27-08-2012 23:46 - Ce dont on a besoin…

Ce dont on a besoin…

Le texte que vous trouverez à la fin de cet écrit, m’a poussé à réfléchir … Comme beaucoup, je me suis souvent posé la question ; Et si c’était à refaire ? Mais refaire quoi et à partir de quand ? De ma venue en Mauritanie ? De mon séjour en Tunisie ? De plus tôt ? Enfance et adolescence ?

Jeune, je me considérais comme une victime… Opprimée, bridée, téléguidée par une famille très envahissante, une mère omniprésente, une « toute puissance » que personne n’osait contester. Chaque tentative de décision personnelle en dehors du canevas tissée par Madame Mère était à bannir de mes pensées sur le champ.

J’écris « mes pensées » et non « nos pensées » car en tant que « petite dernière »j’étais soumise à un contrôle tout à fait exceptionnel… Ce fut épargné à mes aînés. Ma mère n’ayant pu les annexer concentra sur moi tous ses efforts … Je devais être celle qui formée comme une figure d’argile, ne la quitterait jamais… Me marier, avoir des enfants ? Pour elle un cauchemar !

Le contact avec ma fratrie ne fut pas facile… Trop grande, (1m73 à 10 ans) je devais vivre selon l’âge que je paraissais et non celui que j’avais… Entre les deux il y avait environ 5 ans d’écart… Être une enfant m’était interdit… Voyons une grande fille comme toi ne fait pas, ne dit pas cela… Sois raisonnable… L’insouciance de l’enfance ? Inconnue !

Je rêvais d’étudier le droit, de devenir avocate ou magistrate… Juge pour enfant ! C’était mon but… Pas question, j’étais douée pour la musique donc… Apprends à lire tes notes et fais tes gammes … Les sorties avec les camarades de classe ? Impossible, sois raisonnable, tu n’as pas le temps… Va au piano… Et surtout saches que tu ne seras jamais jolie comme ta sœur, Elle a sept ans de plus que toi mais jamais tu n’auras son charme et son rayonnement…

A propos, comment était ma sœur à mon âge ? Je ne me souviens pas, j’avais 3 ans à l’époque… Ah, c’est sans importance, elle est ce qu’elle est, admirée de tous… Pourquoi vouloir atteindre l’inaccessible… Allez, va faire tes exercices… Enfance malheureuse ? Je peux répondre par un non catégorique, car Dieu m’avait donné une opportunité sans équivalent… Le don d’observer ! Déjà enfant je savais que la beauté est éphémère … Ce ne pouvait pas être l’essentiel et surtout il m’a donné la volonté de transformer un « handicap » en « chance » !

Un jour, ma mère ayant remarqué que la préférence pour ma sœur tournait à l’irraisonnable voulut me consoler, je lui demandais de ne pas se donner cette peine, que ma sœur était beaucoup plus séduisante que moi mais qu’avec un cerveau bien rempli, je m’imposerai…

A partir de ce jour je cherchais auprès de mes professeurs de judicieux conseils… Que devais-je savoir ? Observer ? Au cours des années je dévorais des montagnes de livres, mon père m’emmena à des conférences, des colloques de tous genres. Un voisin, fonctionnaire à la préfecture de police, responsable de la sécurité pour toutes les salles de spectacle, me proposa de l’accompagner à toutes les manifestations culturelles de Paris. Cet homme étant très respectable mes parents m’autorisèrent à accepter l’offre…

Que dans un souci d’équité il proposa d’emmener ma sœur ne me dérangea pas le moins du monde… J’étais devenue assez forte pour supporter la comparaison ! J’avais un but … Elle n’en n’avait pas… Entre temps j’avais moi aussi 17 ans mais n’avais pas pris le temps de me regarder dans un miroir…

Ma formation musicale réclamait des connaissances dans les autres arts, peinture, danse, théâtre… Je pus côtoyer les plus grands… Même dans les variétés… Grâce à ce voisin je vécus les spectacles d’Edith Piaf, Charles Aznavour, Jacques Brel et bien d’autres… Ella Fitzgerald ou Louis Armstrong ainsi que Ray Charles… En sa compagnie je pus rencontrer des gens très érudits et eus l’honneur de pouvoir m’entretenir avec eux…

