24-05-2011 17:25 - Maimouna Alpha Sy : Pourquoi ils ont été tués ? Qu’est ce qu’ils ont fait ?

Sur instruction du président de la République « l'Etat lancera, dans les jours à venir, une opération visant à localiser les tombes des Mauritaniens décédés dans des circonstances ambiguës. » Il s’agit, comme annoncé par le ministre chargé des affaires islamiques « d’élaborer un plan topographique permettant de localiser et de marquer les tombes de tous les disparus mauritaniens depuis l'indépendance jusqu'à nos jours.»
L’objectif, toujours selon le ministre chargé des affaires islamiques est de « consolider les liens d'union, d'entente et de solidarité entre toutes les franges du peuple mauritanien et permettre aux parents des défunts de visiter leurs tombes qui seront désormais connues et clairement marquées.»
Les victimes des événements de 1989 et d’autres périodes de violations massives des droits de l’Homme se prépare à répondre à cette initiative. CRIDEM a recueillis pour ses lecteur une série de réactions de ces victimes et des ONG de défenses des droits de l’Homme.
La première réaction est celle de Maimouna Alpha SY, secrétaire général du collectif des veuves des militaires disparus. Elle est la veuve de Baidy Alassane Ba, contrôleur des douanes, exécuté à Nouadhibou en 1990. Suivront les réactions de Me Diabira Maroufa, président du GERDDES, Lalla Aicha Sy, présidente du comité de solidarité avec les victimes des violations des droits humains.
CRIDEM : Le Président de la république a pris la décision d’identifier les tombes de toutes les personnes disparues dans des « conditions ambiguës » de 1960) nos jours. Que représente cette décision pour vous ?
Pour le collectif des veuves dont je suis la secrétaire générale, c’est une bonne initiative. C’est une décision qui a toujours fait partie de nos revendications. Les autorités avaient toujours refusé. Donc, nous ne pouvons que nous en réjouir. Ensuite si la décision concerne toutes les victimes des manquements aux droits humains, en tant que militante des droits de l’homme, je m’en félicite.
Concernant le passif humanitaire qui nous concerne nous les veuves des militaires disparus, je pense qu’il y a au préalable un processus à suivre. Ce processus comportera des étapes : une commission indépendante qui sera composée des représentants des victimes, des ONG des droits de l’homme qui ont toujours pris en charge ce problème, du commissariat aux droits de l’homme de nations Unies, des personnes réputées sage et honnêtes et de l’Etat mauritanien. Une fois cette commission mise en place, suivront les devoir de vérité, de justice, de mémoire dont on parle actuellement et de réparation.
C’est en ce moment seulement que l’on pourra effectivement parler de réconciliation nationale, d’unité nationale. Tant qu’il n y a pas ces étapes avec l’association des victimes, on aboutira a des demis solutions. Une fois ces étapes franchis le pardon suivra. Le pardon des victimes car personne ne peut le faire à notre place.
Etablir la vérité sur les faits est une étape incontournable. Pourquoi les gens ont été tués, qu’est ce qu’ils ont fait. Et les criminels qui se promènent ? Nous les connaissons, nous les rencontrons. Nous voulons qu’ils soient jugés. On ne demande pas que des têtes soient coupées. Nous voulons la justice pour que ça ne se reproduisent plus.
CRIDEM : Par rapport à cette recherche de tombe au niveau du collectif des veuves, beaucoup d’entre vous ne savent pas ou leurs maris ont été enterrés. Le fait que l’on vous ouvre cette possibilité de savoir, quel sentiment ça a suscite chez vous ?
Effectivement, je fais partie de ces veuves. Mon mari a été tué à la brigade de gendarmerie de Cansado à Nouadhibou en novembre 1990. Je ne peux pas dire ou il a été enterré. D’ailleurs est ce qu’il a été enterré ? Je me pose la question depuis plus de vingt ans. Donc si l’on arrive a identifier les tombe, chaque veuves reconnaitra la tombe de son mari. Et, nos consciences seront un peu tranquilles. On pourra faire notre deuil en tant que musulmanes comme il faut.
CRIDEM : Depuis que l’initiative a été annoncée, est ce que vous avez rencontré un responsable de l’Etat pour en discuter ?
Jusqu’au moment où je vous parle, nous n’avons rencontré personne. Aucun représentant de l’Etat n’a pris contact avec nous. C’est a travers les médias que nous avons appris que le président de la République à pris cette mesure.
Propos recueillis par Khalilou Diagana
Pour CRIDEM