02-04-2013 07:54 - Hamid : A l’ombre d’un esprit libre et rebelle
En ce mois d’avril, Moktar Ould Mohamed Vall dit Hamid investit le hall du Musée National de Nouakchott pour parler de la vie «à l’état normal sans printemps arabe ni problèmes politiques, guerres, révoltes, terrorisme, manifestations». A travers 10 œuvres, Hamid nous plonge dans l’univers gai de la Plage des pêcheurs de Nouakchott.
Chantre de la diversité culturelle, il explore les richesses de notre différence et invite les mauritaniens à l’exploiter. «Arrivé au marché, je ne serai pas à l’aise, si, je ne vois que les dattes, les mangues ou les oranges. Je dois quand même jouir de l’ensemble des fruits», explique-t-il.
Sous d’autres univers, il entraine également le visiteur dans la vie du nomade, les moments autour du thé, lui pousse la porte des 40 savants à Ouadane, la ville historique, le place subitement face à la réalité têtue de l’immigration clandestine.
Chez cet esprit libre et rebelle, on ne cesse de se réinventer, de pousser un cri de liberté et de révolution dans ses tableaux sans cesse envahis par les esprits du désert.
Contrairement aux apparences, Hamid est avant tout un peintre du désert, des souvenirs d’une enfance perdue entre le nord et le sud. Depuis plus de 17 ans, il affectionne la peinture, excelle notamment dans la technique naïve. Sa vie porte les empreintes d’un esprit libre, les griffes d’une gueule qui n’a pas hésité à claquer les portes de l’armée.
Né en 1960 à Rosso, dans le sud de la Mauritanie, Hamid a passé toute son adolescence à Nouakchott. A 17 ans, l’armée lui fait de l’œil. «En 1977, Nouakchott est bombardé au mortier par le Polisario. Cela m’a révolté», se souvient-il encore.
Le jeune adolescent décide alors de s’enrôler dans l’armée mauritanienne. «Pour défendre et sauver ma patrie, ma famille », dit-il. Débute pour lui une nouvelle expérience d’une vie très mouvementée. Mais, cet admirateur de feu Moktar Ould Daddah va très vite déchanter, quelques mois seulement, après la prise de pouvoir par les militaires.
«Petit à petit, je commençais à voir, au sein de l’armée, des choses que je ne supportais pas comme le racisme, la corruption, le favoritisme», explique-t-il. «Après le coup d’Etat de 1978, les choses ne se sont pas déroulées comme je l’imaginais, assure-t-il. Je croyais qu’on était des citoyens égaux, ayant le même esprit de défense des intérêts du pays et de la population. Le programme militaire que l’on vivait était insupportable».
Résultat : il se révolte. Sa hiérarchie le sanctionne en le faisant passer à la case prison à deux reprises pour manque de discipline. Petit à petit, être sous les drapeaux devient «insupportable» pour lui. Il finit par quitter définitivement l’armée, convaincu qu’il venait de faire sa «révolution».
Il redécouvre la vie civile, se recycle dans la mécanique, après avoir subi une formation au Centre de Formation et de Perfectionnement Professionnel (CFPP) de Nouakchott. A sa sortie, il travaillera à la Société Africaine de Forage (SAFOR), avant de se lancer dans la pêche industrielle, à Nouadhibou, où il restera neuf bonnes années. Sur pression familiale notamment de sa mère, il revient à Nouakchott, y ouvre un atelier de calligraphie à la Médina R.
Lui qui a toujours aimé la peinture d’un amour total et fou rencontre donc Brahim Bocoum, président de l’Association Mauritanienne des Artistes Peintres (AMAP), qui s’étonne de sa «main artistique». Il est présenté aux autres membres de l’AMAP.
«Je me suis retrouvé dans mon engrenage», martèle-t-il. Il se met à exposer, d’abord collectivement, puis individuellement. Aujourd’hui, ces tableaux décorent les salons des maisons, les hôtels, les bâtiments publics, les ambassades. «Ma peinture est beaucoup plus apprécie par les occidentaux que par les mauritaniens», souligne-t-il néanmoins.
Babacar Baye Ndiaye