27-01-2016 23:15 - Dr Mariella Villasante : Chronique politique Mauritanie, Décembre 2015 (2), Crise économique, pauvreté, tension sociale..

Dr Mariella Villasante : Chronique politique Mauritanie, Décembre 2015 (2), Crise économique, pauvreté, tension sociale..

Adrar-Info - Relations avec les chancelleries occidentales
Les relations avec les principales chancelleries occidentales accréditées en Mauritanie restent bonnes. Le président mauritanien s’est rendu en visite officielle en France en septembre, et plusieurs ministres français se sont rendus à Nouakchott au long de l’année (Michel Sapin et Laurent Fabius notamment).

L’ambassadeur de France en Mauritanie, Joël Meyer, déclarait en juillet 2015[1] : « D’abord, la Mauritanie est un pays prioritaire dans notre politique de partenariat au développement. Pour être efficace et en agissant en concertation avec ou à la demande des partenaires mauritaniens, nous essayons néanmoins de nous concentrer sur de grands secteurs d’intervention, en faveur du développement humain et pour un développement durable.

Ces secteurs sont: l’éducation et l’enseignement supérieur, l’appui au renforcement de l’Etat de droit, la gouvernance financière et la gouvernance locale, la culture, l’énergie, la santé… Je dirai qu’il ne s’agit pas toujours de faire plus, mais de faire mieux, c’est ainsi que l’Agence française de développement accompagne la Mauritanie dans le développement d’énergies alternatives au thermique.


(…) Je me dois aussi de mentionner la relation économique. La France est un des tout premiers investisseurs en Mauritanie, hors industrie extractive, et il existe un potentiel d’affaires considérable. Je constate que la technologie et le savoir-faire français sont très appréciés.

C’est aussi la mission de l’Ambassade, notamment du service économique, d’appuyer les opérateurs économiques des deux pays à développer les partenariats. Nous y travaillons, avec la Chambre de Commerce, d’Industrie et d’Agriculture de Mauritanie, avec le « club » des opérateurs qu’on appelle les Conseillers du Commerce extérieur de la France.

Nous poursuivons également un dialogue constructif avec les autorités mauritaniennes en vue de renforcer le cadre juridique et la sécurité des investissements, gages de l’attractivité du pays. »
(La Tribune du 16 juillet 2015).

Les relations sont également renforcées en matière de lutte contre le terrorisme et contre le trafic de drogue. Enfin, l’ambassadeur Meyer a éclairci le classement en « zone rouge » de la Mauritanie :

« Je voudrais être plus précis sur ce qu’on appelle le « zonage ». Ce n’est pas l’ensemble du territoire qui est classé en zone rouge mais principalement les régions désertiques et proches des frontières est et sud est.

J’ai néanmoins bien conscience des conséquences que cette situation peut malheureusement entraîner sur le développement local, notamment dans les régions à vocation touristique. Mais cette appréciation d’aujourd’hui, qui résulte d’une analyse globale de la situation sécuritaire au Sahel, pourra être modifiée le moment venu bien sûr. »
(La Tribune du 16 juillet 2015)

• Le 31 décembre, Joël Meyer, s’est dit choqué des propos du Premier ministre mauritanien, Yahya ould Hademine, qui a comparé la situation de l’esclavage mauritanien à celle qui existerait en France[2].

La déclaration du Premier ministre était déplacée et hors propos, mais elle correspond bien à l’une des positions constantes des gouvernements mauritaniens : nier les formes extrêmes de dépendance tout en cherchant à les minimiser en les comparant aux situations de discrimination et/ou de servilité ailleurs dans le monde. En France l’esclavage réel est inexistant et les cas d’exploitation de la force du travail et/ou de servilité sont sévèrement punis par les lois.

• Les relations entre la Mauritanie et l’Union européenne se fondent sur l’Accord de partenariat ACP-UE 5Accord de Cotonou) et sur le Plan indicatif national 2014-2020, signé à Nairobi le 19 juin 2014. En tant que membre de l’Union du Maghreb Arabe, de l’Union pour la Méditerranée et du dialogue 5+5, la Mauritanie participe aussi au partenariat EUROMED[3].