Je vis, ma sœur être tout à coup la « laissée pour compte » La récolte des premiers fruits de mes efforts ? Je n’en éprouvais pas de joie… Jean Jacques, un artiste plasticien rencontré au cours d’une exposition, s’étant lié d’amitié avec moi, amitié sincère et assez silencieuse, il venait à la maison et peignait pendant que je jouais du piano …

Tu es belle tu sais… me dit il un jour, Incrédule je répondis : Ma sœur est belle… Cela le fit rire : On ne peut pas comparer dit il… Ta sœur est jolie, tu es belle ce n’est pas la même chose… Où est la subtile différence ? La « joliesse » a quelque chose de fragile, qui passe, la beauté est une valeur sûre, les traits du visage donnent l’image de l’âme… N’importe quelle femme peut être jolie, quelques unes seulement sont belles…

Je ne m’attardais pas sur ce commentaire très élogieux … D’autres choses je le savais étaient plus importantes… Me forger une carapace qui permettrait à mon âme de ne plus être blessée. Ne surtout pas laisser voir ce qui me faisait souffrir, personne ne devait pouvoir prendre possession de mes pensées, de mes espoirs, de mes désirs et encore moins de mes amours. Je devins très renfermée vis-à-vis de la majorité de mes congénères, n’avais comme confidents que mes animaux, les arbres de mon jardin et mes écrits que je m’empressais de détruire avant que des regards indiscrets n’en prennent connaissance.

Je m’affiliais à différentes organisations, partis politiques et autres associations sans oublier les engagements caritatifs… Pour faire connaissance de différents sujets et apprendre tout ce que je pouvais… Lorsque j’estimais ne plus rien découvrir de nouveau, je quittais sans faire d’adieux ! Je réussis même malgré la tyrannie grandissante de ma mère à me préserver certaines libertés… Qu’elle finit par accepter disant elle-même que « ni Dieu ni le diable ne pouvait m’empêcher de poursuivre mon but »… Bien sur je dus lui faire beaucoup de concessions et ayant promis à mon père de ne jamais la laisser seule je veillais sur elle jusqu'à son dernier souffle… Elle mourut à 95 ans … J’en avais 54… Je disais encore toujours ; Quand je serais grande je ferais…

Le soir de sa mort, après lui avoir fermé les yeux, je quittais l’hôpital, rentrais chez moi, enfilai ma tenue de travail et partis prendre mon service à 23 heures comme toujours dans la maison de retraite ou j’étais en poste depuis un an… Mes collègues effarées ne savaient comment se comporter, elles pensèrent que j’étais fidèle à moi-même : Ne pas montrer d’émotion, ne pas pleurer, vivre comme si de rien n’était !

Sans sa main de fer je me sentais très seule et souffrais de ne pouvoir éprouver de deuil… Je devais avant tout apprendre à ne plus lutter constamment, a décider de moi-même… Je faisais la connaissance d’une certaine « démocratie » qui était parfois gênante car je ne pouvais plus affirmer : ma mère ne me laisse pas faire, je ne peux pas laisser ma mère seule etc. Je vécus comme toujours, peu communicative, renfermée, pour certains insaisissable… Une amie me demanda un jour : Lui en veux tu d’avoir ainsi annexé ta vie. ? Non je ne lui en veux pas… J’ai ma part de responsabilité, je l’ai laissé faire…

Environ huit ans plus tard ce fut l’écroulement… Je n’étais plus que l’ombre de moi-même, continuellement souffrante, troubles psychosomatiques, attaques de panique et en larmes à toute heure du jour… Jusqu’au jour où je dis à un ami qui une fois de plus m’avait accueillie alors que j’étais en larmes : J’ai besoin d’une aide professionnelle… C’était me dit il la phrase qu’il attendait et me conseilla de prendre contact avec un de ses amis psychothérapeute…

Quatre ans plus tard je décidais d’enfin faire ce que j’avais envie et rompis les amarres… Pour prendre pieds en Tunisie ! Je me connaissais, avais pris la mesure de mes limites, appris à accepter certains côtés de mon caractère et à voir mes possibilités … Je savais ce que voulais faire de ma vie… L’expression « Quand je serais grande » avait disparu de mon vocabulaire ! J’avais réussi à survivre, à ne pas me laisser écraser comme beaucoup d’autres femmes que je connaissais par une mère abusive… Ce que beaucoup avaient éprouvé comme des handicapes j’avais réussi à les transformer en « chance » !

