17-06-2023 18:30 - Brèches sur le littoral, l’Association des Journalistes Amis du Littoral constate l’ampleur de la menace sur Nouakchott
Future Afrique - Un groupe de journalistes membres de l’Association des Journalistes Amis du Littoral (AJAL) a effectué vendredi 16 juin 2023, une visite de terrain sur le littoral de Nouakchott.
Vingt et une brèches, recensées par les experts du Ministère de l’Environnement et du Programme de Gestion du Littoral Ouest-Africain (WACA) Mauritanie, livrent Nouakchott et son million d’habitants aux furies de l’Océan Atlantique en cas de remontée de la mer. Des solutions sont cependant envisagées.
L’ambiance était détendue à bord du bus qui transportait ce vendredi 16 juin 2023, une vingtaine de journalistes de la presse privée et publique. Direction, les deux brèches les plus dangereuses du littoral au niveau de Nouakchott, celle située près de l’hôtel Ahmedi et l’autre près de « Tergit Vacances ».
Face au cordon dunaire qui a disparu aujourd’hui, alors qu’il mesurait plus de trois mètres de hauteur jusque dans les années 90, la ville de Nouakchott est désormais exposée à la montée des eaux de mer.
Organisée par AJAL, avec le soutien du Ministère de l’Environnement et du Développement Durable et du Programme WACA Mauritanie, cette excursion a permis aux journalistes de constater avec quelle inconscience, le million d’habitants de Nouakchott vaque tranquillement à ses occupations, alors que le « monstre Atlantique » risque de les engloutir à tout moment.
Première brèche, près de l’hôtel Ahmedi
A quelques mètres de l’antique hôtel Ahmedi, abandonné et presqu’en ruine aujourd’hui, alors qu’il a connu ses heures de gloire dans les années 60, se trouve la brèche n°9 d’une longueur d’environ 600 mètres sur 300 mètres de large. L’une des plus dangereuses parmi les trois répertoriées, selon l’expert Daffa Adama, spécialiste en suivi-écosystème auprès de WACA Mauritanie.
Le plastique, un danger méconnu
Une rangée de détritus jonche le sol, là où des vagues en léchant la côte, emportent dans leurs retraits, plusieurs dizaines de bouteilles en plastique. Malaxés par les violents tourbillons marins, ces bouteilles sont écrasées en milliers de micro-organisme que les poissons avalent, les prenant pour du plancton. Et ces micro-organismes en caoutchouc finissent dans les plats, puis au fond des estomacs, créant toutes sortes de maladies.
Pourtant, cette plage a été nettoyée et récurée par des dizaines de volontaires lors de cette quinzaine de l’environnement qui bat son plein depuis le 5 juin dernier. Trois jours après, la plage est de nouveau livrée à l’insouciance des promeneurs.
Une affaire sous-régionale
Selon Daffa Adama, la dégradation du littoral marin ne touche pas seulement la Mauritanie. Elle touche également, d’après lui, d’autres pays, notamment les six pays membres du projet WACA financé par la Banque Mondiale, le Sénégal, la Côte d’ivoire, la Sierra-Léone, le Togo et le Bénin, en plus de la Mauritanie.
L’action néfaste de l’homme
Daffa Adama considère que là où l’action de l’homme n’a pas exercé son empreinte destructrice, comme à Tiguint, le cordon dunaire a conservé toute sa majestueuse stature de paravent contre les effets des remontées de mer. Ce qui n’est plus le cas à Nouakchott où vingt et une brèche ont été répertoriées, regrette-t-il en substance.
« La construction de Nouakchott postindépendance, avec ses infrastructures, ses bâtiments et ses habitations, à coup de sable marin par camionnées, a détruit la protection naturelle qui défendait la ville et sa population », a-t-il ajouté avec amertume.
Des partenaires à la rescousse
Face à ce danger, plusieurs partenaires sont intervenus comme la GIZ, rappelle Daffa Adama, notamment lors d’une incursion marine dans les années 90. Aujourd’hui, WACA a pris le relais pour restaurer le littoral dans les six pays ouest-africains cités plus haut, dont la Mauritanie.
Quelques options
« Là , au niveau de cette brèche, plusieurs options sont sur la table, le bétonnage, le dallage ou le tout-venant, pour renforcer la protection contre la remontée des eaux » a expliqué Daffa Adama qui précise que Nouakchott est située à moins d’un mètre au-dessous de la mer.
Selon l’expert, WACA va colmater les trois brèches les plus dangereuses, les n° 9, 13 et 16, qui sont programmées, avec six autres brèches, pour les trois années à venir et durant l’année 2023 en cours. En 2021, précise-t-il, la Banque Mondiale avait demandé un certain nombre de compléments d’études, ce qui a un peu retardé l’entame des travaux. C’était pour éviter d’effectuer des travaux dans l’urgence et de tomber dans la même erreur qu’au Togo avec les brise-lames qui ont créé après des problèmes, selon lui. Il déclare qu’au niveau de la Mauritanie, l’entreprise qui va procéder aux colmatages est connue et que ce n’est plus qu’une question de temps pour lancer les opérations.
Près de « Tergit Vacances », la méthode biologique pour fixer les dunes
En dépassant le marché aux poissons sis à la plage de Nouakchott, un peu vers l’hôtel Sabah et « Tergit Vacances, là où s’achève le bitume, une grande bifurcation à gauche, direction la mer et la grande plaque de WACA, située sur la partie béante d’une des plus grandes brèches du littoral.
Une énorme clôture en barbelés, 2000 mètres de long sur 150 mètres de large, soit 30 hectares, délimite un vaste champ où pousse des plantes. Ce sont les sessivium, plantes halophiles adaptées à l’environnement et efficaces pour la fixation biologique du sable. Une des méthodes qui a été utilisée au niveau de cette brèche, explique Daffa Adama, pour faire régénérer le cordon dunaire.
Plus loin vers le Nord, ajoute Daffa Adama, le ministère de l’Environnement et WACA ont aménagé plusieurs hectares au bord du littoral et envisagent d’y planter des filaos, des prosopis ou pourquoi pas la Typha, pour fixer le sable et aider à reconstruire le cordon.
En attendant, des mesures s’imposent selon plusieurs observateurs, notamment Daffa Adama. Il faudrait réglementer, selon eux, l’accès des populations à la plage, en interdisant le jet du moindre objet plastique et le passage des véhicules, mais aussi interdire toute extraction du sable marin et des coquillages.
Cela passe nécessairement, ajoutent-ils en substance, par des campagnes permanentes de sensibilisation pour les usagers des plages et des hôtels environnants, en plus de l’application stricte des textes et des sanctions pour donner l’exemple.
Cheikh Aïdara