« La Mauritanie représente un partenaire important dans le cadre de la stratégie de l’UE pour la sécurité et le développement au Sahel et le Plan d’Action Régional.

L’UE et la Mauritanie maintiennent un dialogue politique régulier qui permet de traiter un large éventail de sujets régionaux, politiques, économiques et commerciaux, ayant trait au développement, à la gouvernance, y compris les droits de l’homme.

Aide au développement

Dans le cadre du 10ème Fonds Européen de Développement (FED) pour la période 2007-2013, le montant réservé pour la coopération de l’UE en Mauritanie s’est élevé à 209,3 millions d’EUR.

Dans le cadre du programme d’appui budgétaire en cours (€46 millions – State Building Contract), un système de réforme des finances publiques a été mis en place, ce qui a permis de constater une amélioration significative de la transparence budgétaire.

Le Plan Indicatif national 2014-2020 s’élevant à un montant initial de 195 millions d’Euros a été signé à Nairobi le 19 juin 2014. Les secteurs prioritaires s’inscrivent dans la continuité du Plan Indicatif National du 10ème FED, avec cependant, l’introduction du secteur de la santé comme principale nouveauté:

1. La sécurité alimentaire et agriculture durable,

2. L’État de Droit (couvrant la justice, la décentralisation, la sécurité et la prévention des conflits)

3. La santé

[Pêche]

Le quatrième Protocole a été paraphé le 10 juillet 2015. Ce nouveau protocole confirme plusieurs décennies de coopération dans le domaine des pêches, un secteur-clé du développement de l’économie mauritanienne et un des piliers de la croissance bleue européenne.

Il prévoit l’accès de la flotte européenne aux eaux mauritaniennes pour la pêche de crevettes, de poissons démersaux( ???), de thons et de petits pélagiques, pour un total autorisé de 281.500 tonnes par an, dans de meilleures conditions opérationnelles. En plus des captures payées par les pêcheurs européens, l’UE consacrera 59,125 millions € à ce partenariat, dont 4,125 millions € directement dédiés au soutien des communautés de pêche locales en Mauritanie.

• Le 24 août 2015, la délégation de l’UE, en accord avec les Chefs de Mission de l’UE en Mauritanie regrettait la confirmation de la peine de prison à Biram Ould Abeid :

« La Délégation de l’Union européenne a pris connaissance avec regret de la confirmation par la Cour d’appel d’Aleg de la sévère peine infligée en janvier à l’égard du président de l’Initiative pour la résurgence du mouvement abolitionniste (IRA), M. Biram Dah Abeid ainsi que M. Brahim Ould Bilal et M. Djiby Sow.

L’Union européenne rappelle son attachement au respect des droits de l’homme en général et des droits d’association et de manifestation pacifique et à la liberté d’expression en particulier.

L’Union européenne encourage les autorités et la société civile à maintenir leurs efforts communs pour œuvrer de manière constructive en matière de renforcement de l’unité nationale et d’éradication de l’esclavage et de ses séquelles, y compris à travers la récente adaptation du cadre juridique. »


« Une mission composée des représentants des ambassades d’Allemagne, d’Espagne, de France et de la Délégation de l’Union européenne a rendu visite ce jour à Biram Dah Ould Abeid et Brahme Ramdane à la prison d’Aleg.

Cette visite s’inscrit dans le cadre du soutien de l’Union européenne aux défenseurs des droits humains et de son appui à la lutte contre l’esclavage et ses séquelles.

Les représentants de l’Union Européenne se sont intéressés à l’état de santé des deux détenus et ont recueilli leurs avis concernant leur situation juridique. »

Cependant, aucune visite n’a été réalisée à Mohamed Cheikh Ould Mkhaitir dans sa prison de Nouadhibou, et on ne sait rien de son état de santé et les conditions de sa détention.

• L’Allemagne est très active dans le soutien au patrimoine culturel mauritanien. Deux organisations allemandes ont organisé un Colloque international sur « Les manuscrits de Mauritanie : évaluation critique et développement d’une stratégie pour sa conservation future », les 9-10 septembre, à Berlin[5].