Je vous laisse maintenant savourer le texte qui m’a poussé à réfléchir à cette interrogation… Et si c’était à refaire ? « Si Dieu nous permettait de vivre sans rencontrer d’obstacles nous serions limités, nous ne pourrions pas être forts. J’ai demandé la force… Dieu m’a donné les difficultés pour me rendre fort. J’ai demandé la sagesse… Dieu m’a donné des problèmes à résoudre. J’ai demandé la prospérité… Dieu m’a donné un cerveau et des muscles pour travailler.

J’ai demandé à m’élever… Dieu m’a donné des obstacles à surmonter. J’ai demandé l’amour… Dieu m’a donné des êtres à aider. J’ai demandé des faveurs … Dieu m’a donné des potentialités. Je n’ai rien reçu de ce que j’ai demandé, mais j’ai reçu tout ce dont j’avais besoin. I
l faut affronter tous les obstacles et démontrer que l’on peut les surmonter. » 
Moi non plus je n’ai rien reçu de ce que je désirais… Mais ayant reçu ce dont j’avais besoin j’ai réussi à faire ce que je voulais… Et lutter pour obtenir ce que l’on souhaite, cela donne un incroyable sentiment de victoire… « Et si c’était à refaire » ? Je ne peux vous donner la réponse, car je ne me pose plus la question !

Maryam Brodowski-Bâ


Commentaires : 4
Lus : 1589

Postez un commentaire

Charte des commentaires

A lire avant de commenter! Quelques dispositions pour rendre les débats passionnants sur Cridem :

Commentez pour enrichir : Le but des commentaires est d'instaurer des échanges enrichissants à partir des articles publiés sur Cridem.

Respectez vos interlocuteurs : Pour assurer des débats de qualité, un maître-mot: le respect des participants. Donnez à chacun le droit d'être en désaccord avec vous. Appuyez vos réponses sur des faits et des arguments, non sur des invectives.

Contenus illicites : Le contenu des commentaires ne doit pas contrevenir aux lois et réglementations en vigueur. Sont notamment illicites les propos racistes ou antisémites, diffamatoires ou injurieux, divulguant des informations relatives à la vie privée d'une personne, utilisant des oeuvres protégées par les droits d'auteur (textes, photos, vidéos...).

Cridem se réserve le droit de ne pas valider tout commentaire susceptible de contrevenir à la loi, ainsi que tout commentaire hors-sujet, promotionnel ou grossier. Merci pour votre participation à Cridem!

Les commentaires et propos sont la propriété de leur(s) auteur(s) et n'engagent que leur avis, opinion et responsabilité.

Identification

Pour poster un commentaire il faut être membre .

Si vous avez déjà un accès membre .
Veuillez vous identifier sur la page d'accueil en haut à droite dans la partie IDENTIFICATION ou bien Cliquez ICI .

Vous n'êtes pas membre . Vous pouvez vous enregistrer gratuitement en Cliquant ICI .

En étant membre vous accèderez à TOUS les espaces de CRIDEM sans aucune restriction .

Commentaires (4)

  • sahily (H) 28/08/2012 11:49 X

    Texte sublime, bien écrit, et qui dégage une chaleur humaine et une vérité naturelle instructive. Heureusement que vous ne pourrez plus le déchirer...

    Merci Mme Brodowski-Bâ.

  • pyranha (H) 28/08/2012 09:34 X

    colombus ,
    toute chose a une vérité plus profonde que celle qu'on peut voir et comprendre ... soyons humble et poli de nous taire quand on a certainement rien compris... Dieu nous donne cette faculté !!!!

  • antipervers (H) 28/08/2012 00:56 X

    Merci madame pour ce partage. Respect pour la confiance qui vous a été accordée, pour pouvoir parler de vous, en vérité.

  • colombus (H) 27/08/2012 23:59 X

    Franchement vous n'aviez pas autre chose a nous raconter? On a bien besoin de "choses" a avaler mais pas des navets de la sorte!