06-10-2022 19:00 - Bouhoubeyni (CNDH) : "En matière des droits de l’homme, beaucoup a été réalisé, beaucoup reste à faire"

Bouhoubeyni (CNDH) :

Le Calame - A l’entame de cet entretien, nous voudrions connaître votre avis par rapport à la signature d’un accord entre les partis politiques et le ministère de l’Intérieur pour l’organisation consensuelle des prochaines élections locales. A votre avis, cet accord serait-il un pas vers des élections apaisées et incontestées ?

Me Ahmed Salem Ould Bouhoubeyni : Naturellement toutes les fois qu’un processus électoral est inclusif, les élections gagnent en crédibilité

Le pire en démocratie, c’est ce qu’on a vécu de façon récurrente en Mauritanie, des élections organisées unilatéralement, le boycott, la non reconnaissance des résultats etc....

Je suis bien placé pour apprécier à sa juste valeur ce consensus. J’ai en effet présidé le forum de l’opposition (FNDU) ; à cette époque il y avait d’un côté un pouvoir têtu et une opposition radicale. La démocratie en a souffert.

Donc je ne peux que me réjouir de cet accord même si les partis politiques nous ont habitué lors des précédentes négociations à se focaliser non sur ce qui sert et renforce la démocratie mais plutôt sur des petits partages des sièges de la CENI, du conseil constitutionnel, lesquels devaient normalement être confiés à des professionnels indépendants.

Vous êtes à la tête de CNDH depuis quelques années. Pouvez-vous nous dresser l’état des lieux des droits en Mauritanie ? Quelle place occupe notre pays dans le classement mondial, africain et arabe en termes de respect des droits de l’Homme ? De quels instruments juridiques la Mauritanie peut-elle se vanter aujourd’hui?

Oui je peux aisément en tant que président de la Commission Nationale des droits de l’Homme dresser l’état des lieux des droits de l’homme en Mauritanie ainsi: beaucoup a été réalisé, beaucoup reste à faire.

Il n’existe pas de classement mondial fiable en matière de droits de l’homme. Un pays peut être bien classé en matière de liberté d’expression et d’association et mal classé en ce qui concerne les prisons ou les droits économiques et sociaux. L’essentiel pour un pays est d’être en mouvement permanent tendant à la réalisation de l’objectif de promotion et de protection des droits de l’homme

Plusieurs progrès ont été réalisés au cours des dernières années en matière des droits de l’homme en Mauritanie. Parmi lesquels:

-Le renforcement de l’efficacité des institutions œuvrant dans le domaine des droits de l’homme et la création d’autres institutions comme la Délégation générale à la solidarité nationale et à la lutte contre l’exclusion, le Mécanisme national de prévention de la torture, le Conseil national de l’enfance et l’Observatoire national des droits des femmes et des filles.

-Les rapports exigés par les organes conventionnels ont été soumis.

-Les visites des rapporteurs spéciaux, traitant des questions de la torture, de l’extrême pauvreté et des formes contemporaines d’esclavage, avaient été acceptées.

-L’adoption d’une loi relative à la prévention et la répression de la traite des personnes et la protection des victimes.

-La mise en place d’un comité ministériel chargé des droits de l’homme ainsi qu’un comité technique chargé de la préparation des rapports sur la mise en œuvre des accords et le suivi de la mise en œuvre des recommandations des organes conventionnels et de l’Examen périodique universel.

La CNDH a joué un rôle important dans la vulgarisation de la loi réprimant l’esclavage et nous avons mis en place un mécanisme de vérification des cas signalés.

Nous avons un mécanisme de plainte qui fonctionne bien et qui vient d’être élargi à certaines régions.

Il y a cependant beaucoup de défis qui restent à relever.

J’ai assisté à la 51ème session du Haut conseil des droits de l’homme des Nations Unies. Les efforts déployés par la Mauritanie en matière de droits de l’homme ont été salués plusieurs fois notamment par la représentante des États Unis lors de son intervention le 30 septembre et le rapporteur spécial sur les formes contemporaines d’esclavage lors de son intervention le 15 septembre.

Il convient de s’en réjouir sans que cela n’occulte les défis et le travail qui reste à accomplir

Depuis son arrivée au pouvoir, le président de la République tente de trouver une solution consensuelle au dossier dit Passif humanitaire avec les associations représentatives des ayants droit. Comment la CNDH a-t-elle accueilli cette initiative? Quel rôle pourrait jouer la CNDH dans cette recherche de solution? Pensez-vous qu’on pourrait arriver, cette fois-ci, à une solution définitive à ce douloureux dossier ?

La CNDH a reçu l’ensemble des organisations concernées par cette question puisque notre rôle de la CNDH est d’être à l’écoute de tous.

La CNDH se réjouit de toute tentative de règlement d’une question de droit de l’homme quelle qu’elle soit. Elle est l’institution la mieux indiquée pour être le facilitateur et le conseiller.

J’espère qu’un jour les uns et les autres pourront accepter de tourner cette page douloureuse de l’histoire de la Mauritanie.

Vous savez comme je le dis souvent concernant la question de l’esclavage, il y a ceux qui soutiennent toujours qu’il n’ya aucun problème et ceux qui n’accepteront jamais la résolution des problèmes car ils en vivent. Les deux sont les obstacles à la solution de toutes les questions des droits de l’homme.

Avec l’adoption de la loi sur les symboles de l’Etat, certains partis politiques et les organisations de la société civile ont crié au recul des libertés. Partagez-vous leurs craintes ?

La CNDH n’a pas été consultée lors de l’élaboration de ce texte alors que la loi prévoit que l’institution donne son avis sur toutes les questions ayant trait aux droits de l’homme.

Naturellement nous avons manifesté cette inquiétude et espérons qu’à l’avenir la Commission soit consultée pour donner son avis au gouvernement et au parlement comme le prévoit la loi.

D’ailleurs, constatant que certains projets de lois sont élaborés et présentés sans discussion, nous avons proposé que les projets de loi soient publiés sur le site du secrétariat général du gouvernement avant d’être présentés au conseil des ministres et qu’ils fassent l’objet, le cas échéant, d’ateliers et discussions de la part des professionnels concernés.

Ceci est d’autant plus vrai pour les projets relatifs aux droits de l’homme.

En acceptant le poste de président de la CNDH, l’ancien bâtonnier de l’ordre des avocats mauritanien et membre du pôle des personnalités indépendantes de l’opposition jusqu’en 2019 en a-t-il fini avec la politique, même au terme de son mandat à la tête de cette institution ?

En acceptant le poste de président de la CNDH, je fais un travail qui me passionne, pour l’instant je m’y concentre d’autant qu’il requiert beaucoup d’efforts dans un contexte difficile marqué par l’absence de culture des droits de l’homme et la prolifération de défenseurs des droits de l’homme opportunistes.

Propos recueillis par Dalay Lam



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