• Le 21 octobre 2015, Mme Carola Müller-Holtkemper, ambassadrice d’Allemagne, a présidée la cérémonie de remise de l’Encyclopédie de l’histoire de la Mauritanie, « Hayat Muritania », de (feu) Mokhtar ould Hamidoun, célèbre érudit bidâni, décédé à Médine en 1993.

Les travaux de réédition avaient commencé en 2006 sous la supervision du professeur Ulrich Rebstock, de l’Institut des études orientales de l’Université de Freiburg. Selon la note de presse de l’ambassade[6] :

« La présente réédition concerne 6 tomes compilés en 3 livres. Ils constituent un immense trésor pour l’histoire nationale et politique de la Mauritanie. Leur réédition contribuera à lever le voile sur d’importants aspects des connaissances historiques relatives aux origines des tribus mauritaniennes, la nature des relations des unes aux autres et l’esprit de solidarité et d’unité qui ont caractérisé ces rapports.

Ainsi donc, cette œuvre permettra, sans aucun doute, une meilleure connaissance des valeurs identitaires du peuple mauritanien; d’autant que cet immense travail est présenté, de manière scientifique, avec une stricte observation des règles de la neutralité culturelle et politique requises.

Cette nouvelle édition a été remise solennellement par l’ambassadeur d’Allemagne, Madame Carola Müller-Holtkemper à la ministre de la culture et de l’artisanat, Mme Hindou Mint Aînina, le 21 octobre 2015. (…) La République fédérale d’Allemagne s’est investie dans ce projet en allouant la somme de 9.000.000 UM à sa réalisation.

L’objectif est de mettre à portée de main des chercheurs et des spécialistes, évoluant dans un environnement scientifique difficile, un outil de travail inépuisable et techniquement fiable. »

L’ambassade d’Espagne considère la Mauritanie comme une zone prioritaire pour ses intérêts nationaux, en particulier en raison de sa position géostratégique et son rôle dans la sécurité nationale.

La coopération espagnole centre ses interventions sur trois axes : la promotion des plus pauvres, la promotion de systèmes de cohésion sociale, des services sociaux de base, et la consolidation du processus démocratique. Pour la période 2014-2017, l’Agence espagnole de coopération internationale (AECID) a prévu l’investissement de 30 millions d’euros[7].

Le ministre de l’Intérieur, Jorge Fernandez Díaz [AFP/Rafa Rivas, Noor Info]

• En janvier 2015, le ministre de l’Intérieur, Jorge Fernandez Díaz, a effectué un voyage officiel de deux jours au Sénégal et en Mauritanie, où il a exprimé au chef de l’État sa volonté de renforcement de la lutte contre le terrorisme et l’immigration illégale.

Comme nous le savons, la Mauritanie est un territoire que des nombreux migrants africains traversent pour se rendre à Nouadhibou, et poursuivre leur chemin vers l’Europe par les Iles Canaries, par le Sahara occidental et par le Maroc[8].

• En mai 2015, le ministre de la défense de Mauritanie, Diallo Amadou, s’est réuni avec son homologue espagnol, Pedro Morenés, à Madrid[9]. Ils ont parlé en particulier du renforcement de la sécurité maritime de Mauritanie pour le contrôle de la pêche illégale et le trafic des migrants. Un nouvel accord s’est traduit par la formation d’officiers au Centre d’opérations d’action maritime de Cartagena.

Les ministres ont évoqué aussi l’intérêt de renforcer une plus large collaboration entre la Mauritanie et l’OTAN dans le cadre du Dialogue méditerranéen. Le ministre Morenés a aussi fait le voyage de Nouakchott en novembre, où il a visité la nouvelle École linguistique d’espagnol des Forces armées de Mauritanie, dans le cadre du Programme de coopération militaire du ministère de Défense espagnol.

L’Ambassade espagnole continue son soutien dans le domaine de la culture, en particulier dans le domaine de la conservation de manuscrits anciens, et une nouvelle collaboration avec le Musée national, dans le cadre d’un programme de numérisation des photos officielles conservées depuis la création de la Mauritanie [Communication personnelle du Dr Mamadou Hadya Kane, Directeur du Musée national, Nouakchott, décembre 2015].

