16-01-2016 21:45 - Mémoires de Boutilimit /Par Brahim ould Ahmed Ould Memadi
Le Calame - Chapitre 2 : Memadi - Au Sud-Est de la Mauritanie, entre Kobenni et Djiguenni, se situe une contrée agropastorale, à dominante Soninké, depuis l’époque fastueuse de l’empire du Ghana disloqué au milieu du 14ème siècle de notre ère…
C’était précisément en ce bled, d’il y a deux siècles, qu’un marabout des Laghlal épousait l’une des filles de la monarchie démembrée, Kenni Diakhité Kaba, entre Medbougou et Kirkératt… Ainsi, l’érudit Mohamed Vall Ould Ahmed Taleb obtint son enfant unique, Moussa ??
A son tour, ce dernier n’aura qu’un seul rejeton avec sa conjointe sarakollé, Mah Diakhité, elle aussi ! Leur fils Mohamedou ould Moussa Ould Mohamed Val ould Ahmed Taleb fut ainsi le futur Memadi ; sous d’autres cieux et par prédilection. Il hérita de son père tout ce que la famille princière avait légué.
Ce fut alors en ces temps et lieux lointains que Cheikh Sidia el Kebir et Moussa, mon arrière-grand-père, s’étaient rencontrés et connus à Médbougou, où Memadi avait à peine trois ans… Ce qui correspondait, à peu près au milieu du 19ème siècle. Puisqu’il était décédé à cent dix-sept ans, voire plus… La rencontre entre les deux marabouts fut lors d’une des longues tournées (ziyara) que Cheikh Sidia effectuait souvent en Afrique…
Au village de l’aïeul, l’accueil du cortège en escale fut extrêmement chaleureux et d’un faste exceptionnel et glorifiant. L’exemplarité et le confort de l’hébergement furent d’une opulence et d’une variété extravagante. D’autre part, la diversité des offrandes prestigieux et des présents ( métaux et pierres précieux, animaux par bétails, céréales, matériels, équipements et biens divers) furent d’un volume et d’une importance gigantesques.
Ceci obligeait le grand Cheikh à rebrousser chemin et rentrer d’un périple nettement différent de tous ceux qui l’avaient précédé… La plus remarquable randonnée qui s’acheva à peine amorcée…
En rentrant plus tôt que d’habitude, aux campements éprouvés par la grande sécheresse, Cheikh Sidia rapporta avec lui, au plus haut point de la véhémence une revigorante et glorieuse étrenne : « DIAKHITE ». Désormais, le nom-insigne de toute la sphère « OULAD EBEYERI »…
Au même titre que les parents maternels de l’ancêtre Moussa, auxquels il s’identifiait pour l’avoir très dignement élevé, après la mort de son père Mohamed Vall… Ce fut alors l’évènement phare, pittoresque le cadeau (el varha) du légendaire voyage, en sa mémorable escale du providentiel et auguste Médbougou…
Plus tard, le marmot Mohamedou fut adolescent mais adulte par sa taille qui favorisa son incorporation dans l’armée coloniale… Cependant que le très jeune soldat-tirailleur, mijotait en son tréfonds depuis la mort de son père, le rêve ardent de rejoindre le grand Cheikh qui fut chez eux au village et qui l’avait pris dans ses bras et cajolé durant son séjour… Après son retour d’une expédition en Indochine, il s’auto-libéra après avoir violemment bastonné l’un de ses supérieurs toubabs qui avait l’insolente et exagérée manie de frapper ses hommes par un bâton…
Après leur déferrement devant la cour martiale, l’officier belliqueux fut, partout et extraordinairement introuvable… Jusqu’à nos jours… Après épuisement de tous les délais francs et recours, puis suite à la disparition mystérieuse du ‘’chef’’, le soldat fut relaxé, pour non-lieu, remis en liberté à Saint-Louis et sommé de rejoindre son unité… Ce qu’il n’avait jamais fait…
En ville, il rencontra des caravaniers venus du désert de Cheikh Sidia, il sauta sur l’occasion pour réaliser son rêve et le vœu très cher à son papa défunt…
A Tendewje, l’accueil fut sans précédent… La fête de la rencontre fut grandiose, très spectaculaire et solennelle. Quand le jeune-grand hôte fut décoré de la plus honorable et revigorante médaille de l’ordre de l’époque : ‘’Memadi’’… Témoignage sûrement (structo), d’une affection profonde et très sincère, que mon prodigieux et saint grand-père porta excessivement, honorablement et pour l’éternité.
C’était ainsi donc, après la mise en place des bases de son installation définitive sur le site de prédilection, apparemment pressenti par notre aïeul Moussa lui aussi, que Baba Mohamedou amena sa mère, ses inestimables troupeaux de bovins et caprins, ses chevaux, ses trésors, ses suites, etc.
