02-12-2016 19:45 - A Bruxelles, un spectacle d’Ewlade Leblade avec Diam Min Tekky crée une polémique [PhotoReportage]
Cridem Culture - "NON ! On ne prendra pas le même micro et on ne partagera pas le même ring si ce n’est pour un Battle de punch et d’Uppercuts. NON ![Mine niaamata e lahal Dawaadi. [On ne mangera pas sur le plat du chien]. Et ceci quel que soit la saveur ou le délice."
Ces quelques phrases assénées par le rappeur Yero Abdoulaye Sow, du Collectif de rap Minen Teye, postées sur sa Page Facebook, visent explicitement un autre groupe de rap, Ewlade Leblade, actuellement en tournée européenne.
Ces propos ont été tenus au lendemain d’un concert d’Ewlade Leblade à Bruxelles, le 25 novembre. Des affirmations qui vont très vite être le point de départ d’une polémique tout à fait imprévisible. Du coup, voilà que cette retrouvaille entre rappeurs mauritaniens en exil fait délier les langues, surchauffe les esprits, fait jaser. Explications.
Tout part d’un concert en Belgique du groupe de rap Ewlade Leblade, en tournée européenne. Lors de leur passage à Bruxelles, le collectif invite sur la scène un autre groupe de rap, aussi en exil, depuis l’arrivée au pouvoir de Mohamed Ould Abdel Aziz : Diam min Tekky. A leurs côtés, figure aussi Adama Diallo alias Omzo, qui vit à Bruxelles, depuis 3 ans. Ce dernier est membre du groupe de rap Minen Teye, où l’on retrouve une autre voix tonitruante en la personne de Yero Gaynako, qui s’est fait notamment connaitre par ses prises de position très tranchées sur le racisme d’Etat et les inégalités sociales.
D’ailleurs, c’est lui qui va dégainer la première missile pour s’attaquer au groupe de rap Ewlade Leblade via sa page Facebook.
Lors de cette soirée, à Bruxelles, le groupe appelle au départ de l’actuel locataire de la Présidence de la République, Mohamed Ould Abdel Aziz, au pouvoir depuis 2008. Un appel insolite, selon le rappeur Yéro Gaynako.
D’ailleurs, dans sa longue diatribe en vidéo intitulée "La mémoire courte de la jeunesse mauritanienne" postée sur sa Page Facebook et qui a atteint plus de 4200 vues, Yéro Gaynako n’y va pas par quatre chemins : "Pendant qu’on réprimait IRA et TPMN, vous étiez au Festival des villes anciennes pour chanter les éloges de votre président (Ould Abdel Aziz, Ndlr), celui qui vous a gâté avec des millions, des voitures, des voyages, une visibilité énorme dans les télévisions, radios, panneaux publicitaires, pendant que nos concerts sont abusivement arrêtés par des policiers. Vous étiez vraiment les vrais WLAD LEBLAD. Que s’est-il passé, sommes-nous des cons à la mémoire courte ? Où nous sommes en train de rêver ? Aujourd’hui, ceux qui avaient battu campagne pour le diable reviennent pour lui dire dégage avant même la fin de son mandat."
Contacté par Cridem Culture, Izaaq, du groupe d’Ewlade Leblade, caricature la sortie de Yéro Gaynako. Pour lui, ce dernier fait preuve d’étroitesse d’esprit. "Il peut dire ce qu’il pense. Nous avons d’autres priorités qui concernent le devenir de la Mauritanie", rétorque Izaaq, sans plus de commentaires.
Dans la ligne de mire de cette sortie de Yéro Gaynako, le groupe Diam Min Tekky et Adama Diallo alias Omzo, son ancien partenaire au groupe, Minen Tèye, en ont pris leur grade, pour avoir été aux côtés d’Ewlade Leblade.
-"On est plus grand que ça"-
Interrogé par Cridem Culture, Mar Ba, membre du groupe de rap Diam Min Tekky, assume leur participation à ce concert d’Ewlade Leblade, tout en tenant à mettre les points sur les "i" au sujet de leur conviction qui, dit-il, n’a pas pris de rides.
"Notre position, c’est notre position et elle reste la même. On est engagés et personne ne peut changer notre engagement. Ewlade Leblade, après tout, ce sont des mauritaniens. La position d’Ewlade Leblade n’engage qu’Ewlade Leblade. Nous, aussi, tout ce que nous faisons, ça n’engage que nous. On est montés sur la scène, parce que nous avons été invités. Juste, pour dire qu’on n’est plus grand ça", explique Mar Ba.
Il rappelle : "Pourquoi aujourd’hui les gens doivent condamner les artistes qui ont partagé la scène avec Ewlade Leblade. Combien de fois, on a partagé de scènes avec Ewlade Leblade. On ne peut pas les compter. Le premier festival Assalamalekoum, on l’a tous fait ensemble. Disiz La Peste, quand il est venu en Mauritanie, on a fait un featuring, qui a réunit aussi Ewlade Leblade, Military Underground... L’essentiel, nous sommes des artistes mauritaniens. Tout artiste mauritanien qui vient ici en Belgique pour un spectacle, on va venir regarder, s’il nous invite sur scène, on va venir la partager avec lui. Nourra Mint Seymali était venue récemment ici, on est venus et on l’a soutenu".
En guise de piqûre de rappel, Adama Diallo dit Omzo, lui aussi a publié sur sa Page Facebook, une vidéo, pour expliciter sa position et montrer que ceux qui s’érigent en donneurs de leçon, Yéro Gaynako en premier, sont mal placés pour le faire.
"Aujourd’hui, les propos d’Ewlade Leblade me parlent. Ils ont de la portée. Maintenant, c’est au peuple mauritanien de gérer leurs erreurs du passé. L’essentiel, pour moi, le groupe a pris conscience de la situation qui prévaut ces derniers temps en Mauritanie. Et je pense que les rappeurs qu’ils sont peuvent réussir là où les politiciens ont échoué, en fédérant la jeunesse mauritanienne en haut de l’affiche lorsqu’il s’agit de défendre cette Mauritanie multiculturelle", a-t-il confié à Cridem Culture.
Les internautes n’étaient pas en reste notamment sur Facebook où chacun a fait foisonner son avis…Selon des sources, ces retrouvailles seraient le prélude de la création d'un mouvement de contestation pacifique initié par Ewlade Leblade pour dénoncer entre autres les atteintes aux droits de l'Homme, à la liberté d'expression en Mauritanie.
Par Babacar Baye NDIAYE
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