— Coopération avec la Chine

• Le 19 juillet, la Chine et la Mauritanie ont célébré 50 ans de relations diplomatiques. L’ambassadeur Ball Mohamed El Habib, et le corps diplomatique mauritanien accrédité à Beijing ont donné une réception pour fêter cette journée importante[10].

• Plusieurs accords de coopération ont été signés avec la Chine[11] :

« La Mauritanie et la Chine ont signé trois accords de coopération. Le plus important étant celui relatif à l’étude de faisabilité d’un système de traitement et d’évacuation des eaux usées de la ville de Nouakchott. La Mauritanie et la Chine ont renforcé leur coopération en marge du récent Forum sino-africain organisé en Afrique du Sud.

C’est dans ce cadre que s’inscrivent les trois nouveaux accords de coopération technique signés le vendredi 18 décembre 2015 à Nouakchott par le ministre mauritanien des Affaires économiques et du développement, Sid’Ahmed Ould Rais, et l’ambassadeur de la République populaire de Chine à Nouakchott, Wu Dong.

Le premier accord porte sur «l’étude de faisabilité d’un système de traitement et d’évacuation des eaux usées dans la ville de Nouakchott». Il s’agit d’un accord très important, en ce sens que Nouakchott, ne disposant pas d’un réseau d’assainissement, fait face ces dernières années à de gros problèmes d’inondations consécutives aux importantes pluies enregistrées au niveau de la capitale.

Des niveaux de pluies aggravés surtout par le fait que cette ville de plus d’un million et demi d’habitants est située en dessous du niveau de la mer. Conséquence : plusieurs quartiers de la capitale sont à la merci des inondations à chaque chute de pluies.

Outre cet important accord, les deux parties ont signé deux autres portant sur « la maintenance des bâtiments administratifs » et « la création d’un centre technique agricole », censé accompagner la politique agricole de l’État en la dotant des ressources humaines nécessaires. » (Cridem du 22 décembre 2015).

— Coopération avec le Japon

Les relations entre le Japon et la Mauritanie se renforcent depuis quelques années, notamment dans les domaines de la pêche et des mines, selon l’ambassadeur nippon, Hiroshi Azuma[12] :

« La Mauritanie est un pays ami avec lequel nous entretenons de vieilles et diverses relations, principalement dans le domaine de la pêche. La Mauritanie possède dans ce domaine des richesses importantes et de qualité qui intéressent le marché japonais.

En quarante ans de coopération, le Japon a déjà investi plus de 500 000 dollars US dans le cadre de la coopération bilatérale. Mais nous intervenons aussi en Mauritanie dans les secteurs de l’éducation et de la santé, mais de plus en plus aussi dans les priorités qui tiennent à cœur le président Mohamed Abdel Aziz, notamment lutte contre la pauvreté, la corruption et le terrorisme.

Mais c’est surtout dans le domaine de la pêche où la coopération est la plus forte et la plus vieille, depuis les années 70. Les céphalopodes constituent la principale ressource qu’importent le Japon de la Mauritanie, près de 60% de la production nationale et 40% du marché japonais.

La Mauritanie a aussi d’autres richesses intéressantes pour l’investissement privé japonais, notamment dans le domaine animalier et les mines. »
[L’Authentic du 1er décembre 2015].

Remarquons qu’il existe également une coopération universitaire avec le Japon, où 45 étudiants mauritaniens ont été formés dans les domaines des sciences et des technologies depuis 2004 ; actuellement ils sont au nombre de sept. L’ambassadeur japonais a précisé aussi que trois fonctionnaires des Affaires étrangères ont étudié la langue japonaise, et qu’un nouveau diplomate, Baba Evelwatt, participera à ce programme à partir de septembre (Alakhbar du 25 janvier 2016).

Terrorisme en diminution : dangers réels et supposés

• En juin, certains analystes, dont Cheikh Aïdara[13], évoquaient le danger d’une expansion du mouvement terroriste État islamique en Mauritanie, déjà visible en Libye et en Tunisie.

