09-08-2014 02:47 - Bonnes feuilles
El Watan - Sur l’enlèvement des diplomates algériens à Gao.Même cas de figure à Gao où, cette fois, c’est le Mujao, aux fortes racines locales, qui joue des épaules. Le 5 avril, l’organisation enlève le consul général algérien et six de ses collaborateurs au grand dam du MNLA.
«Nous avions proposé de les évacuer, avance Moussa Ag Assarid, mais le consul a refusé car ses autorités n’avaient pas donné leur accord : il a été capturé sous nos yeux, mais nous ne sommes pas intervenus car certains des ravisseurs portaient des ceintures d’explosifs.»
En revanche, selon le Touareg, le MNLA aurait réussi à tirer deux Français des griffes des djihadistes : l’un aurait été évacué vers la Mauritanie, l’autre, une humanitaire, vers l’Algérie.
Aussi malheureux soit-il, l’enlèvement des diplomates à Gao a au moins un avantage aux yeux de certains responsables français : il va obliger l’Algérie à s’impliquer. Tout à sa retenue, Paris mise en effet beaucoup sur le gouvernement de Bouteflika, mais «le problème, notera lui-même Nicolas Sarkozy lors du débat du second tour, c’est la confiance que nous devons mettre dans le travail avec l’Algérie, qui est la puissance régionale, et qui a les clés de l’ensemble des données du problème». C’est sans doute beaucoup lui prêter.
Les leaders touaregs en tout cas semblent rester hermétiques à toute influence extérieure en proclamant le 7 avril l’indépendance de l’Azawad. Erreur grossière. Avant même la création du MNLA, leurs interlocuteurs français, au Quai d’Orsay, à la DGSE, se sont relayés pour leur déconseiller d’y succomber. «Ils nous répondaient, témoigne l’un d’eux, que le monde entier se précipiterait pour les reconnaître !» Résultat : en très peu de temps, l’ensemble de la communauté internationale déclare la décision nulle et non avenue. Le MNLA fait la preuve de son immaturité politique. p. 77-78
- Sur l’engagement de l’Algérie dans la résolution de la crise
L’Algérie admet pourtant le caractère préoccupant de la situation au Mali. Comment pourrait-elle s’y refuser, alors que le Mujao annoncera, par exemple, le 2 septembre l’exécution de son vice-consul à Gao, Tahar Touati, enlevé en avril ? Mais à la place des armes, elle agace ses interlocuteurs français en proposant une «solution politique» dont elle est incapable de livrer la substance. Paris comprend rapidement que celle-ci repose en fait très largement sur Ansar Dine et son chef, Iyad Ag Ghali, dont les mérites lui sont régulièrement chantés.
Comme en 1991 et en 2006, Alger mise sur le leader touareg pour conclure un accord avec les autorités de Bamako, qui marginaliserait ensuite AQMI et le Mujao. «Mais, souligne un diplomate français, quand on leur demandait : “Et que fera-t-on d’eux ensuite ?”, ils nous répondaient : “On verra”!» Le 16 juillet, Laurent Fabius traverse la Méditerranée accompagné en particulier d’Hélène Le Gal, conseillère Afrique du président de la République, dans l’espoir d’infléchir la position du gouvernement Bouteflika.
Son argumentaire semble porter : les Algériens admettent qu’une intervention sera inévitable en cas d’échec de la diplomatie, Mourad Medelci, ministre des Affaires étrangères, déclarant en conclusion : «Nous avons constaté que nous avions exactement la même clé d’analyse et les mêmes objectifs en ce qui concerne le Sahel et le Mali. Nous sommes d’accord pour dire que l’unité du Mali doit être préservée et que la lutte contre le terrorisme doit rester la priorité.» p. 112-113
- Sur les négociations diplomatiques étrangères à Alger
Le diagnostic des militaires est partagé par une partie du Quai d’Orsay, consciente des lacunes africaines. Mais les progrès rencontrés sur le plan diplomatique sont tels des euphorisants empêchant de considérer la réalité. Un frein majeur est ainsi levé lors de la réunion du groupe de soutien et de suivi sur le Mali, le 19 octobre, à Bamako : l’Algérie ne s’opposera pas à une intervention militaire.
Hillary Clinton, en visite à Alger le 28, tente d’obtenir plus de Bouteflika, surtout un partage de la connaissance algérienne sans égale des djihadistes, ainsi que la fermeture de la frontière par laquelle transite tout leur carburant. Mais Alger dit toujours travailler à une solution politique, en misant sur Ansar Dine dont Blaise Compaoré reçoit à son tour une délégation à Ouagadougou le 2 novembre. L’espoir est ravivé quatre jours plus tard puisque le mouvement déclare rejeter «toute forme d’extrémisme et de terrorisme». Le 13, le représentant de l’ONU en Afrique de l’Ouest, Saïd Djinnit, le rencontre à son tour au Burkina.
La France est sceptique sur les chances de la vieille tactique consistant à semer la zizanie parmi les groupes du Nord. «Nous ne croyions pas du tout à ces négociations, note un conseiller du président de la République, car pour nous Ansar était plus proche d’AQMI que du MNLA, mais il ne nous appartenait pas de les entraver d’une quelconque manière. Si elles réussissaient, c’était tant mieux !» La guerre de fait serait ainsi évitée. Le 15 novembre, François Hollande appelle donc le président malien pour l’inciter à «intensifier le dialogue» avec les mouvements rejetant le terrorisme dans le Nord, c’est-à-dire Ansar Dine et le MNLA. P. 122
(Extraits de La guerre de la France au Mali, Editions Tallandier, Juin 2014)