08-03-2019 15:51 - Ces chanteuses africaines qui font bouger les lignes : Malouma citée parmi dix chanteuses militantes
RFI - Dans leurs pays ou à l’échelle du continent, voire de la planète, en actes concrets ou sur les consciences, elles sont actrices du changement et utilisent leur notoriété acquise sur scène et en studio pour faire avancer leurs idées. À l’occasion de la Journée internationale des femmes, RFI Musique met en avant dix chanteuses d’Afrique militantes et engagées sur le plan sociétal.
Yemi Alade (Nigeria)
Il y a quelques mois, le magazine Forbes Africa, déclinaison africaine du célèbre magazine économique américain, classait Yemi Alade parmi les 30 personnalités de moins de 30 ans capables de faire changer les choses en Afrique : en une demi-décennie et trois albums, la reine de l’afropop s’est imposée bien au-delà du Nigeria et des États voisins.
Celle qui cherche à faire évoluer les regards portés sur son continent et encourage les femmes à prendre toute leur place ne cache pas son admiration pour Miriam Makeba – son deuxième disque s’appelait Mama Africa – ainsi que pour Angélique Kidjo.
Charlotte Dipanda (Cameroun)
À l’occasion de l’édition 2019 de la Journée internationale des femmes, Charlotte Dipanda endosse le rôle d’ambassadrice de la cause féminine en célébrant l’événement au Gabon aux côtés de plusieurs autres chanteuses africaines, dont l’Ivoirienne Monique Seka, réunies dans le collectif Chœur de femmes.
La Camerounaise trentenaire, qui a invité la Nigériane Yemi Alade sur son quatrième album paru en 2018, est devenue une personnalité de premier plan sur la scène musicale africaine. Membre du jury de l’émission de télévision The Voice Afrique francophone en 2017, elle a annoncé le lancement de sa fondation destinée à favoriser la scolarisation des jeunes filles de son pays.
Barbara Kanam (République démocratique du Congo)
Au Mali, au Burkina, au Nigeria ou encore à l’échelle panafricaine, la Congolaise Barbara Kanam a très souvent été récompensée par l’industrie musicale en vingt ans de carrière au cours desquels elle a sorti quatre albums.
Si ces nombreuses distinctions viennent souligner ses qualités de chanteuse, celle qu’on qualifie volontiers de diva s’est illustrée aussi pour récolter des fonds contre le virus Ebola, lutter contre le cancer de l’enfant ou en allant à la rencontre des femmes victimes de viol dans son pays.
À travers la Fondation Kanam, elle veut soutenir les enfants affectés par les conflits armés en RDC, interpeller l’opinion et encourager les efforts de paix. L’artiste s’est aussi lancée en politique en se présentant aux élections législatives nationales de décembre 2018.
Angélique Kidjo (Bénin)
Sous l’Arc de Triomphe à Paris, ce 11 novembre 2018, devant un parterre de chefs d’État réunis pour célébrer les cent ans de la fin de la Première Guerre mondiale, Angélique Kidjo entonne Blewu, une chanson de Bella Bellow.
Habituée à se produire dans les événements internationaux et à faire entendre sa parole forte, la chanteuse béninoise aux trois Grammy Awards qui rêvait d’être avocate pour défendre les droits de l’homme s’engage sur tous les fronts.
Récompensée en fin d’année dernière en Allemagne par le Prix du développement durable, ambassadrice de l’Unicef, militante d’Oxfam et distinguée par Amnesty International, elle agit aussi depuis 2006 à travers sa fondation Batonga destinée à aider les jeunes filles et femmes en difficultés en Afrique.
Miriam Makeba (Afrique du Sud)
Symbole de la résistance à l’apartheid, prônant l’émancipation de son continent, la Sud-africaine Miriam Makeba (1932-2008) a fourni un exemple de réussite au féminin à plusieurs générations de jeunes filles en quête de modèles. Celle qui a incarné son continent au point d’être longtemps appelée "Mama Africa" fait figure de référence.