On signalait des mouvements militaires dans les casernes de l’est (Awkar, Hodh Chargui), des tentatives d’infiltration des djihadistes à l’intérieur du pays. La montée du salafisme et des prêches incendiaires contre « l’Occident », qui est en train de supplanter l’islam confrérique mauritanien seraient aussi des signes d’un terrain propice à la propagande de l’EI.

Les graves problèmes de pauvreté, de racisme et de discrimination pourraient aussi pousser les jeunes à s’enrôler dans les armées terroristes de l’EI. Enfin, la situation de la Libye est très dangereuse car elle pourrait exporter leur guerre civile et les hordes djihadistes vers les pays voisins, la Tunisie, l’Algérie, le Maroc et la Mauritanie. Certes, Cheikh Aïdara a raison d’évoquer ces dangers potentiels.

Pourtant, malgré le terreau fertile mauritanien, je considère qu’en réalité la menace terroriste est bien moins importante qu’une possible augmentation des révoltes sociales spontanées (car il n’y a aucun dirigeant digne de ce nom), dont les signes annonciateurs sont les violences quotidiennes entre groupes statutaires, entre Noirs et Bidân, et l’augmentation de la criminalité.

Ces faits n’ont pas de rapport direct. Les frustrations sociales des groupes statutaires et ethniques s’accumulent depuis de nombreuses années, et elles ont commencée à s’exposer au grand jour, mais toujours de manière ponctuelle et non organisée.

Quant à la criminalité, elle doit être comprise comme le reflet d’une migration chaotique, d’un désordre urbain impressionnant, et d’un trop plein de misère, aggravé par le manque de contrôle social par les forces de police dans les rues des grandes villes.

La police a été quasiment démantelée au profit de la création d’un Groupement général de la sécurité routière (financée par l’Arabie saoudite) qui s’avère parfaitement incapable de gérer les conflits ordinaires, le banditisme et les crimes organisés.

Sur le plan national, le gouvernement mauritanien continue à conserver son aura de prestige international car on considère qu’il a freiné le danger terroriste.

• Le 19 octobre a eu lieu un Colloque à l’Assemblée nationale française sur la question du terrorisme au Sahel et la réponse apportée par la Mauritanie, qui n’a pas connu d’attentats depuis 2011. Le colloque était présidé par l’ex-colonel Peer de Jong et l’ancien juge anti-terroriste Jean-Louis Bruguière. La délégation mauritanienne a insisté sur le rôle joué par l’ancien général Abdel Aziz dans la réponse militaire déployée aux frontières et à l’intérieur du pays[14].

« Mais la réponse n’a pas été que militaire, elle s’est aussi jouée sur le plan régional par la mise en place d’une coopération étroite avec les pays voisins. La coopération avec le Mali a d’ailleurs été renforcée comme l’a annoncé, le 23 octobre dernier, le premier ministre mauritanien Yahya Ould Hademine.

La lutte contre les trafics en tout genre a permis de saper les bases économiques des groupes armés et un effort important a été fait auprès de la population (100 % du pays est musulman) afin d’assurer que l’Islam dévoyé des djihadistes n’a pas sa place dans une République qui laisse à la religion une place de choix dans le respect de chacun. »
(Maghrebnaute, Cridem du 9 novembre 2015).

La coopération militaire et des renseignements entre pays voisins est indispensable pour contrôler le danger terroriste ; cependant, il est probable que ce danger soit exagéré par les services mauritaniens pour conserver leur « bonne image » à l’international.

• Le 31 décembre, Cheikh ould Saleck, condamné à la peine de mort pour tentative d’assassinat, à la voiture piégée, contre le président mauritanien en février 2011, s’est évadé de la prison centrale de Nouakchott. Il avait avoué appartenir au groupe AQMI. Après sa fuite, il était recherché à Saint-Louis du Sénégal par la Police sénégalaise.

