09-07-2023 16:49 - Propositions pour une gestion efficace des eaux pluviales à Nouakchott

Propositions pour une gestion efficace des eaux pluviales à Nouakchott

Préambule - Les premières pluies viennent de tomber sur Nouakchott, capitale du pays et son centre de gravité économique et social. Sans surprise, des mares se sont apparues malgré que la pluie maximale enregistrée était de 30mm (à Tevragh Zeina).

Toutefois, il est surprenant que cette situation perdure depuis longtemps sans qu’une solution durable au sens du mot ne soit pas mise en place par les autorités compétentes.

Certes, des efforts notables ont été fournis durant les années dernières mais restent pas à la hauteur de ce qui doit être réalisé au niveau d’une capitale d’un pays qui se préparer à entrer réellement dans l’ère gazière et pétrolière.

A rappeler

Les différents modèles de simulation climatique que nous avons pu consulter ne laissent pas s’attendre à une augmentation des précipitations supérieure à celles observées actuellement, du moins jusqu’à l’horizon 2035. Cependant, l’intensité forte (pluie dans le temps, i, exprimée en mm/h) de ces précipitions et l’augmentation du niveau de la mer imposent un traitement efficace de la gestion des eaux pluviales, dans une capitale où le nappe phréatique est très proche de la surface du sol et affleure dans plusieurs endroits, sans oublier l’absence regrettable d’un système d’assainissement moderne des eaux usées.

Quelles pistes de solutions

Sans vouloir disperser l’attention, et pour être opérationnel, des solutions d’ordre institutionnel et technique doivent être mises en place immédiatement pour faire face à ce fléau. D’abord, il est nécessaire de revoir la position des eaux pluviales dans le code de l’eau. En effet, ce Code (loi n° 2005-30) qui définit le régime juridique appliqué aux eaux continentales, aux eaux de surface et aux eaux souterraines, n’évoque nulle part une orientation spécifique concernant les eaux pluviales, ce qui indique que la problématique était totalement absente dans l’esprit législatif, au moment de l’élaboration du Code. A titre indicatif, le paiement des factures énergétiques des 4 stations de pompage des eaux pluviales a été posé de manière sérieuse à Nouakchott y’a pas très longtemps. Qui paye et sur quelle base juridique ? Il y a lieu donc de revoir l’outil réglementaire de référence en la matière.

A préciser que s’agissant d’un écoulement sur une échelle de bassin(s) hydrologique(s), cette compétence (si nous pouvons utiliser le terme) ne peut en aucun cas relever des communes, étant donné que le réseau hydrographique ne correspond pas à la réalité administrative (limites entre commune). Il convient de la voir sur une échelle intercommunale (plusieurs communes) ou même régionale.

Gérer les eaux pluviales autrement

Canaliser les eaux pluviales ou la politique du « tout-tuyau » était considéré pendant longtemps comme la meilleure réponse pour lutter contre les inondations et la pollution par les eaux pluviales. Cependant, des techniques dites « alternatives » se sont apparues comme un nouveau moyen plus optimal (gestion in situ et réduction des volumes et débits rejetés dans le réseau et le milieu naturel) tout en intégrant l’eau dans les espaces publics et privés en améliorant le cadre de vie. Les techniques alternatives offrent une plurifonctionnalité qui permet d’optimiser le coût global des opérations et d’entretien. Les espaces publics assurent le stockage ou l’infiltration de l’eau. Elles permettent de réduire les investissements dans les stations d’épurations et les dégâts liés aux inondations.

Pour rappel, dans le cadre d’un projet financé par l’AFD et mis en œuvre par ACF en Mauritanie, 8 bassins de stockage ont été construits (entre 2020 et 2021) à Sebkha (4 bassins), El Mina (2 bassins) et Dar Naim (2 bassins). Ces bassins de forme rectangulaire, ont une capacité de stockage de 250m3 chacun, et ont été construits sur une logique topographique (points bas) pour recevoir les eaux pluviales de manière gravitaire. L’idée était de leur confère une double fonction : hydraulique (stockage des eaux pluviales) et sociale (lieu de détente, terrain de basket ou de foot).

