. Les statuts s’évaporent, laissant place à une piété pure et sans artifice. Chaque instant devient un prétexte à l’échange : retrouvailles chaleureuses, sourires, bénédictions et prières communes—pour soi, pour les autres, pour la nation.
L’étranger que j’étais s’y est senti véritablement roi : honoré, visité et remercié, alors même que j’étais le principal bénéficiaire de cette hospitalité hors du commun, signature immuable du Fouta.
Cette convivialité trouve son point d’orgue autour des repas, préparés collectivement. Des plats généreusement garnis, un thé à la menthe servi avec art et des boissons circulent sans cesse, portés par une générosité sans limites. Des volontaires des villages alentours illustrent, dans une bonne humeur communicative, une chaîne de solidarité exemplaire et spontanée.
La célébration est aussi une leçon de vie pour les plus jeunes. Cœurs vibrants de la fête, les enfants y découvrent la vie en communauté, partagent jeux et rires, et s’imprègnent naturellement des valeurs de fraternité et de spiritualité qui font l’âme du village.
Vient ensuite la nuit du Mawlid, où nul ne dort. Les prières, les invocations et les chants poétiques en l’honneur du Prophète (PSL), les « Qassaïd », montent dans la nuit étoilée et se prolongent jusqu’à l’aube. C’est une ferveur collective qui élève les âmes et soude les cœurs dans une même foi, créant une harmonie envoûtante et inoubliable.
Au-delà de sa dimension religieuse, cet événement est une expérience humaine sans égale et un puissant rappel à l’essentiel. Il souligne l’impérieuse nécessité de préserver nos valeurs communes de partage et de fraternité.
Dans un contexte régional où les menaces extrémistes planent, cet esprit de solidarité et de spiritualité ouvertre agit comme une digue protectrice. Hier, il a préservé nos communautés contre l’influence coloniale ; aujourd’hui, il constitue sans aucun doute un antidote puissant contre les rhétoriques de division et de haine.
La légende chantait déjà l’hospitalité du Fouta et son esprit de piété sans égal. J’en ai désormais la certitude intime. À mon ami et frère qui m’a invité, je dis merci.
Mes remerciements vont aussi à tous ceux rencontrés sur place, et particulièrement au chef du village, incarnation vivante d’un leadership humble et sage que Cheikh Sidya El Kébir résumait ainsi : « Je n’ai été mis en haut que lorsque j’ai mis tout le monde plus haut. »
Aux habitants de Saarandoogou, un grand et sincère merci. Et rendez-vous est pris, incha’Allah, pour l’an prochain.