La Garde nationale mauritanienne, chargée de sa surveillance, est mise en cause et plusieurs agents ont été déférés dans le cadre de l’enquête judiciaire ouverte. Un codétenu de Cheikh ould Saleck a accusé le régisseur de la prison centrale, Cherif ould Hassen, d’avoir couvert son évasion s’absentant au moment des faits (RapidInfo du 12 janvier).

• Il a été finalement capturé le 19 janvier 2016 en Guinée Conakry avec son compatriote Mohamedine ould Samba et deux jeunes bissau-guinéens. Cependant, deux versions sont avancées sur cette capture. D’une part, celle du président guinéen Alpha Condé, qui déclarait à RFI que la Gendarmerie de son pays avait procédé à cette capture ; alors que, parallèlement, le porte parole du gouvernement mauritanien, Saleck ould Cheikh, déclarait que des policiers mauritaniens avaient arrêté Cheikh ould Saleck en Guinée (Le Calame du 23 janvier 2016[15]).

Le porte-parole a indiqué que Saleck s’était évadé déguisé en femme, et qu’il avait été conduit par un autre homme au fleuve Sénégal. Saleck et Mohamedine ont été extradés vers Nouakchott le jeudi 21 janvier dans un avion spécial de l’armée mauritanienne (RFI[16]).

Précisons ici que la situation des prisons est déplorable en Mauritanie. En janvier 2015, une mutinerie a éclaté à la prison centrale de Nouakchott, et de violents affrontements ont opposé gardes et prisonniers salafistes qui avaient des armes blanches. Selon RFI[17], au moins trois gardes ont été blessés et deux autres ont été pris en otages pendant plusieurs heures. Les salafistes protestaient du fait que certains avaient déjà purgé leurs peines depuis un mois et restaient encore en prison.

« Les forces de l’ordre ont fait usage de gaz lacrymogène et toute la zone autour de la prison a été bouclée pendant plusieurs heures vendredi. Après des heures de négociations, un accord a finalement été trouvé. Les autorités ont accepté de laisser sortir quatre prisonniers qui avaient déjà terminé de purger leur peine, mais qui n’avaient pas été libérés, à condition qu’ils relâchent les deux otages. C’est ce que raconte Cheikh Ould Hindi, bâtonnier de l’ordre des avocats joint cette nuit à la prison de Nouakchott. »
(RFI)

• Le 15 décembre, la Mauritanie a annoncé faire partie de 34 pays de la coalition mise en place par l’Arabie Saoudite pour lutter contre le terrorisme, selon le journal L’Authentique[18] :

« L’effort de guerre de la Mauritanie, à l’instar des autres pays embarqués dans la guerre se déclinera en termes d’informations, d’entrainements et de participation éventuelle de troupes au sol.

Les observateurs voient dans cette initiative saoudienne un souci de se dédouaner aux yeux d’une opinion de plus en plus persuadée que le Royaume des Ehel Saoudite, qui développe un islam sunnite radical, fournirait l’idéologie de guerre des djihadistes à travers son modèle salafiste intolérant et intransigeant. (…)

Ce serait pour se dédouaner de toutes ces accusations que l’Arabie Saoudite aurait monté cette grande coalition de pays sunnites, qui comprend outre la Mauritanie, des pays comme Jordanie, Émirats arabes unis, Pakistan, Bahreïn, Bangladesh, Bénin, Turquie, Tchad, Togo, Djibouti, Sénégal, Soudan, Sierra Leone, Somalie, Gabon, Guinée, Autorité palestinienne, Comores, Qatar, Côte d’Ivoire, Koweït, Liban, Libye, Les Maldives, Mali, Malaisie, Égypte, Maroc, Niger, Nigeria, Yémen, auxquels pourraient se joindre l’Indonésie.

Lors de la conférence de presse qu’il avait animée le 28 novembre dernier à Nouadhibou, le président Mohamed Abdel Aziz avait nié toute participation à la croisade saoudienne au Yémen, pour ceux qui feraient le parallèle avec cette annonce, oubliant de souligner que dans la question qui lui a été posée, il n’a pas été question d’une participation plus large avec l’Arabie Saoudite dans une éventuelle guerre contre le terrorisme.