Estimation des volumes à évacuer

L’estimation du volume d’eau pluviale à évacuer sur un bassin versant est fonction de deux facteurs : sa superficie et son aptitude à laisser infiltrer l’eau. Cette dernière dépend de la pédologie du sol, son occupation et la présence ou non d’une nappe. Après avoir déterminé la pluie journalière à évacuer sur une période de retour T de 10 ans, la formule suivante est considérée comme adaptée à Nouakchott pour calculer le volume journalier à évacuer :

V = (P – I – E)*S

Avec :

V : Volume journalier d’eau pluviale à évacuer (m3) pour la période de retour choisie,

P : Précipitation (pluie) (m) correspondant à la période de retour choisie (44mm pour T=10 ans),

I : Infiltration moyenne journalière (m/j),

E : Evapotranspiration moyenne journalière (m/j), (environ 4.7mm/jr),

S : Superficie de l’étendu considéré (m2).

Proposition de plans de mobilisation des fonds pour le financement d’un assainissement pluvial dans les neuf communes de Nouakchott

Le dernier Plan Directeur d’Assainissement de Nouakchott (PDAN) avait estimé en 2018 le coût total de l’assainissement pluvial à environ 528 Millions MRU HT. Il s’agit donc d’un investissement relativement lourd pour le seul Ministère de l’hydraulique et de l’assainissement, bien qu’indispensable. Eu égard de ce qui précède, et à la lumière de notre analyse du contexte économique local et éco-géopolitique international, et dans l’objectif de mobiliser les fonds nécessaires (de 550 M MRU HT) le plus rapidement possible, il nous a apparu que les deux business model suivants sont les plus pertinents :

1. Partenariat bilatéral

L’assainissement pluvial étant structurant et indispensable à terme, il justifie la recours aux relations stratégiques de la nation, notamment avec les partenaires et amis les plus fiables. Ainsi, nous proposons la création d’un comité interministériel regroupant les ministères de l’économie et du développement durable, de l’hydraulique et de l’assainissement, de l’environnement, des affaires étrangères, de la coopération internationale et des mauritaniens à l’étranger, du pétrole, de l’énergie et des mines et le ministère de l’habitat, de l’urbanisme, et de l’aménagement du territoire pour appuyer cette démarche, et élaborer la communication et le plan d’action les plus appropriés. La Région de Nouakchott sera associée, car l’action se passera sur son territoire. Ci-après une proposition de répartition de contributions à discuter avec les partenaires potentiellement les plus en en mesure de répondre favorablement à cette requête :

- Le Royaume de l’Arabie Saoudite (RAS) : 95 000 000 MRU (17.27%)

- Le Qatar : 133 000 000 MRU (24.18%)

- Les Emirats Arabes Unies (EAU) : 95 000 000 MRU (17.27%)

- L’Union Européenne (UE) : 133 000 000 MRU (24.18%)

- La Chine : 45 600 000 MRU (8.29%)

- L’Etat mauritanien contribuera à hauteur de 48 400 000 MRU (8.8%).

2. Implication du secteur privé et contribution citoyenne

Cette proposition s’articule sur le concept de la Responsabilité Sociétale des entreprises (RSE), notamment celles qui opèrent dans le secteur des activités extractives qui seront invitées à participer à hauteur de 60% du total. Le secteur privé national représenté par le Patronat, quant à lui sera invité à contribuer à 20% de cet investissement. L’Etat sera invité à mobiliser 10% du total tout comme les citoyens (y copris les citoyens).

- SNIM : 110 000 000 MRU (20%)

- Kinross (Tasiast) : 110 000 000 MRU (20%)

- BP : 110 000 000 MRU (20%)

- Patronat : 133 000 000 MRU (20%)

- Contribution citoyenne : 55 000 000 MRU (10%)

- L’Etat mauritanien contribuera à hauteur de 55 000 000 MRU (10%).