Après quoi, il s’en ira à Khrouve, avant la fondation de Méderdra, chez l’une des familles Tachoumcha, où il épousa ma grand-mère Teslem mint el Meouloud, sa première épouse qu’il ramena à Boutilimitt. La sainte-femme fut la mère de ses premiers enfants desquels mon père Ahmed est le benjamin…
C’était bien après que les colons avaient appris que Mohamedou, le soldat déserteur, était à Boutilimitt… La solution définitive de son cas fut celle retenue par Cheikh Sidia soutenant le refus catégorique de rencontrer n’çara, formulé par l’intéressé.
Ainsi, sa situation militaire administrative fut régularisée, tous ses traitements, retenus en recette, débloqués, avec pension puis, il fut installé officiellement chef du village.
De taille confortable (2 mètres), mon grand père fut beau, élégant et très fort surtout ; café au lait, d’ascendant net impulsant respect et confiance.
Athlète souple, puissant, musclé et svelte, au thorax large sur taille plate, et puis, jamais mastoc.
Il se rendait chaque semaine en brousse, parmi l’un de ses cheptels, afin de trier lui-même les bêtes d’abattage quotidien pour l’approvisionnement en protéine du monde des pauvres. Souvent les bergers n’arrivaient pas à capturer les massifs bœufs, très agressifs… Dans ces cas, il intervenait, en grand et habile toréro, et seul, il parvenait à prendre les taureaux par les cornes et les terrasser, avec une belle maîtrise…
Des séances de corrida, digne des pasteurs du Sud-Est du pays, réputés très braves, téméraires et endurants… Aussi, malgré son âge largement séculaire, il n’avait absolument jamais été assisté dans ses mouvements, ses déplacements et même en la gestion de ses affaires, jusqu’au moment où il rendait, très pur et calme, son âme immaculée, au grand seigneur qu’il ne cessait jamais d’implorer.
Il ne prenait aucun excitant, ni tabac, ni thé, et ne se sustentait que de lait, de viande, de céréales et de légumes…
‘’Iyal-Memadi’’, tout un monde qui évoluait, fonction de l’expansion de la ville, éternellement, entièrement et minutieusement, pris en charge. Toutes races, origines, couleurs, genres, âges, etc., confondus. Des populations entières vivement arrachées aux tristes méfaits de la famine…
Le très grand miracle, jamais élucidé, est que le vieil homme connaissait par cœur et à tout moment, sans demander à personne, tous les détails de la situation individuelle de chaque personne, et sa position dans chaque populace. Les nombres et noms de toutes les familles, leurs âges, leur taille, leurs goûts, le niveau de leur consommation en tout, leurs nouveaux-nés, leurs voeufs, handicapés, garçons, filles, etc…. surtout leurs besoins spécifiques, notamment ceux des étudiants.
La dépression de terrain qui fut l’actuel zem-zem depuis les années soixante-dix, s’appelait bien ‘’gueoud Memadi’’ (gueoud lekh-lâtt)…
Elle fut très célèbre et symbolique par sa vocation caritative séculaire et indéniable.
Elle fut exactement le lieu de regroupement des bétails, bêtes laitières, dotées par Memadi, à toutes les familles pauvres, pour leur alimentation en lait et en toute saison…
Après le pâturage, les bergers y rabattaient les animaux pour la distribution, puis revenaient le lendemain matin les reconduire au broutage…
Partout, les familles donnaient son nom à leurs garçons par allusion à la dimension monumentale, spirituelle et morale de l’homme merveilleux… Quant à la célèbre maxime de chez nous : « toute chose équivaut au nom qu’elle porte …»
Pour son infaillible dévotion au créateur, sa droiture irréprochable, son érudition rare et son humilité irréversible, le bon Dieu fit de lui l’un des spécimens humains, auxiliaires prompts et désintéressés de sa providence intarissable… Puisqu’il avait conçu son âme immaculée à l’apogée rationnel de la dignité, de la générosité et de la charité illimitée…
Dans une époque de grande précarité, où le carnage extraordinaire de la misère imparable, emportait les vies humaines dans l’extermination atroce… Ainsi, il fut, efficacement, la planche du salut lors des naufrages successifs et terrifiants de la misère…
Une période d'anéantissement cruel où, si seulement on ne trouvait, la peau de bête torréfiée, fut aubaine, pour flatter la faim, sans fin. Que dire exactement sinon, tout un peuple voue au sinistre et à l'abandon???
Durant sa longévité séculaire (cent dix-sept ans), si ce n'est un peu plus, le souci permanent de cet homme légendaire, fut absolument la vénération impeccable d'Allah à travers les prières inlassables et supplications, en solitaire, parmi les ténèbres des longues nuits qu'il avait toutes vécues et toutes réservées à la conjuration du clément et miséricordieux!!!
