02-06-2022 16:10 - Mauritanie : le sens de priorités, l'or ou l'agriculture ?!

Mauritanie : le sens de priorités, l'or ou l'agriculture ?!

La semaine dernière, à travers un communiqué, le Ministère des Affaires Islamiques a demandé à tous les Imams du pays de prononcer une « Khotba » unifiée consacrée au prix de la …. dot pour le mariage !

A la lecture de ce communiqué, beaucoup de personnes ont d’abord pensé qu’il s’agissait d’une blague ou d’une « fake news », tellement la nouvelle semblait ahurissante. En effet, avec tous les enjeux que connait le pays aujourd’hui, de la hausse vertigineuse de prix des denrées de première nécessité, à l’unité nationale mise à mal chaque jour un peu plus, en passant par les prémisses d’un dialogue politique inclusif, il est tout simplement hallucinant qu’un ministère trouve pertinent de parler de la dot !

C’est vraiment ce qu’on appelle avoir le sens des priorités.

Mais là n’est pas notre sujet, l’objectif était tout simplement d’illustrer comment on choisit parfois ses priorités dans notre pays. Et ce phénomène n’épargne nullement les orientations stratégiques.

La ruée vers l’or

Ainsi, au moment où tous les pays du monde consacrent des efforts considérables au développement de l’agriculture, en Mauritanie, le gouvernement « encourage » des dizaines de milliers de jeunes à aller dans des mines artisanales pour chercher de l’or, souvent au risque de leur vie. Depuis 2016, ils sont quelque 50.000 Mauritaniens à s’être inscrits pour demander leur licence d’exploitation d’or.

En effet, dès l’apparition du phénomène, au lieu de dissuader les candidats à l’aventure, les autorités délivrent des permis aux orpailleurs afin de « réglementer leur activité ». Pour obtenir l’autorisation de chercher de l’or, "il faut être citoyen mauritanien, avoir un détecteur de mine dûment dédouané, payer une taxe de 100.000 ouguiyas anciennes" et "s’engager à revendre son produit aux structures étatiques désignées à cet effet pour éviter les sanctions prévues".

Autant dire des entrées considérables d’argent pour l’Etat et autant de ressources (financières et humaines) perdues par des citoyens qui auraient pu être investies dans de petites exploitations agricoles, avec beaucoup moins de risque. En effet, ce sont essentiellement les jeunes qui s’improvisent orpailleurs au moment où le pays est dépendant à presque 90% de l’extérieur pour sa consommation en fruits et légumes.

Miser plutôt sur l’agriculture

Depuis 1960 jusqu’à nos jours, la valeur ajoutée par actif agricole à beaucoup diminué avec pour conséquences une augmentation des importations et une aggravation de la pauvreté dans notre pays en milieu rural. Chaque année, notre pays doit importer des tonnes et des tonnes de céréales pour les besoins.

Il est plus qu’urgent que le gouvernement élabore une véritable stratégie de services agricoles mettant en place davantage des centres de services et de fonds régionaux de développement pour répondre aux besoins du secteur agricole. Pour cela, il est indispensable de mettre en œuvre d’urgence un certain nombre de mesures à même de dynamiser le secteur agricole. Sans être exhaustif, on peut par exemple, développer les services aux agriculteurs à travers la consolidation du réseau de centres de services agricoles dans trois régions agricoles du pays et la mise en place d’un fonds régional de développement agricole dans la vallée du fleuve et dans l’Adrar.

Il faudrait par ailleurs pérenniser le système d’information sur le secteur ; appuyer la stratégie nationale et de formation agricole par la mise en place d’une assistance technique avec les agronomes, les ONG, et les techniciens qui attendent d’être consultés pour leurs expériences et expertises ; permettre de mobiliser des cofinancements en soutien de l’Etat.

Défis et enjeux majeurs

Le développement du secteur agricole joue un rôle essentiel à plusieurs égards : i) contribuer à la croissance économique qui passe par l’augmentation, la stabilisation et la diversification (verticale et horizontale) des productions et l’adaptation de l’offre à une demande croissante et diversifiée ; ii) stabiliser la population en zone rurale en améliorant ses conditions de vie, notamment par l’augmentation de ses revenus ; iii) améliorer la sécurité alimentaire et réduire les inégalités d’accès sociales et géographiques à l’alimentation ; iv) réduire les importations de produits alimentaires et augmenter les exportations de ceux qui bénéficient d’avantages comparatifs. Toutes filières confondues et quels que soient les systèmes de production, les facteurs limitants sont presque tous similaires : i) insuffisance ou mauvaise qualité des intrants ; ii) rareté et mauvaise qualité des infrastructures et des moyens de production adaptés ; iii) diversités des contextes et des unités de production ; iv) faible diversification agricole et valorisation des produits ; v) manque d’entretien des ouvrages hydroagricoles ; vi) insuffisance des instruments financiers ; vii) faiblesse de structuration des producteurs ; viii) et formations et conseils techniques inadéquats.

Le défi ici est de renforcer les chaînes de services diversifiés qui vont de l’approvisionnement des facteurs de production à leur mise en place en passant par la formation et les conseils agricoles et en irrigation. Elles impliquent l’ensemble des acteurs publics, privés et associatifs, y compris les organisations de producteurs et les prestataires (ONG).

Le secteur agricole doit d’abord accompagner les changements démographiques structurels marqués par, d’une part, un accroissement rapide d’une population de plus en plus urbanisée et sédentarisée et, d’autre part, une pyramide des âges qui montre une prépondérance des moins de 25 ans. Ces tendances structurelles soulèvent des interrogations cruciales mais non moins ambivalentes. D’un côté, la très forte croissance démographique est le résultat d’une baisse de la mortalité, qui est un acquis des progrès sanitaires. De l’autre, la « cohorte » de jeunes actifs qui « déferle » dans les centres urbains est considérée soit comme un « bonus démographique ».

Quel que soient le point de vue, l’enjeu principal consiste, à la fois, à faire face à la demande alimentaire croissante et à capter les bénéfices de ce dividende démographique en sécurisant le plus grand nombre de jeunes actifs.

L’agriculture actuelle ne peut continuer à absorber qu’une partie des jeunes ruraux ; les exploitations agricoles, la taille des exploitations agricoles se réduisant. Ne trouvant pas de débouchés dans le milieu rural et/ou le secteur formel moderne, l’alternative qui s’offre aux jeunes actifs est de vivre d’expédients dans le secteur informel et/ou d‘émigrer vers les pays voisins et les pays du nord. Relever le défi de l’emploi des jeunes implique d’achever la transition (ou la transformation) vers une intégration de l’économie urbaine et de l’économie rurale.

Les changements dans les habitudes de consommation et les modes d’accès aux produits alimentaires entraînent le développement de nouvelles activités le long des chaînes de valeur alimentaire. Les activités générées représentent un important potentiel d’emplois pour les jeunes. Ces derniers pourraient s’investir dans les élevages (notamment urbains) à cycle court et être partie prenante dans les filières agroalimentaires (dans la production, transformation, transport et vente).

Sikhousso





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Commentaires (1)

  • hamadel (H) 02/06/2022 16:19 X

    ils sont en déphasage avec le peuple .on se marie plus. 95% des Mauritaniens ne cherche ne cherche qu'a manger maintenant