Pour la contribution citoyenne, il sera question de proposer aux citoyens de fournir un effort (chacun selon ses moyens avec des prélèvements adaptés pour les salariés et employés du secteur public). Cette contribution citoyenne sur la base du volontariat, nécessite une vaste campagne de communication pour mieux impliquer la population. Cette nouvelle approche de faire contribuer les citoyens dans des actions nationales spécifiques a été pratiquée dans d’autres pays et a permis de faciliter la mise en œuvre de projets stratégiques et structurants pour la patrie (comme le barrage de la Renaissance en Ethiopie).

Retour sur la Responsabilité Sociétale des entreprises

D’après le ministère de l’économie français, la responsabilité sociétale des entreprises (RSE) également appelée responsabilité sociale des entreprises est définie par la commission européenne comme l'intégration volontaire par les entreprises de préoccupations sociales et environnementales à leurs activités commerciales et leurs relations avec les parties prenantes.

En d’autres termes, la RSE est la contribution des entreprises aux enjeux du développement durable. Une entreprise qui pratique la RSE va donc chercher à avoir un impact positif sur la société tout en étant économiquement viable. La norme ISO 26000, standard international, définit le périmètre de la RSE autour de sept thématiques centrales :

1. la gouvernance de l’organisation

2. les droits de l’homme

3. les relations et conditions de travail

4. l’environnement

5. la loyauté des pratiques

6. les questions relatives aux consommateurs

7. les communautés et le développement local.

De là, nous constatons que la contribution attendue des entreprises du secteur minier notamment, est en phase avec leur RSE.

Aussi, le fait que le secteur extractif contribue aux émissions des gaz à effet de serre (GES), ceci est un argument que le gouvernement (à travers les ministères du pétrole, de l’énergie et des mines (MPEM) et de l’environnement (ME)) peut mettre en avant dans sa stratégie de communication avec les entreprises concernées pour davantage de réactivité.

Ebaye DAH EMINE,

Conseiller au Cabinet de la Présidente de la Région de Nouakchott

ebaye.conseiller-rn@laposte.net





Les articles, commentaires et propos sont la propriété de leur(s) auteur(s) et n'engagent que leur avis, opinion et responsabilité


Source : Ebaye EMINE
Commentaires : 0
Lus : 4409

Postez un commentaire

Charte des commentaires

A lire avant de commenter! Quelques dispositions pour rendre les débats passionnants sur Cridem :

Commentez pour enrichir : Le but des commentaires est d'instaurer des échanges enrichissants à partir des articles publiés sur Cridem.

Respectez vos interlocuteurs : Pour assurer des débats de qualité, un maître-mot: le respect des participants. Donnez à chacun le droit d'être en désaccord avec vous. Appuyez vos réponses sur des faits et des arguments, non sur des invectives.

Contenus illicites : Le contenu des commentaires ne doit pas contrevenir aux lois et réglementations en vigueur. Sont notamment illicites les propos racistes ou antisémites, diffamatoires ou injurieux, divulguant des informations relatives à la vie privée d'une personne, utilisant des oeuvres protégées par les droits d'auteur (textes, photos, vidéos...).

Cridem se réserve le droit de ne pas valider tout commentaire susceptible de contrevenir à la loi, ainsi que tout commentaire hors-sujet, promotionnel ou grossier. Merci pour votre participation à Cridem!

Les commentaires et propos sont la propriété de leur(s) auteur(s) et n'engagent que leur avis, opinion et responsabilité.

Identification

Pour poster un commentaire il faut être membre .

Si vous avez déjà un accès membre .
Veuillez vous identifier sur la page d'accueil en haut à droite dans la partie IDENTIFICATION ou bien Cliquez ICI .

Vous n'êtes pas membre . Vous pouvez vous enregistrer gratuitement en Cliquant ICI .

En étant membre vous accèderez à TOUS les espaces de CRIDEM sans aucune restriction .

Commentaires (0)