Ensuite, l'assistance infaillible et significative de toutes les créatures nécessiteuses!!!
Pour ce faire, il supervisait, lui-même, toutes les distributions, gracieuses, nourritures, habillements, liquidité, bêtes pour traite ou abattage et tous les autres accessoires ou biens divers...Ceci pour éviter toute omission ou détournement de la dotation d'un indigent!!!Pour tous et sans exception, il fut BABA, le père chaleureux!!!Son nom fut synonyme de la délivrance prompte!!!
Tout un chacun l'aimait excessivement et le comblait de louanges, hautement méritées et indélébiles qui le submergeaient !!!
Certes, des qualités innées, génétiques, héritées d’aïeuls très honorables et illustres...Pour n'en citer que: Mohamed Ghoully (Mohamed le blanc), comme l'appelait sa mère « bambara »; Mohamed El Hanchi, le saint mythique; Cheikh Brahim, puis Ahmed Taleb le SALOMON de son époque (Souleimanou ZEMANIHI) par ses pouvoirs spirituels extraordinaires et très vastes!!!
Ces dispositions, naturellement transmises et constantes, furent homologuées et accouplées, pour Memadi, à sa naturalisation à N'TECHAYIT, en la sphère glorieuse d'Ould Ebyéri!!! En termes, que rien n'atténue, l'univers de la vanité et de la dignité ardentes, mais tant méritées et justifiées, sans bourrage ni aucun raté!!!
Au niveau de notre immense famille, le gène et le nom qu'il nous transmet perpétuellement, nous exaltent, nous revigorent sans équivoque et nous glorifient!!!
Quant à moi, l'un des petits fils, j'avais eu la terrible chance et l'insigne honneur d'avoir beaucoup approché ma raison d'être; de l'avoir connue et surtout de l'avoir sentie directement et physiquement!!!
Sûrement mieux que quinconce puisqu'il est toujours en moi; il me hante!!! A son tour, il m'aimait tant, à tel point qu'il passait de longs moments à me cajoler en me titillant les joues! Souvent, il me contemplait en méditant!!! il appréciait beaucoup ma curiosité juvénile pointue...Malgré mon très jeune âge, l'étape de mon affirmation fut précoce à cause de l'homme qui m'inspirait un sentiment ardent et très profond; et en lequel, je me découvrais, par la forte nécessité de ressembler à ce superbe vieux, « moi -même », auquel j'appartiens!!!
Etant lui même très transparent, et malgré que j'étais encore enfant, je m'ingéniais à le pénétrer davantage, pour découvrir son mystère qui m'obsédait par ses apparences appâtées et immuables à son univers propre...Parce qu'aussi, et surtout, comme toute entité, identifiée à un très grand homme célèbre, nous sommes, nous aussi, » EHEL MEMADI »!!! Sur plusieurs générations ascendantes!!!
Nos grand-mères, ses épouses, furent: Teslem mint El Meouloud, Aichetou Mint Yatme, Aichetou Mint Hamnit, Lehbouss Mint Mouhamedhany, M'Me mint Bih-izid, Aminetou Mint Chleïch, Aiche Mint Mousse, El Moumne Mint Babey et, la seule en vie actuellement M'meime Mint L'Beib.
Les prémices de sa posétrité: Vatimetou Mint Memadi, Abdallahi (Boullah), Abderrahme, Brahim, Moussa, Zeinabou, Mariem, Meimoune, Mah, Ahmed, Aboubecrine (Abou), Jebril. Ceux vivants: Zekeria Ould Memadi, Hawa, Alioune, Ethmane, Aichetou, Kenni, Ciré et le benjamin Youssouf, dernier né de la grande famille de Memadi.
En effet, Mohamedou fut absolument un prodigieux érudit très célèbre et très riche, en une époque de carence et d'incapacités potentielles où, les fondements essentiels et constants de l'opulence solide furent, l’honnêteté inéluctable, le courage énergique et la persévérance soutenue en la besogne!!!
L'éclatante, caritative et providentielle trajectoire, tracée par le magnant homme et énergique croyant, fit de lui un héros patriotique exemplaire et prodige de son temps, dés les premières, très lugubres heures, de notre éclosion nationale.
Lequel épanouissement fut très longtemps amorti par une succession macabre de disettes cruelles et, horriblement dévastatrices!!! Son action de bienfaisance, durant sa longévité très rare, entièrement consacrée à Dieu et ses créatures démunies, mérite logiquement et nécessairement, plus qu'une biographie, à peine effleurée et loin d'être exhaustive!!!
Son immortalisation, censée digne de son œuvre, indispensable, en son temps et, à bon escient; ainsi que son âme sublime, justifie parfaitement quelques marques patriotiques de civilité nationales!!! Aussi bien morales que communes; à son égard et vis-à -vis de la mémoire collective, quant aux générations postérieures!!!!