10-11-2024 15:58 - Langues nationales « introduites » dans le système éducatif : un leurre ou un cadeau empoisonné
Il est d’abord primordial de signaler toute l’ambiguïté voulue autour de cette formulation.
Pourquoi ne pas simplement appeler un chat un chat ?
Pour cette année, même si l’on peut
parler d’introduction qui n’en est pas une, il faudra y adjoindre si on est de bonne foi, elle est
à titre expérimental, au lieu de chanter sur tous les toits que « l’enseignement des langues
nationales démarrera (ou a démarré) cette année 2024 -2025 ».
Voici comment on a parlé de l’enseignement des langues nationales dans la loi d’orientation
((Loi n°2022-023, chap2 : les langues, Section1 : De l’enseignement des langues nationales,
Article 65, p19) : « : Pour offrir l’accès le plus facile, le plus efficace et le plus équitable au
savoir, chaque enfant mauritanien sera enseigné dans sa langue maternelle, tout en tenant
compte du contexte local et des impératifs de préservation de la cohésion sociale… »
Même si on est resté évasif dans cette première phrase, on pourrait se dire que c’est du
bien, seulement, le même article est truffé de contradictions et de confusions, d’où une
volonté manifeste de manipuler l’opinion.
C’est juste à la phrase qui suit que l’on remarquera
cela : « L'enseignement est dispensé en langue arabe à tous les niveaux d'éducation et de
formation, aussi bien dons les établissements publics que dans les établissements privés ».
Qui ne dira pas que ce n’est pas du tout clair, alors que là juste en haut on a déjà dit que
« … chaque enfant mauritanien sera enseigné dans sa langue maternelle… ».
Oui ce serait
très beau pour être vrai, connaissant le mode de fonctionnement de nos chères institutions.
Mais la confirmation de l’objectif est très bien illustrée encore un peu plus loin : « L'arabe est
enseignée à tous les enfants dont elle n'est pas la langue maternelle comme langue de
communication et comme langue d'enseignement. » Où est donc la place des langues
nationales dont on chante « l’introduction » ? Cette réforme du SEN s’appelle l’arabisation
du système éducatif, wo towff. On aura encore plus de clarté quand on finira par conclure
dans son annexe de notre fameuse loi :
« La généralisation de l’enseignement des langues nationales interviendrait à la suite d’une
expérimentation conduite par la structure chargée de la promotion des langues nationales et
sur la base d'une évaluation scientifique probante conduite par une expertise qualifiée … ».
Juste après, toujours dans l’annexe : « En attendant la généralisation de l’enseignement
des langues nationales, l’enseignement des disciplines scientifiques sera dispensé en
arabe ».
Voilà enfin, tout ce que l’on s’attend de la loi d’orientation, remplacer le français totalement
par l’arabe, en mettant devant comme appât empoisonné, un soit disant enseignement des
langues nationales. Ne verra pas cela que celui qui n’a pas envie de voir ; mais c’est clair et
très net : Il ne restait que ces trois (3) disciplines dites scientifiques (math, physique et
Science naturelle) encore enseignées en français, et ce, depuis la dernière réforme de 1999.
Evidemment, nous militons pour les langues nationales, pour leur enseignement, pour leur
officialisation, mais pas contre l’arabe ni contre, non plus, le français, ou contre toute autre
langue d’ailleurs.
En revenant à l’expérimentation de l’enseignement, nous avons d’abord le devoir de dire
clairement aux mauritaniens qu’il s’agit d’une expérimentation. Et ensuite, voici la répartition :
25 classes en tout, soit :
- 18 classes pour les locuteurs, soit 6 classes par langue (Pulaar, Soninké et Wolof)
- 7 classes pour les non-locuteurs.
Si cela était sincère, comme c’est introduit dans l’article 65, que je me permets de
reprendre ici: « Pour offrir l’accès le plus facile, le plus efficace et le plus équitable au savoir,
Chaque enfant mauritanien sera enseigné dons sa langue maternelle… », bone mbaɗataa !
Maintenant faisons la superposition et tirons la conclusion nous-mêmes. Que peut-on tirer de
cette expérimentation, tout en sachant les miettes distribuées aux trois langues et que
pendant ce temps l’arabe aura fini aisément sa phase de généralisation (cf : « en attendant
la généralisation … ». Et c’est vraiment cela l’objectif et rien d’autre. Donc c’est une duperie
pure et dure à travers laquelle, cette réforme est en train de sceller en une seule fois le sort
des langues, y compris le français.
Pourtant, on l’avait déjà dit, cette expérimentation ne devrait pas avoir lieu, car toutes nos
langues nationales ont déjà été expérimentées avec des résultats très concluants. Que
cherche-t-on donc à travers cette expérimentation, si ce n’est leurrer les mauritaniens et du
coup accomplir le plan macabre de l’arabisation à outrance de notre système éducatif ?
Or, pour ceux qui ne le savent pas (je le répète encore) ce sont seulement les trois
disciplines scientifiques qui restaient enseignées en français depuis la réforme de 1999, qui
avait emporté en même temps toutes les matières littéraires désormais dispensées en
arabe. Donc, ne sera berné que celui qui ne l’a pas compris, ou qui veut l’être, mais la
trajectoire est on ne peut plus clair.
D’ailleurs, si l’introduction des langues nationales (qui n’en est pas une) est sincère et
honnête, pourquoi une réforme dans une réforme ? Une petite reforme faite à l’intérieur au
profit de l’arabisation totale sans attendre la fin de l’expérimentation (qui ne devrait pas avoir
lieu, encore une fois) ? Et pourquoi cette « expérimentation » n’est pas limitée dans le temps
?
On connaît malheureusement les réponses, illustrées par le même document : « ... maîtriser
la langue arabe, langue nationale et officielle, en tant que langue d’enseignement à tous les
niveaux du système éducatif national, moyen de production culturelle et de
communication... »
Évidemment, nous ne rejetons pas l'arabe, qui d’ailleurs est une langue nationale, ce qui est
acceptable et accepté, en sachant pour certains, l’arabe c’est le Hasaniya (nous ne jugeons
pas). Mais, s'il vous plaît, nous avons d'autres langues : le poular, le soninké et le wolof sont
aussi reconnues comme nationales. Pourquoi donc l'arabe seule doit-elle être la langue
d’enseignement ? Hum, parce qu'elle est officielle ? Qu'est-ce qui empêche les autres de
l’être ? Au nom de quoi ? Parce que la loi de mon pays ne l'a pas voulu ainsi ? Parce que les
locuteurs de ces langues ne sont pas des citoyens à part entière, mais de seconde zone ?
Voilà , de multiples questions pour lesquelles seules les bonnes réponses nous amèneront Ã
cette cohésion sociale tant chantée. Aidez-nous. Aidons-nous à remettre notre pays sur la
bonne voie. Aidons-nous pour le rétablissement de la justice, pour l’officialisation de toutes
nos langues nationales.
Nous souhaitons l'enseignement dans et par nos langues nationales, toutes nos langues
nationales, mais nous ne voulons pas disparaître à petit feu. Cette réforme est un cadeau
empoisonné à laquelle, même les concepteurs ne croient pas.
La preuve en est que tous
leurs enfants sont ailleurs, dans d'autres systèmes, d'autres contrées, là où l'autre est
respecté dans sa langue, sa culture, et en tant que citoyen à part entière. Là où, le
programme scolaire est dument réfléchi, là où il n’y a pas de politique politicienne dans
l’éducation.
Dooro Gey Njooro (Boobo Loonde)