05-10-2014 12:30 - Béchir Malum : La maturité artistique n'est plus loin [PhotoReportage]
Mozaïkrim - Il y a des fleurs qui mettent du temps à éclore. Mais quand vient le moment de la maturité, c'est un feu d'artifices visuel. Béchir Malum est de ceux-là . Sa dernière exposition (toujours en cours) à l'institut français de Mauritanie, appelle un regard profondément humain et touchant sur la société qui l'entoure, et relativement nouveau du point de vue artistique. Tournée visuelle.
Peu d'artistes peintres mauritaniens peignent réellement, au sens cathartique et urgent du terme : c'est-à -dire cette recherche permanente de coucher sur papier, sur toile, sur pellicule ou par une note de musique, «ce vide qui emplit nos entrailles» et de le nommer...
Cela nécessite une introspection, une perpétuelle remise en cause de soi-même, de ses idées... Et surtout cela nécessite une prise de risque artistique ! Or cela a toujours manqué dans le paysage pictural mauritanien, et manque encore dans une certaine mesure. On sentait le confort dans les toiles proposées... On se demandait même parfois si les peintres eux-mêmes savaient ce qu'ils peignaient en définitive.
Mais cela change, avec le travail magistral d'un Hussein Haïdara, ou d'un Oumar Ball, et aujourd'hui avec l'oeuvre-mosaïque de Béchir Malum exposé à l'IFM actuellement. Pour saisir l'ampleur de son travail actuel il faut se rappeler la quadruple casquette de l'homme : sculpteur, photographe, dessinateur et peintre.
Toutes ces facettes de son talent se retrouvent dans ses toiles, où la photo s'imbrique à l'image créée, et vice versa, et où l’œil de l'humaniste qu'il est, (car Béchir Malum, fait résolument partie de ces hommes intègres) nous renvoie aux écueils de notre société, à ses joies, et à sa sollicitude, comme ces tableaux peints-photographiés-dessinés-reliés suite à son passage au camp de réfugiés maliens de M'Berra.
«Dans son travail, Béchir cherche à mélanger les sources, les iconographies pour créer des liens là où il ne devrait pas en avoir. Toujours avec certains ingrédients tels que l'humour et la gravité, l'attraction et le rejet, il crée des images déconstruites qui viennent provoquer nos savoirs et nos cultures» évoque Jany Bourdais, directeur de l'IFM, lors du discours de vernissage de son exposition.
Le regard de l'éternel enfant
Dans les tableaux exposés, Béchir révèle son humour, en introduisant des éléments contrastant, équivoques, par rapport aux réalités de nos sociétés mauritaniennes, relativement austères, comme ce chiot, un chihuahua couché sur le canapé près de son maître.
Il révèle aussi le regard sainement naïf de l'enfant qui l'habite. Voyez ces humanitaires-anges-gardiens au chevet des réfugiés dans le besoin. Un regard pétillant d'enfant dont la lumière est parfois absorbée par la gravité qui émane des sujets... Surtout les enfants, qui ont paradoxalement les regards les plus graves dans les œuvres de Béchir Malum, même quand ils sourient.
Ce que Jany Bourdais relevait également dans son discours : «Béchir se permet aujourd’hui dans ses œuvres plus de jeu, plus de liberté, plus d’équivoque, avec l’intuition parfois d’un enfant. L’idée lui est venue de peindre ses photos, ne laissant apparaître qu’ici ou là le sujet de la photographie qui n’en émerge que pour rappeler la réalité. On ne sait plus très bien ce qui est photographie, ce qui est peinture, ce qui est le monde vu».
Béchir Malum finalement nous offre un regard neuf et déstabilisant, sans atonie, de nos mondes, en jouant presque le rôle de l'oracle : «Ce monde est parfois laid, souvent même, mais des gens bien concourent à le rendre meilleurs. Donc gardons espoir ! » Et c'est bien de cela qu'il s'agit avec Béchir aujourd'hui, d'espoir, et seulement d'espoir.