28-06-2016 00:45 - Culture : Sahwa, honneur et codes….
Adrar-Info - Chez les Maures ( et aussi chez les Halpulaars, les Soninkés, les Wolofs, sous des formes un peu différentes) il existe tout un code de conduite qui a valeur de loi ; et qui, comme toute loi, codifie des frontières, des deadline à ne pas dépasser, des mépris pour ceux ou celles qui les transgresseraient, des « punitions », des rejets… Ou, à l’inverse, des récompenses morales.
Cet ensemble de règles instituées par la société s’appelle la Sahwa, la pudeur. Elle stratifie les comportements. Elle codifie. Elle cisèle les relations entre tous les membres d’un groupe, d’une fratrie, d’une famille, d’une tribu et, par delà , entre habitants du même espace socio culturel.
Elle est Force et pression. Elle est culpabilité et bienséance. Elle est le centre de tout et les frontières des autres. Dès la petite enfance elle nous est enseignée comme un mantra, afin de nous préparer à la vie en société ou, plutôt, aux multiples vies en société. Tout y est bien codifié : que peut on faire devant tel ou tel membre de la famille, à qui peut on parler, qui peut on regarder dans les yeux, comment se comporter, comment dire, comment effectuer les mille et une gestuelles quotidiennes, etc…
Elle enseigne aux hommes de s’effacer, physiquement, devant leur beau père. Elle enseigne aux femmes les retenues que l’on suppose inhérentes à nos conditions d’inférieures : ne pas allaiter devant nos frères aînés, ne pas appeler notre mari par son prénom… Gare à celle qui nommerait l’homme qui partage et son lit et sa vie! Ce conjoint là ne peut être que « IL », gommé jusque dans son identité.
De même, il faut à chaque femme, avoir un comportement digne, comme, par exemple, le jour de ses noces. Il est alors interdit de sourire, d’exprimer une quelconque forme de joie : la nouvelle épousée se doit d’être triste et de le montrer. Pendant que la fête, SA fête, bat son plein, que les amies dansent en honneur des nouveau mariés, que la musique fait chavirer la salle, la mariée est cachée derrière un voile, juste esquissée dans son voile de mariée.
Sous ce voile elle a les yeux baissés, la mine compassée : aucune vague sur son visage. Pas de sentiments. Surtout ne pas montrer son sentiment amoureux au risque de passer pour une fille de peu, mal éduquée et ne faisant pas honneur à sa famille et à son groupe.Surtout ne pas se réjouir, ne pas montrer, ne pas extérioriser. Lors de sa nuit de noce, surtout ne pas se laisser aller.
Etre pudique, rougissante. Ne pas dire les désirs. Ne pas trop exprimer pour ne pas passer pour une fille de « mauvaise vie ». La génération de nos grands mères allait encore plus loin : lors de l’acte sexuel, elles se couvraient le visage de leur voile. Honte des choses sexuelles.
Honte du corps. N’être qu’un ventre, un utérus… N’être pas femme et subir. N’être rien pour que le groupe soit tout… Toute sa vie de femme mariée, de mère potentielle et de femme, elle sera porteuse de la bienséance, porteuse du code : humilité, timidité, abnégation, fidélité, compassion, pieuse, peu encline aux démons de la chair, asexuée et repliée dans les tabous comportementaux.
Centre de la société et étendards involontaire des preuves de la moralité d’une famille. Cette femme est la Sahwa, même si cette pudeur s’applique aussi aux hommes. Elle est ce code, plus que les hommes, car c’est par le comportement féminin que nos groupes sociaux se définissent : le sang / honneur de la virginité, la pseudo noblesse de tel ou tel comportement, la prétendue incapacité féminine à ne pas, dans la liberté, incarner autre chose que le haram, la luxure, le mal….
Le péché et l’envie. Les femmes, centre de tout et de tous, comme frontières et barrières sociologiques par lesquelles la survie d’un groupe donné passe. La négation comme objet de survie culturelle…
Dans nos sociétés masculines qui ont tenté d’effacer les survivances du matriarcat de nos ancêtres berbères, les femmes sont et la vitrine et la face cachée, l’honneur et le déshonneur, l’amour et l’interdit, l’éducation et la désunion, l’être et le néant… La Sahwa comme instrument de servitude… Salomé
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