Son exil en Guinée, à partir de 1969, a amplifié à la fois la dimension panafricaine de ses engagements et la résonance de sa musique sur le continent. De la Béninoise Angélique Kidjo à la Tchadienne Mounira en passant par la Burundaise Khadja Nin ou l’Ivoirienne Aicha Koné, l’influence de Miriam Makeba est un héritage commun, patrimoine matériel et immatériel que chacune tient à faire vivre à sa façon, pour l’inscrire un peu plus dans le temps, et dans les esprits.
Malouma (Mauritanie)
En Mauritanie, elle est "la chanteuse du peuple". Issue d’une famille de griots, Malouma porte depuis les débuts de sa carrière une parole qui lui vaut à la fois le respect de ses compatriotes et les foudres des autorités du pays. Elle a payé le prix de son engagement contre les carcans défendus par la tradition, comme les mariages forcés, en étant longtemps interdite de scène.
Et si elle occupe depuis 2007 un siège de sénatrice de l’opposition qui lui donne l’opportunité de faire avancer ses idées progressistes, elle n’en reste pas moins en permanence dans le collimateur de ses adversaires : en témoignent les accusations de tentative de déstabilisation auxquelles l’artiste devenue femme politique fait face depuis 2017 et qui l’ont conduite à être placée sous contrôle judiciaire.
Emel Mathlouthi (Tunisie)
Sa chanson Kelmti Horra, qui signifie "Ma parole est libre" en arabe, fait figure de bande-son de la Révolution de jasmin, l’étape tunisienne du Printemps arabe. Emel Mathlouthi était revenue quelques jours dans son pays natal pour faire un break dans la préparation de son premier album, fin 2010, quand a démarré ce soulèvement populaire dont les revendications faisaient écho aux idéaux sociopolitiques de la jeune femme.
Assumant son féminisme, son anticapitalisme et ses positions idéologiques fortes, notamment en faveur de la Palestine, la chanteuse installée aujourd’hui aux États-Unis est une artiste qui dérange, mais dont la voix compte pour ses compatriotes : après l’avoir déprogrammée en 2017, le festival de Carthage a dû revenir sur sa décision sous la pression populaire.
Suzanna Owiyo (Kenya)
Deux minutes peuvent parfois beaucoup compter dans une carrière, comme ce jour de juin 2008 où, devant près de 50 000 spectateurs, Suzanna Owiyo a eu l’honneur d’ouvrir le grand concert donné pour les 90 ans de Nelson Mandela à Hyde Park, au centre de Londres.
La chanteuse kenyane est souvent comparée à Tracy Chapman pour son timbre de voix, mais Miriam Makeba occupe dans son univers une place centrale, tant par les hommages qu’elle lui a rendus en chansons que par ce sens du militantisme qu’elle a fait sien.
Ambassadrice de bonne volonté du Programme des Nations unies pour l’environnement, impliquée dans de très nombreuses campagnes de sensibilisation ou pour récolter des fonds à des fins humanitaires, elle a également mis en place en 2010 l’ONG Suzanna Owiyo Trust.
Oumou Sangaré (Mali)
Lorsqu’Oumou Sangaré fait entendre sa voix à la fin des années 1980, c’est pour défendre les droits des femmes, en dénonçant notamment la polygamie, et attirer l’attention sur leur condition, comme elle l’a fait récemment avec le collectif des Amazones d’Afrique.
Récompensée par le Prix de la musique de l’Unesco, ambassadrice de bonne volonté pour la FAO, la chanteuse du Wassoulou défend sans relâche son engagement en faveur des plus démunis, finançant un orphelinat, soutenant l’Association des mères et enfants du Mali. Ses succès comme femmes d’affaires nourrissent également sa notoriété : compagnie de taxis, hôtel, ferme… Sa réussite au Mali a valeur de modèle.
Rokia Traoré (Mali)
En français, en arabe, en anglais et dans plusieurs langues africaines, Rokia Traoré prévient les candidats à l’émigration : "Sois conscient". La chanteuse malienne pointe en chanson les dangers et les risques de leur entreprise, dans le cadre de la campagne Aware Migrants cofinancée par l’Italie et l’Organisation internationale pour les migrations. Parallèlement à sa carrière, marquée par six albums depuis 1998, Rokia participe à travers le monde à de nombreux projets en faveur du développement et a lancé à Bamako la Fondation Passerelle afin de soutenir les projets culturels.
Par Bertrand Lavaine