01-03-2019 17:16 - Vidéo. Mauritanie : le rappeur Monza revient avec le titre de "MNSR LPRSDNT"

Vidéo. Mauritanie : le rappeur Monza revient avec le titre de

Cridem Culture - Le rappeur Monza a mis en ligne depuis le 25 février, son dernier clip "MNSR LPRSDNT", une chanson dans laquelle, il transmet "le cri du peuple" mauritanien, explique le rappeur à Cridem Culture. Non sans passer au peigne fin les maux dont souffre la Mauritanie et sa jeunesse. Entretien.

► Cridem Culture : Vous interpellez le président, sur quoi l’interpellez-vous ?

Monza : Merci de m’avoir sollicité et me donner l’occasion d’exprimer mon opinion de citoyen mais aussi d’artiste. Je n’interpelle pas seulement le président de la république, je lui transmet le cri du peuple. Je ne fais que mon devoir d’artiste, celui de dire tout haut ce que tout le monde dit tout bas dans les salons et dans les coins des rues. Je suis sûr qu’il y’a beaucoup de personnes, d’où qu’elles soient, qui disent à monsieur le président plein de choses pour lui faire plaisir et gagner ses faveurs sans jamais oser décrire la vérité dont ils ou elles sont témoins au quotidien. Je ne serai jamais de ceux là.

Il y’a celles et ceux qui s’adressent à l’autorité pour lui dire ce qu’elle veut entendre et les autres qui se soucient de ce pays et de son unité, de son positionnement et de son peuple, ceux là qui disent ce qu’ils pensent en se basant sur des faits, ces fils de l’humanité qui pensent l’Afrique et sont ouvert au monde. Je suis de ceux là et je prie Allah de le rester.

► Cridem Culture : Où avez-vous tourné le clip ? Qui l’a réalisé ? c’est quel genre musical ?

Monza : Cette chanson que j’ai composé entre 2012 et 2016, a pris beaucoup de temps à voir le jour. Elle est le fruit de plusieurs collaborations. D’abord enregistré chez mon grand frère et ami de toujours, Awadi, au studio Sankara à Dakar, par Darch et Masson. Les chœurs ont été fait par Daniela Ahanda (Cameroun), une des finalistes de The Voice Africa 2017. J’ai tourné le clip durant le mois d’octobre 2018 à Las Palmas Gran Canaria alors que j’étais au Womex, The World Music Expo’, le plus grand marché des musiques du monde. Pendant que je faisais une interview avec une radio Allemande, le journaliste Clemens Grün m’a proposé de tourner le clip d’une de mes chansons avec son équipe dont Léo Saller qui nous a rejoint pour réaliser cette vidéo.

Mon choix s’est porté sur ce titre par la particularité de la musique, un rap mauritanien avec des sonorités ñjarru halpulaar joué par monsieur Gueladio Bâ, mais aussi parce que j’assume le propos politique de mon message artistique. Cependant, que les choses soient claires, je ne fais pas de politique, je ne suis non plus apolitique, Kane Limam Monza est un artiste et apartisan. Pour finir, je dirai que ce titre est le fruit de rencontres d’horizons divers, c’est cela aussi d’être itinérant et nomade. Ce morceau est à l’image de la musique, sans frontières comme le propos de son refrain, transposable dans presque les 243 territoires qui font notre planète.

► Cridem Culture : Dans le clip, on vous voit porter un tee-shirt à l’effigie de Thomas Sankara. Quel message transmettez-vous ?

Monza : Sankara c’est pour l’esprit panafricain qui m’anime, nourrit ma réflexion et dicte ma trajectoire. Sankara parce qu’il ne suffit pas de prononcer le nom du vaccin pour soigner la maladie. Sankara parce que comme lui je suis et demeure attaché à mon pays dans une philosophie de rupture et de redéfinition du partenariat avec le monde. J’assume être un enfant spirituel de Sankara ou encore de Frantz Fanon mais Sankara aussi pour le symbole, pour son amour pour l’Afrique que je compare au mien pour la Mauritanie. Le message c’est lui qui le disait, et j’assume la même chose à dire comme Noël Isidore de son nom que :  «Vous ne pouvez pas accomplir des changements fondamentaux sans une certaine dose de folie. Dans ce cas précis, cela vient de l’anticonformisme, du courage de tourner le dos aux vieilles formules, du courage d’inventer le futur. Il a fallu les fous d’hier pour que nous soyons capables d’agir avec une extrême clarté aujourd’hui. Je veux être un de ces fous. Nous devons inventer le futur.»

► Cridem Culture : Qui est Hamada que vous citez dans la chanson ? Vous l’utilisez pour indexer quoi ?

Monza : J’ai écrit ce phrasé sur mon frère Hamada du groupe Ewlaad Leblaad, que la rue appelle aujourd’hui Igawoun Leblaad « Griots du bled ». Je parle de lui à un moment où il a été incarcéré. Je parle de lui par solidarité à l’artiste mais aussi parce que je reste dans mon rôle et la mission d’ambassadeur Artwatch Africa pour La Défense des artistes et de la liberté d’expression et de création.

Je ne défendais pas au moment d’avoir écrit cette rime, son problème de mœurs, je voyais l’artiste incarcéré même si je ne suis pas forcément d’accord avec les artistes qui fuient le pays, même si être artiste en Mauritanie est un défi car rien n’est propice à l’éclosion et c’est cela la raison valable de rester pour créer le cadre, la où l’Etat a des priorités fixées par la géopolitique et les enjeux internationaux, sécurité, conflits et Migration. En parlant de cela, personne ne s’intéresse à la migration intermédiaire, ceux là qui quittent leur pays et restent bloqués dans un pays d’avant leur « eldorado » de destinations. Ceux là, la plupart restent parce qu’ils ont réussi contrairement à beaucoup qui fuient leur pays et ont parfois honte de rentrer.

