15-08-2024 23:15 - Hydrogène vert : révolution en vue en Mauritanie
Jeune Afrique - De grandes entreprises européennes sont prêtes à financer des
projets d’énergie propre dans des pays susceptibles de les mener Ã
bien. Une aubaine pour la Mauritanie, qui souhaite développer
l’hydrogène vert, avec comme objectif de l’électricité pour tous d’ici Ã
2030.
Selon une étude de la British Chariot Compagnie, la Mauritanie a tous
les atouts pour produire de l’hydrogène vert à très faible coût : un
potentiel solaire et éolien, d’immenses zones désertiques et une
proximité avec les eaux de l’Atlantique.
En 2021, Nouakchott a ainsi
conclu un accord portant sur la mise en Å“uvre de Nour, le plus grand
projet d’hydrogène vert en Afrique. Sa capacité sera de 10 gigawatts
(GW) et le montant des investissements pourrait atteindre 3,5
milliards de dollars.
De quoi assurer au pays une réelle compétitivité
internationale. Quatre autres projets, d’une capacité totale de 85 GW,
pour un coût de 100 milliards de dollars, devraient également voir le
jour d’ici dix à quinze ans.
Jusqu’à 900 milliards de dollars d’investissement
d’ici à 2050
En avril 2023, la Mauritanie a accueilli une conférence sur
l’accélération du financement de l’hydrogène vert en Afrique, en
coopération avec l’Alliance africaine pour l’hydrogène vert (AGHA), la
Green Hydrogen Organisation (GH2) et la Banque mondiale.
Les
études présentées à cette occasion révèlent que, pour que les pays
membres de l’Alliance africaine atteignent le potentiel d’hydrogène
vert, le montant des investissements cumulés devra se situer entre
450 et 900 milliards de dollars d’ici à 2050.
Bien que la Banque mondiale classe la Mauritanie parmi les « pays les
moins avancés » – 160e sur 189, selon l’Indice de développement
humain –, le Conseil d’administration du Fonds monétaire
international a accepté, en janvier 2024, de lui accorder un prêt de
86,9 millions de dollars dans le cadre d’un programme de réformes lié
à l’industrialisation de ce produit.
Cette somme a vocation à créer une
infrastructure technique conforme aux normes internationales.
Par ailleurs, des technologies nouvelles ont vu le jour ces dernières
années, chacune visant à réduire la dépendance aux combustibles
fossiles riches en carbone et à limiter les émissions de gaz à effet de
serre.
Combustible plus sûr et plus stable que les autres, l’hydrogène
est idéal pour alimenter le secteur de l’industrie, les bâtiments et les
véhicules.
Des perspectives de croissance économique s’offrent au pays, grâce Ã
ses ressources énergétiques renouvelables, déjà exploitées ou potentielles. La technique qui permet produire de l’hydrogène vert Ã
partir de l’eau et de l’utiliser comme source de carburant est connue
depuis des décennies.
Mais ce n’est que récemment qu’on a pris
conscience des avantages de ce produit par rapport aux combustibles
traditionnels émetteurs de dioxyde de carbone.
Partout où de l’eau et une source renouvelable d’énergie sont
présentes, on observe un potentiel élevé de production d’hydrogène
vert. La Mauritanie est particulièrement avantagée à cet égard, car elle
dispose de grandes réserves fossiles d’eau douce (1) et des facilités
pour exploiter des sources renouvelables d’énergie : éolien,
hydroélectrique et géothermique.
Le dessalement à moindre frais de l’eau de mer multiplie aussi le
nombre de zones où l’on pourrait produire durablement de
l’hydrogène. Le développement cette industrie permet d’envisager de
notables avantages : création d’emplois, apport de devises par le biais
des exportations et des recettes fiscales.
La capacité de notre pays à utiliser ses ressources solaires et éoliennes pour produire de
l’ammoniac « vert » constitue une réelle chance. Il dispose d’atouts
intrinsèques et concurrentiels pour se positionner en leader de la
production d’hydrogène sur l’ensemble du continent africain.
Avec nos 3 000 heures d’exposition solaire (en moyenne) par an et une
constante des vents des plus élevées au monde, cette transition verte
est à portée de main. Elle tombe à point nommé : l’hydrogène vert
représente la solution alternative pour les pays d’Europe qui, de plus
en plus nombreux, souhaitent que le taux de production des énergies
renouvelables atteigne 52% d’ici à 2030 afin de réduire de 20% leurs
émissions de gaz à effet de serre et de contribuer à la « décarbonation »
des pays partenaires.
Sensibiliser le public
L’État mauritanien est donc appelé à relever de nombreux défis liés
aux choix technologiques, à l’intégration locale, et, surtout, Ã
l’établissement d’un cadre juridique et réglementaire, sous l’œil
attentif d’instances de régulation et de contrôle.
L’intérêt mondial pour l’hydrogène vert va croissant. Il s’accompagne
déjà d’enjeux liés à la chaîne d’approvisionnement pour les fabricants
d’équipements-clés, ce qui rend essentielle sa gestion des risques.
Cette gestion sera exigeante : nos ingénieurs et les fabricants devront
rapidement affiner leurs connaissances et leur expertise pour garantir
la sécurité de la production et du transport.
Le gouvernement devra
aussi s’appuyer sur cette expertise mondiale grandissante pour mettre
en Å“uvre de nouvelles politiques et de nouvelles normes afin que le
secteur progresse au rythme de la demande.
Autre défi à relever : l’adhésion de l’opinion. Comme c’est le cas avec
chaque nouvelle technologie, la peur du risque est présente. Il faut
donc considérer tous les aléas liés aux industries de l’ammoniac et de
la pétrochimie et en tirer les leçons, l’idée étant que l’hydrogène vert
puisse être produit et transporté en toute sécurité, sans risque pour les
personnes et pour l’environnement.
Les acteurs de tout projet relatif Ã
ce produit doivent donc impérativement étudier toutes les
éventualités, sensibiliser la population et l’aider à dépasser les
préjugés.
La coopération entre le gouvernement, les producteurs et l’opinion
sera déterminante pour garantir la place qu’occupera l’hydrogène vert
à court terme dans la transition énergétique. Son utilisation est en
rapide expansion dans le monde.
Dans ce contexte, notre pays se
trouve dans une position idéale pour devenir un fournisseur et un
partenaire économique de premier plan. La production de la
Mauritanie pourrait changer d’échelle, avec, à la clé, de fortes hausses
des recettes budgétaires et des exportations.
Cheikh Ahmed Ould Mohamed
Chef du service Études et Développement de l’établissement portuaire de la Baie du
repos de Nouadhibou, en Mauritanie