Avec la présence d’unités de maintien de paix en Côte d’Ivoire et en Centrafrique, l’armée mauritanienne commence peu à peu à sortir de ses frontières pour des théâtres d’opération extérieures.

Ce qui n’est pas au goût d’une bonne partie de l’opinion publique nationale qui préfèrerait bien voir ses troupes cantonnées dans son territoire pour assurer sa défense.

Une position que réfuteraient les stratèges nationaux qui considèrent que la Mauritanie ne peut pas constituer une exception dans un monde où les responsabilités mondiales tendent à suppléer les réflexes de défense individuelle. »


• Le 24 décembre, le chef d’État-major de l’armée mauritanienne, le général Mohamed Cheikh ould Mohamed Gazouani a rencontré le ministre de la Défense, le prince Mohamed ben Salman ould Abdel Aziz à Riyad. Cette rencontre se plaçait dans le cadre de l’entrée de la Mauritanie dans la coalition militaire sunnite dirigée par l’Arabie saoudite[19].

• Le 27 décembre, le chef de l’État islamique au levant [EI], Abou Bakr al-Baghdadi, a lancé un appel au soulèvement en Arabie saoudite, critiquant la coalition des 34 pays musulmans qui, d’après ses propos, est « contrôlée par Israel et par les pays occidentaux. » (Le Monde, cridem[20]).

A suivre …./

Dr Mariella Villasante Cervello Instituto de democracia y derechos humanos, Lima, Perú [academia.edu]

…………………………………………………………………………..

[1] Voir http://maurisahel.net/joel-meyer-ambassadeur-de-france-en-mauritanie-a-la-tribune-la-mauritanie-est-un-pays-prioritaire-dans-notre-politique-de-partenariat-au-developpement/

[2] Voir http://www.noorinfo.com/L-ambassadeur-de-France-choque-par-les-propos-du-PM_a17190.html

[3] Voir le site http://eeas.europa.eu/mauritania/index_fr.htm

[4] Voir http://eeas.europa.eu/delegations/mauritania/press_corner/all_news/news/2015/150916_fr.htm

[5] Voir http://www.bgsmcs.fu-berlin.de/_media/Workshop_manuscrits_Mauritanie3007.pdf

[6] Voir http://www.nouakchott.diplo.de/Vertretung/nouakchott/fr/07__Culture__Sport/Mauretanische__Geschichte/_C3_9Cbergabe_20Enzyklop_C3_A4die_20Mrt_20Geschichte.html

[7] Voir http://adrar-info.net/?p=32172

[8] Voir http://www.lamoncloa.gob.es/serviciosdeprensa/notasprensa/mir/Paginas/2015/200115-mauritania.aspx

[9] Voir http://www.defensa.gob.es/gabinete/notasPrensa/2015/05/DGC-150525-morenes-se-reune-ministro-mauritano.html

[10] Voir http://fr.cntv.cn/2015/07/20/VIDE1437357962905596.shtml

[11] Voir http://cridem.org/C_Info.php?article=678793

[12] Voir http://www.lauthentic.info/spip.php?article11311

[13] Voir http://fr.africatime.com/mauritanie/articles/terrorisme-au-sahel-la-mauritanie-et-les-menaces-de-daech

[14] Voir http://cridem.org/C_Info.php?article=677338

[15] Voir http://cridem.org/C_Info.php?article=679948 Voir aussi http://cridem.org/C_Info.php?article=679886

[16] Voir http://www.rfi.fr/afrique/20160121-guinee-mauritanie-arrestation-jihadiste-cavale

[17] Voir http://www.rfi.fr/afrique/20150124-mauritanie-mutinerie-prison-nouakchott-salafistes-otages Voir aussi http://www.lequotidien.sn/index.php/international/antiterrorisme-les-polices-senegalaise-et-mauritanienne-sur-les-traces-de-ould-saleck-cheikh-point-a-saint-louis

[18] Voir http://cridem.org/C_Info.php?article=679007

[19] Voir http://cridem.org/C_Info.php?article=678933

[20] Voir http://cridem.org/C_Info.php?article=678979



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