Revenons aux artistes que nous sommes, nous avons certes un rôle à jouer mais l’artiste mauritanien n’a même pas de statut et le ministère de la culture n’a tellement pas de vision que c’est les artistes eux-même qui créent leur propre cadre et il est grand temps pour notre pays de rattraper ce retard car l’environnement est plus que propice à développer ce chantier. Il est aussi grand temps que les artistes arrêtent d’être des pions comme c’est le cas de beaucoup d’entre eux en Mauritanie. Un artiste doit savoir être en aparté tout en assumant son propos politique, pas comme Hamada et son groupe avec qui on l’entend bien, en les écoutant, sans aucun doute, les grincements d’un marionnettiste, parce que ça s’entend.

A jeter toujours des flèches, on finit par ne plus savoir viser. Il faut aujourd’hui avoir du dépassement et ne plus jeter des pierres mais construire avec. Et la Mauritanie a besoin de cela y compris les « Hamada », ainsi que tous ses fils. C’est l’heure des vrais patriotes, ceux ou celles qui respirent avec le poumon du peuple.

► Cridem Culture : Vous sortez la chanson à quelques mois de l’élection présidentielle. Est-ce que c’est une manière de jeter le pavé dans la marre, pour dire que la jeunesse mauritanienne aura son mot à dire ?

Monza : Non ce n’était pas prévu comme cela ! C’est un concours de circonstances. Depuis peu j’ai une nouvelle chaîne VEVO, après une signature de mon label avec The Orchard music de la maison mère Sony music à New York et le temps de traitement des vidéos prend des semaines parfois. Cela n’a rien à voir avec les élections car c’est le quotidien mauritanien que je partage dans cette chanson simplement. Il ne s’agit plus de jeter le pavé dans la mare, cela nous l’avons fait depuis longtemps. Aujourd’hui il y’a des choses importantes auxquelles il faut rester attentif et réactif.

L’agenda de la Jeunesse n’est plus négociable et nous avons un devoir de contribution mais aussi une responsabilité de citoyen et d’artiste à jouer le rôle qui nous incombe, celui de mettre notre pays sur la carte du monde et c’est ce que je fais. Jacques-Yves Cousteau disait que « les missions impossibles sont les seules à réussir » et cela a tout son sens en Mauritanie et comme le dit Fanon : « Chaque génération dans une relative opacité doit découvrir sa mission: l’accomplir ou la trahir ». Je préfère l’accomplir quel qu’en soit le prix.

Nous sommes très nombreux à agir en rupture avec le communautarisme et de promouvoir partout notre pays et sur toutes les sphères, même là où l’état est absent parfois dans certaines instances internationales. Croire en la rupture avec toutes ces polémiques qui divisent les mauritaniens, défendre l’intérêt du peuple et du citoyen pour que ne prévale qu’un seul type de mauritanien, celui là qui est de partout à la fois, parle les langues des uns et celle des autres, ce mauritanien là qui s’accepte et fier d’être arabophone parce que musulman, francophone grâce à l’école, polyglotte de par les voyages et la rencontre. Il y’a un grand paradoxe en Mauritanie à savoir ceux là qui nous tympanisent avec l’arabisation sont ceux là même qui envoient leurs enfants à l’école française, alors pourquoi ne soyons nous pas juste un peuple qui vit et va avec son temps !

C’est cela aussi aujourd’hui la Jeunesse de la RIM, celle qui consomme le RapRIM à 80%, plus de 25 ans de rap de la rue aux maisons, jusqu’à la présidence parce que le rap s’est frayé ce chemin là, faisant pas moins de 9000 groupes dans toutes les régions, soient près de 27000 individus qui font cet art et il est temps qu’on le formalise car le rap rim est aujourd’hui la musique la plus consommée par la Jeunesse. Ceci est factuel et c’est bien par sélection naturelle que ce mouvement est arrivé à avoir son mot à dire. Et c’est cela la jeunesse. On ne pourra pas construire ce pays sans la jeunesse et il serait judicieux de le considérer. Et si la Mauritanie est une jungle aujourd’hui, sa jeunesse est comparable au lion d’Al Mutanabbi et comme il le dit si bien « Si du lion tu vois les dents, ne crois pas qu’il te sourit ».

► Cridem Culture : Est-ce que c’est le président Aziz que vous interpellez directement ?

Monza : Je pense avoir répondu à cette question, à la première question plus haut. Cela dit j’ajouterai faire partie de ceux qui sont soulagés par l’annonce de la non candidature du président de la république et de sa conviction de respecter la limitation de mandat. Je ne le félicite pas pour ça car c’est son rôle de premier citoyen et par conséquent donne le bon exemple. Nous le féliciterons lorsqu’il s’en ira en laissant à la Jeunesse dans chaque quartier et chaque ville de l’intérieur un espace physique et écologique pour les jeunes où ils peuvent s’épanouir et se former ! Cela est possible car tout cela a été pensé par d’autres et ne demandent que deux semaines et très peu de moyens pour être réalisés car si on occupe pas les jeunes, bientôt il n’en restera presque plus à cause des 108, eau de roche, pirogues ou radicalisme et extrémisme…et j’en passe.

Monsieur le président pourrait encore partir par la grande porte et c’est le moment que les citoyens doivent choisir pour l’accompagner à y arriver et mieux partir comme il l’a promis. Et que le peuple élise un programme mais pas des individus car les hommes doivent continuer à passer et que restent, mûrissent et grandissent des institutions fortes en Mauritanie, tel est notre plus grand défi.

â–º Propos recueillis |
â–º Par Babacar BAYE NDIAYE

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Source : Cridem Culture
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