28-11-2023 00:45 - Au Niger, le régime militaire abroge une loi contre les trafiquants de migrants
France24 - Le régime militaire nigérien a abrogé lundi une loi votée en 2015 contre les trafiquants de migrants, leur faisant encourir des peines "de un à trente ans de prison" et "des amendes de 3 millions à 30 millions de francs CFA" (de 4 500 à 45 000 euros). Cette loi avait "été votée sous l'influence de certaines puissances étrangères", a plaidé le gouvernement dans un communiqué.
Le régime militaire nigérien a abrogé une loi votée en 2015 criminalisant le trafic illicite des migrants au Niger, plaque tournante de ce trafic vers l'Europe via la Libye ou l'Algérie voisines, a annoncé lundi soir le gouvernement.
"Le président du Conseil national pour la sauvegarde de la patrie [CNSP, le régime militaire, NDLR], le général Abdourahamane Tiani, a signé [samedi] une ordonnance portant abrogation" d'une loi du 26 mai 2015 "relative au trafic illicite de migrants", indique un communiqué du secrétariat général du gouvernement lu à la radio et à la télévision publiques.
Cette loi qui "érige et incrimine en trafic illicite certaines activités par nature régulières", avait "été votée sous l'influence de certaines puissances étrangères", affirme le communiqué. En outre, cette loi "a été prise en contradiction flagrante avec nos règles communautaires" et "ne prenait pas en compte les intérêts du Niger et de ses concitoyens", ajoute-t-il.
Le CNSP a donc "décidé de l'abroger" en raison "de tous [ses] effets néfastes et [de son] caractère attentatoire aux libertés publiques". L'ordonnance stipule que "les condamnations" et "leurs effets" prononcés en application de la loi abrogée "sont effacés à compter du 26 mai 2015".
Votée le 26 mai 2015 par l'Assemblée nationale, cette loi contre les trafiquants de migrants prescrivait des peines "de un à trente ans de prison" et "des amendes de 3 millions à 30 millions de francs CFA" (de 4 500 à 45 000 euros) contre les trafiquants.
Depuis son entrée en vigueur, et avec l'appui financier de l'Union européenne, la surveillance, y compris militaire, avait été renforcée dans le désert de la région d'Agadez (nord), un important point de transit pour de milliers de ressortissants ouest-africains candidats à l'émigration vers l'Europe, via l'Algérie ou la Libye.
Poursuite du trafic
Des dizaines de personnes travaillant dans les réseaux de la migration clandestine ont été arrêtées et emprisonnées, de nombreux véhicules de convoyeurs de migrants confisqués.
La loi de 2015 n'a cependant pas dissuadé les migrants, qui ont changé d'itinéraires en empruntant des routes plus dangereuses à travers le désert, se risquant sur de nouvelles pistes sans points d'eau ni repères, ou possibilités d'être éventuellement secourus.
Les opérations de sauvetage de migrants sont fréquentes dans le désert hostile du Sahara, surtout vers la Libye. De nombreux migrants ouest-africains se rassemblent généralement à Agadez, où sont installés des réseaux de passeurs.
Selon les autorités de la ville, il est fréquent que des véhicules transportant des migrants tombent en panne dans le désert, ou que les passeurs se perdent ou abandonnent leurs passagers par crainte des barrages ou des patrouilles militaires. Certains migrants meurent de déshydratation.
Le Niger est dirigé depuis le 26 juillet par le général Tiani, arrivé au pouvoir par un coup d'État ayant renversé le président Mohamed Bazoum, président élu en 2021 et toujours séquestré à Niamey, dans sa résidence.
Le régime militaire s'est éloigné des pays européens, jusqu'alors partenaires privilégiés du Niger, notamment la France, pour se rapprocher en particulier de deux de ses voisins également dirigés par des militaires, le Mali et le Burkina Faso.
Avec AFP